La revue TCS a 10 ans : bilan, acquis et perspectives

Frédéric Thomas - TCS n°51 - numéro spécial 10 ans- janvier / février 2009

« Avec ce numéro spécial, nous tenons à remercier tous les partenaires et tous ceux qui nous ont fait confiance, nous ont aidés et soutenus, tous ceux qui, de près ou de loin, ont collaboré en mettant des essais en place, en nous communiquant des résultats, des observations, des commentaires et des photos. C’est votre énergie, votre soif de changement, votre enthousiasme et votre créativité retrouvée qui nous ont permis d’animer les rubriques de TCS et qui je l’espère lui permettront de continuer d’apporter des options novatrices et d’ouvrir des voies vers des agricultures toujours plus autonomes, économes et respectueuses des hommes et de l’environnement. »

Avec ce n° 51, la revue TCS fête son 10e anniversaire. Projet un peu audacieux d’un groupe de pionniers, elle a bien progressé pour maintenant s’imposer comme la référence en matière de simplification de travail du sol. Si le rubriquage et le contenu des articles ont beaucoup évolué, se sont étoffés et ont gagné en pertinence, l’engagement pour une agriculture plus économe et plus respectueuse de l’environnement est resté identique. Avec le temps, il s’est même précisé et renforcé avec l’acquisition de nouvelles connaissances venant apporter toujours plus de cohérence et nous conforter dans cette orientation.

Au cours des différents numéros, la revue est cependant passée du stade de reconnaissance et de promotion du non-labour, à l’animation d’un réseau d’agriculteurs, de techniciens et de chercheurs convaincus en facilitant la synthèse et le transfert d’idées, d’astuces et de résultats pour devenir initiatrice de réflexions, de pratiques et d’itinéraires techniques innovants.

En parallèle, et même si la simplification du travail du sol ne fait pas encore l’unanimité dans les campagnes, tout le monde, la presse généraliste et même les politiques commencent à en parler. Ainsi les réunions, forums et colloques de toutes sortes qui sont en train de fleurir valident à demi-mot cette approche même si les messages restent encore confus et quelquefois contradictoires.

TCS a également imposé progressivement son vocabulaire. Le nom de la revue est devenu l’appellation générique bien que l’approche se soit largement complexifiée et corresponde mieux à ce que nous intégrons sous le terme « AC » (agriculture de conservation ou agriculture du carbone). Aujourd’hui, on parle aussi de plus en plus de TCSistes et de SDistes ou d’organisation structurale, de couverts biomax, de volant d’autofertilité, de PEA (plan d’épargne en azote), de biodiversité fonctionnelle voire de génie écologique, autant de termes importants qui sous-tendent des concepts fondamentaux.

En parallèle, voilà 10 ans, il n’existait quasiment aucune référence en France. Avec les pionniers, convaincus du bien-fondé de l’orientation, nous nous sommes donc appuyés sur des sources étrangères que nous avons largement diffusées dans nos colonnes. Même si elles provenaient de conditions pédoclimatiques très différentes, elles nous ont servi de repères pour comprendre l’impact de l’agriculture conventionnelle sur le sol et d’objectifs pour caler progressivement nos approches techniques. Avec le recul et même s’il reste encore beaucoup de travail, nous avons maintenant commencé à construire de solides références locales qui corroborent en grande partie les suppositions de l’époque.

À ce titre, c’est d’ailleurs la simplification du travail du sol qui a apporté, ces dernières années, le plus de progrès en agriculture, qui, aujourd’hui, profite à l’ensemble du paysage agricole :

En matière de mécanisation, ce sont des TCSistes, à la recherche d’un déchaumage superficiel et de qualité, qui sont à l’initiative des outils à disques indépendants rapidement repris par les constructeurs avec la popularité et le développement que l’on connaît. Ce sont encore eux qui ont fait évoluer les outils de fissuration et surtout leur utilisation allant jusqu’à déboucher sur le « Strip-till » et « Till-seed » made in France.

Vu que cette technique nécessite des sols vivants et organisés verticalement avec une architecture porale en réseau, ce sont encore les TCSistes qui ont remis le profil cultural au goût du jour pour mieux comprendre, développer et gérer des structures performantes. Toujours en matière de sol, c’est encore eux, conscients de l’intérêt de la matière organique dans la fertilité du sol qui ont ouvert et animé les débats sur la séquestration du carbone dans les sols agricoles.

Pratiquant les couverts, non par contraintes environnementales mais pour développer l’autofertilité de leurs sols, les TCSistes, influencés par les Brésiliens, ont là encore construit une expertise toute particulière avec les mélanges performants intégrant des légumineuses associés à des modes de destruction simples, novateurs et écologiques comme le gel ou le roulage.

Par ailleurs, les soucis de faim d’azote assez récurrents dans les premières années de transition ont permis de comprendre la relation étroite qui unit N et C et l’influence du travail du sol sur leurs dynamiques. Bien que les risques de fuites soient largement endigués, cette pénalité a contraint d’adapter et de localiser la fertilisation mais aussi de réintégrer des légumineuses pour déboucher au final sur d’intéressantes économies d’azote.

Souvent confrontés à des soucis de désherbage, les TCSistes et surtout les SDistes, ont progressivement mieux compris comment gérer positivement le stock semencier laissé à la surface afin de faire de cette contrainte un avantage, grâce à la construction de rotations adaptées permettant même, dans des cas particuliers, des impasses en herbicides. C’est ainsi que s’est développé au cours des articles le changement de place du colza dans la rotation avec les implantations derrière pois ou féverole ou le principe de la double alternance.

En complément, l’élevage, un peu laissé de côté au départ avec des techniques et des outils plutôt destinés aux céréaliers, a progressivement trouvé sa place avec la valorisation des couverts et des dérobées pour devenir une composante importante voire incontournable de l’agriculture de conservation. En fait, la présence d’animaux, contrairement aux a priori et grâce aux effluents et la possibilité de construire des rotations plus complexes avec éventuellement des cultures pérennes, facilite la mise en place de la simplification du travail du sol.

Enfin pris par leur enthousiasme, de nombreux TCSistes et SDistes ont retrouvé une grande créativité qui leur permet d’imaginer, de tester et de valider aujourd’hui des approches encore plus abouties qui découlent souvent d’observations, d’erreurs et mêmes d’échecs. Pour en citer quelques-unes, on retrouve ici l’association de cultures, la couverture permanente, la double culture… des techniques largement éloignées de l’idée un peu simpliste de la seule simplification du travail du sol, mais ce sont des concepts innovants et très complémentaires qui, tout en repoussant encore les limites, apportent plus de robustesse et améliorent l’efficacité globale de l’agriculture.

Cette rapide rétrospective permet de voir le chemin parcouru et surtout les progrès réalisés en si peu de temps. Aujourd’hui, cette dynamique et surtout les connaissances, les pratiques, les innovations produites par l’agriculture de conservation et diffusées par TCS sont devenues incontournables et commencent sérieusement à faire écho dans l’ensemble du paysage agricole. Ainsi, et comme dans d’autres pays auparavant, nous avons atteint un niveau critique qui devrait entraîner l’accélération de l’adoption de ces techniques qui vont continuer d’évoluer, de se préciser et de se sécuriser grâce à la contribution d’un plus grand nombre de praticiens mais aussi une collaboration croissante des constructeurs, des chercheurs et de l’ensemble de l’encadrement de l’agriculture.


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