Vendredi 3 juin 2016
Thierry Stokkermans

Originaire du Sud-Ouest de la France, Thierry STOKKERMANS a travaillé en Espagne, Nouvelle-Zélande et Australie avant de s’installer aux Pays-Bas. Convaincu par le semis direct à faible perturbation, il conçoit et développe aujourd’hui des machines agricoles (zip drill).

Quel futur pour le semis direct en bio ?

Les produits issus de l’Agriculture Biologique (AB) sont commercialisés en mettant en avant la santé et la préservation de l’environnement. Au même moment, les scientifiques ont prouvé que l’Agriculture de Conservation (AC) est nécessaire pour gérer nos ressources et devenir une société durable. Mais, en 2016, le semis direct en AB est une pratique marginale. En effet, il est difficile de cultiver du blé, du maïs, du soja et de la tomate en AB sans recourir au travail du sol. Le principal verrou est la gestion des adventices, en particulier lorsque la rotation inclue une culture pérenne (une prairie pluriannuelle par exemple). Cependant, il est possible que le semis direct en AB devienne une pratique courante dans le futur et ceci grâce aux développements technologiques.

Une activité biologique du sol inimaginable

Dernièrement, la science a découvert qu’il y avait beaucoup plus d’espèces vivantes sur la planète terre qu’on ne le pensait. Un des lieux de découverte est le sol et son intense vie microbienne. Il y a une activité biologique inimaginable dans le sol. Selon le Global Soil Biodiversity Atlas, il pourrait y avoir 10 millions d’espèces de nématodes, 70 millions de protistes et 5 millions de champignons et il y a au moins 1 million d’espèces de bactéries sans savoir combien il pourrait y en avoir au total dans nos sols. De plus, toutes ces espèces produisent différentes substances qui ont différentes propriétés. Cela signifie qu’il y a un très grand nombre de substances organiques, telles que des protéines, que l’humanité pourrait utiliser dans différents domaines et pour différentes fonctions.

Aves les substances organiques, des projets d’affaires

De plus, le monde des affaires s’intéresse de plus en plus à ces substances organiques et à leurs propriétés spécifiques. En effet, il y a un grand nombre de problèmes à résoudre sur notre planète et ces nouvelles substances aux propriétés particulières peuvent aider à résoudre un certain nombre de problèmes. Et, comme toujours lorsqu’il y a un besoin et une solution industrialisable, il y a un projet d’affaires. Avec les substances organiques, il n’y a pas un projet d’affaires mais des milliers. Parmi les millions d’espèces microbiennes, les bactéries semblent particulièrement intéressantes pour développer de nouvelles solutions. D’un point de vue technologique, elles allient croissance et développement rapide et simple. A titre d’exemple, les bactéries sont étudiées pour produire des colorants alimentaires ou pour extraire des métaux rares.

Vers des herbicides biologiques...

Création d'un herbicide à partir d'une bactérie
Où est le lien avec le semis direct en AB ? C’est simple : prenez un grand nombre de bactéries et cherchez pour les bactéries qui produisent des molécules herbicides (figure 1). Les herbicides trouvés peuvent être de plusieurs types allant de l’herbicide de contact sélectif à l’herbicide systémique non-sélectif. Avec une telle gamme d’herbicides biologiques qui pourront être pulvérisés sur les parcelles, le semis direct en AB deviendra faisable, efficace et compétitif.

A quel point ces herbicides sont ils biologiques ? Ils seront totalement bio et recevront leur homologation pour l’AB. Les bactéries seront cultivées de façon biologique et les molécules seront mécaniquement extraites des bactéries ce qui est accepté par le cahier des charges AB.
Qui va faire ça ? Les grands groupes impliqués dans les sciences de la vie joueront un rôle important. Ils connaissent parfaitement le milieu et ont le réseau de vente et la puissance financière nécessaire. Par conséquent, il est probable que Monsanto ou BASF fournissent les agriculteurs bio et conventionnels avec des herbicides bio.
Quel est le niveau de savoir-faire ? Pour la culture des bactéries et extraction des molécules, le savoir-faire est très bon. Les procédés sont connus et les ingénieurs continuent d’améliorer les techniques de cultures et d’extractions. Par exemple : l’insuline pour soigner le diabète est produite par des bactéries depuis 1982 et la start-up Phytonext a amélioré l’extraction mécanique de molécules pour les produits organiques. Mais, comme expliqué ci-dessus, les bactéries du sol et les substances qu’elles produisent sont, pour ainsi dire, inconnues et c’est dans ce domaine que la recherche et les investissements prendront place.

Du moyen ou du long terme

Quand sera la mise sur le marché du premier produit ? C’est du moyen ou du long terme. Cela dépend du labeur des scientifiques et des investissements des compagnies. Cela peut prendre 5 ans s’ils ont déjà fait des trouvailles significatives ou 10 ans s’ils trouvent des difficultés en chemin.
Est-ce que ces herbicides biologiques seront-ils sains et écologiques ? Je répondrais avec une question : est ce que le CO2 est sain et écologique ? J’ai pris le CO2 car c’est une substance organique produite par quasiment tous les êtres vivants et il a aussi bien des effets positifs que négatifs sur la santé et l’environnement. Le problème avec le CO2 n’est pas son existence mais le fait de gérer les quantités et les taux.