Lundi 21 octobre 2013
Philippe Pastoureau

Éleveur dans la Sarthe et ACiste reconnu, Philippe PASTOUREAU multiplie les essais, toujours à la recherche d’amélioration. Rédacteur de longue date sur A2C, il relate ses expériences : un véritable appui technique et un vrai régal à lire !

Je n’ai pas vendu la peau de l’ours.....

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- En Juillet 2012, je vous parlais de Recherche et Développement et la fluctuation des cours du blé m’avait amené à me poser quelques questions sur ma façon de vendre mes céréales.
Aujourd’hui, j’ai encore du mal a me faire à l’idée de vendre avant d’avoir récolté, même vendre avant d’avoir semé !!! Et pourtant, je vais devoir progresser très vite sur ce sujet, si je veux sécuriser mon exploitation que je gère aujourd’hui sans protection de revenu...
C’est incroyable, je suis cultivateur, éleveur, je suis performant dans mes pratiques, j’obtiens de bons résultats dans mes champs, mes sols vont de mieux en mieux, je maîtrise tous les jours un peu plus mon outil de travail mais je suis totalement incapable de fixer un prix de vente...
Et oui, vous l’aurez compris, je fais parti de ceux qui pensent que les arbres peuvent monter au ciel... On va en rire mais plus sérieusement, avec l’hiver très compliqué que nous avons eu, je n’ai pas voulu engager ma récolte 2013 avant le mois de mai ou juin de peur de ne pas pouvoir honorer mes contrats, et la dégringolade des cours ont fait ensuite que aujourd’hui, je n’ai encore rien vendu de la récolte 2013. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été conseillé par mon conseiller privé qui m’a expliqué qu’un enfant de 6ème se débrouillerai mieux que moi pour commercialiser mon blé.

- Je vous explique la situation avec 1 exemple de stratégie de vente :

Voici ce que mon courtier me proposait pour une récolte 2013, livraison et paiement en 11/2013 (je stocke tout). je compare les cours du 03-01-2013 et actuellement 21-10-2013 : (€/t )

Colza :
- 03-01-13 = 456 €
- 20-10-13 = 366 €
- Perte = 88 €

Blé :
- 03-01-13 = 211 €
- 20-10-13 = 185 €
- Perte = 36 €

Maïs :
- 03-01-13 = 198 €
- 20-10-13 = 159 €
- Perte = 39 €

J’ai récolté 30 ha de blé à 8t/ha, 25 ha de colza à 3.5t/ha et 20 ha de maïs que j’estime à 10t/ha. Si on fait le calcul, cela fait mal, très mal, très très mal, j’arrive à plus de 22 000 € de perte de chiffre d’affaire...
300 €/ha de perdu simplement parce que je n’ai pas osé en janvier 2013 vendre ma future récolte, cela fait réfléchir.
Je me lève tous les matins pour aller au boulot, je travaille quelques fois tard le soir car la météo est favorable, tous ces efforts ne servent à rien si je ne sécurise pas mes ventes.

- Certes, les chiffres ci dessus ne sont qu’un exemple moyen, avec des prix à un moment donné, mais cette fluctuation qui n’est pas liée à la qualité de mon travail risque à terme de me ruiner si je ne la maîtrise pas.
La stratégie de vente va maintenant faire partie d’une étape de la production de mes céréales, un budget y sera alloué. Voilà pourquoi je vais probablement bientôt mettre en place des PUT et des CALL, ce sont des primes d’assurances qui vont me permettre de sécuriser mon chiffre d’affaire. Par exemple, pour la récolte 2013, j’aurais dû acheter des PUT ( assurance à la baisse ) en janvier 2013 pour une échéance de novembre 2013 et un prix de vente à 211 € (cours du courtier à l’époque). Concrètement, j’achetais une assurance qui m’aurait coûté 5-7 €/t et qui avait le gros avantage de ne pas engager mon physique ( ma récolte en cours). Une fois ma récolte 2013 faite, je décide de vendre au prix du jour, prix du 23-10-2013 par exemple et en même temps j’active mes PUT car le prix de vente est inférieur au prix contractualisé (l’assurance me rembourse entre le prix de vente à 185 € et le prix assuré 211 €). Cette stratégie m’aurait permis de limiter ma perte ( je perdais 5 à 7 € ( coût de l’assurance ) et non 36 €/t.) pour le cas du blé.
De plus, comme il s’agit d’une assurance, il n’y a pas de lien avec le produit donc si au pire je ne récolte rien ( grêle, pluie, ...), cela ne me coûtera que le coût de l’assurance. A l’inverse, si les arbres étaient montés au ciel, mon physique n’étant pas engagé, je vendais ma récolte à des prix élevé et je perdais seulement le coût de l’assurance. Bref, ceci n’est qu’un exemple très approximatif car je suis novice dans tout cela, des agris maîtrisent cela bien mieux que moi mais je veux juste exprimer par ce topic la nécessité de bien vendre sa récolte, ou tout du moins l’assurer lorsque les cours sont incertains.