Lundi 8 octobre 2012
Christophe Barbot

Conseiller en agronomie à la Chambre d’Agriculture d’Alsace.
Pour Christophe BARBOT, les matières organiques du sol n’ont presque plus de secrets. Travaillant près de Strasbourg, il observe aussi ce que font nos voisins germanophones, Suisses, Autrichiens ou Allemands.

Structure optimale du sol et activité biologique du sol agricole

« Labourage et pasturage sont les deux mamelles de la France », voilà les mots qu’aimait à répéter, Maximilien de Béthune, duc de Sully, le ministre du roi Henri IV.
Mais est-ce bien le même sens que le mot « labourage », retournement de la terre mécanisé de nos jours, que l’on doit entendre ? Je me suis posé la question, car le niveau de travail du sol a sacrément évolué depuis 1600… et plus encore depuis les années 1960, avec le machinisme agricole et le pétrole pas cher. Un “labourage” est d’abord, avant d’être un passage par un versoir, un ameublissement du sol pour permettre les semis.
Cet ameublissement peut aussi se faire de façon naturelle, (mais plus lent qu’avec les machines !) grâce à l’action de l’écosystème sol sur la couche arable du sol. L’ ameublissement (« soil tilth » en anglais) correct est l’état idéal, qu’un sol peut atteindre, pour assurer une croissance optimale. Le sol doit avoir une structure friable (krümelig en allemand), meuble, bien aérée suffisamment humide, bien parcourue par les racines et riche en éléments nutritifs. La valeur d’acidité du sol (pH) doit aussi être adapté aux plantes cultivées.
Ce qui est reconnaissable sur le terrain, c’est l’état d’ameublissement biologique, dite Bodengare, en allemand et ‘Soil tilth’ en anglais (je mets ci-joint un document allemand diffusé sur le Web par Hortipedia B2B, Diverses formes de l’état idéal d’ameublissement). Cet état est caractérisable à côté de la structure du sol, dans une vie du sol active, regroupant les bactéries, les champignons et les animaux transformateurs inférieurs (visible seulement au microscope) et supérieurs (carabes, vers, araignée, acarien).
Dans les livres de jardinage anglais, cet état du sol est décrit de temps en temps de façon si agréable que le sol est alors « correct » : c’est quand vos mains peuvent creuser un trou de plantation, qui sera adapté certainement à la culture de légumes ou de plantes à fleurs. Mais cette forme de terre ‘Bodengare’ ne conviendra pas à toutes les plantes. Certaines aimeront peut-être plutôt, des sols plus maigre, plus sec, plus humide, plus sableux ...

L’herbe verte irlandaise et l’état biologique du sol

En allemand on dit ‘Schattengare’ (littéralement « couche arable à l’ombre"). On ne sais pas si les pédologues anglo-saxons ont mis au point un concept similaire (comment le peuple celtique voit le sol : les gens âgés qui parle irlandais disent « force de la terre » quand ils veulent dire la fertilité des sols ). Quoi qu’il en soit, ‘Schattengare’ indique le fait que très souvent la couche arable du sol est mieux à l’ombre des plantes ou d’autres choses comme des brindilles posées sur le sol. Si on va comparer un sol nu à un sol avec une couverture dense de trèfle par exemple, on constate que, quand le sol devient sec, le trèfle peut rendre le sol dur comme de la pierre, car il aspire toute humidité du sol, mais aussi longtemps que il y a suffisamment d’humidité, le sol sous le trèfle sera mou et friable avec des vers de terre qui rampent à sa surface, même dans la journée, tandis que le sol nu sera très dur.

Extrait de : Wikipedia.de BODENGARE

L’état d’ameublissement (fermentation du sol) est appelée BODENGARE en allemand en agriculture, c’est la situation idéale d’un sol fertile. Un sol est friable, grumeleux, riche en humus, bien aéré, suffisamment humide et légèrement parcouru par les racines. Ce bon état du sol est caractérisé par des agrégats grumeleux avec une grande stabilité, comme un tissu élastique. Cet état du sol peut être évalué avec le diagnostic à la bêche. Comme une pâte "fermentée" de pain, le sol à l’état d’ameublissement intéressant (BODENGARE) comprend de nombreuses cavités petites et moyennes appelées pores du sol, qui servent de conduites d’air et de stockage de l’eau. Comme une éponge, ce sol peut absorber par exemple des précipitations et dévier les minéraux excédentaires fuitant vers les eaux souterraines.

Une telle structure optimale du sol est appelée structure grumeleuse (Krümel, émiettée comme la mie). Les organismes vivant dans le sol (bactéries, vers, insectes et autres organismes, micro-organismes) influencent le micro-climat et d’eux dépendent une bonne aération et évacuation de l’air. La structure grumeleuse comme la mie est donc une condition préalable à l’existence d’espèces et d’individus de population riches d’organismes.

La structure grumeleuse (Krümel) et donc par la suite, l’état d’ameublissement (Bodengare) peuvent être détruits par un traitement inapproprié, comme le compactage par des équipements lourds, la circulation constante ou par de fortes pluies. De façon optimale afin de maintenir cet état d’ameublissement , sont nécessaires une forte proportion d’humus stable dans le sol, la souplesse suffisante du sol et la fourniture d’engrais organiques, en particulier compost, mais aussi d’engrais vert.

Les allemands décrivent plusieurs causes à un sol perturbé biologiquement : des troubles de structure du sol peuvent être dus à une « perte des agrégats » ou à une contraction des micro-structures (Gefugeschwund) par exemple la destruction de la stabilité des agrégats primaires par peptisation colloïdale, ou à « la perte de maturité/fermentation » (Gareschwund), c’est à dire une faible stabilité une fois émietté par manque de stabilisation biologique « étaiement vivant » (Lebendversbauung).

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