Samedi 31 janvier 2015
Philippe Pastoureau

Éleveur dans la Sarthe et ACiste reconnu, Philippe PASTOUREAU multiplie les essais, toujours à la recherche d’amélioration. Rédacteur de longue date sur A2C, il relate ses expériences : un véritable appui technique et un vrai régal à lire !

Comment passer au Sol Vivant 2/2.

S’entourer

Parcour de bosses acrobatiquesPour faire suite au topic ci-dessous (cf. article du 12/11/2014) qui nous expliquait pourquoi il fallait s’inquiéter du mur qui s’approche de plus en plus, je vais simplement vous expliquer les changements que j’ai mis en œuvre depuis 4 à 5 ans sur ma ferme et qui ne sont que le début d’une réflexion globale de la cohérence de mon exploitation.

Passer au sol vivant ne s’improvise pas, on peut comparer cela à la descente d’une piste de ski pour un novice, certains vont réussir après quelques hésitations, ce sont des pionniers, d’autres (comme moi) vont se lancer, observer le regard de leurs entourages et probablement chuter à un moment ou un autre, puis perdre de vue les pionniers... Je fait partie de ceux qui ont gouté la poudreuse, quand ont est jeune on se relève facilement, mais l’âge se faisant sentir, j’ai pris l’option de prendre plusieurs moniteurs pour m’aider dans ma conquête du sol vivant. Je tiens particulièrement à remercier tous ces pionniers qui m’ont ouvert leurs fermes, m’ont hébergé dans leur maison pour bien prendre le temps de m’expliquer, et sont toujours là pour m’aider si besoin. Merci donc à Jocelyn, Philippe, Frédéric, Odette, Jean, Guillaume, Pierre, Jean-Claude, Anthony, Fabien, Christophe, François, et tous ceux que j’oublie, mais chacun d’entre vous m’avez allumé une ampoule dans mon cerveau, et la piste est maintenant parfaitement balisée, il n’y a plus d’improvisation, chaque virage est anticipé, négocié, chaque bosse est appréhendée pour être mieux contourné, où simplement utilisée pour prendre un envol et jouir encore plus des sensations ressenties de la maîtrise de ses actes.

Analyser

Sur le graphique ci dessous, je me suis amusé à reprendre dans mon grand livre l’évolution des postes de charges qui variaient en fonction des pratiques dans mes champs. Ensuite, je superpose sur ce graphique l’évolution du rendement en blé de ma ferme, je fais une moyenne triennale afin d’estomper l’effet "année" ou "parcelle". Et pour avoir un effet ciseau, je calibre les deux échelles de sorte que 150 € de charges correspondent à 10 quintaux. Ainsi, lorsque l’écart entre la ligne du rendement en blé et l’histogramme des charges se réduit, cela signifie que ma marge diminue, et inversement lorsque l’écart s’amplifie. Je fait ici abstraction des coûts de mécanisation et du temps de travail, car pour moi ces économies possibles ne peuvent à elles seules compenser une baisse de rendement subit.

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De 1995 à 2005, j’ai voulu tout réduire, diminuer l’utilisation de pesticides, d’engrais, de fioul et de machine via les TCS ou le semis direct. Je vous laisse observer les tendances, c’était pour moi chute et rechute, et je commençais à sérieusement douter de mes choix. A partir de 2008, à force d’avoir la tête plaqué au sol, j’ai fini par comprendre que je devais remplacer l’énergie facile ( machine, chimie, ...) par de l’énergie solaire. Je décide de capter les rayons du soleil pour produire de la biomasse, biomasse qui va alimenter la vie de mon sol, vie du sol qui tout doucement va s’amplifier et va commencer à m’autoriser certaines économies.

Comprendre

Comprendre !!! comprendre ce qui ne va pas sur sa ferme, et transformer tout ce qui peut paraître un inconvénient en avantage.
Perso, la gestion des effluents et les récoltes de fourrage pour mes laitières semblaient incompatible avec un sol vivant, en effet le trafic lourd des épandeurs en période non ressuyé m’oblige à réaliser un travail mécanique pour "réparer" le compactage.

Le compactage est un problème biologique.

J’ai maintenant compris que c’est toute mon exploitation qui doit être en harmonie avec la gestion de mes sols, tout doit être complémentaire et fonctionner en symbiose, et non avoir d’un coté un atelier "hors sol" et de l’autre des sols qui subissent l’élevage. Un technicien va m’aider à sécuriser mes pratiques culturales et exprimer le potentiel de mes sols durablement, cela a commencé en 2011, nous commençons aujourd’hui à en toucher les bénéfices, qui je n’en doute pas devraient s’amplifier à l’avenir à la vue de l’état de nos cultures, de nos sols qui vont réellement de mieux en mieux grâce au carbone que l’on arrive à stocker et qui est la nourriture de mon sol.

Evolution des rendements et de la MO par apport à la situation initiale.

Mettre en oeuvre

Depuis 2005-2008, j’essaie de laisser un maximum de résidus sur le sol, la généralisation des plantes compagnes avec le colza apporte de la biomasse pour mon sol, l’implantation de couvert dérobée me permet de réduire ma surface en maïs ensilage, et tout va s’accélérer en 2012...

Je veut donner encore plus de vie à mon sol, je décide d’arrêter de compacter mon sol, je met en place des racines le plus souvent possible. Mon élevage "hors sol" laitier va devenir un vrai partenaire, la symbiose va devenir réciproque puisque mes vaches, alimentées par des plantes de plus en plus saines, vont rapidement dire "au revoir" au véto, ceci pour le bonheur de mon comptable qui apprécie cette autonomie retrouvée.

La graine est pour l’homme, la plante pour le sol.

Après avoir visité la ferme d’Anton et Marlène Sidler (http://www.lvh-france.com/), ce fut une évidence pour moi, exit le soja, exit les vendeurs de poudre de perlinpinpin, je décide de nourrir mes sols, je décide de nourrir mes vaches laitières qui sont des ruminants et non des monogastriques...

J’avais juste oublié cela, je nourrissais mes conseillers et non mon outil de travail...

Je n’accuse personne, maintenant c’est moi qui décide.
Par ce post, j’essaie de faire passer le message que c’est à chacun de trouver sa voie, c’est à chacun de trouver comment harmoniser les outils de production d’une exploitation. Peut être qu’en vous inspirant des quelques graphiques que je vous ai mis ici, en effectuant des visites chez des voisins plus ou moins proches, vous aussi réussirez à trouver la piste qui vous permettra de franchir les obstacles qui se présente devant vous.

Je reviendrais plus en détail sur les prochains posts sur l’ITK de chaque cultures, sur quelques nouveautés arrivées sur la ferme, et sur ce qui reste à venir...

J’en profite pour vous mettre un lien vers un condensé des interventions qui ont eut lieu au 3ème colloque sur la santé des sols au Québec, ainsi que lors de la journée "Agroécologie" organisé le 27 Janvier par les chambres d’agriculture des pays de la Loire.

- Colloque santé des sols au Québec ( je vous recommande en partulier le dernier pdf "40 mn pour 40 conseils)
- Colloque Agroécologie

Et en prime, un petit pdf que j’ai présenté lors de cette journée

20 ans pour passer au sol vivant