Strip-till, ça cogite dans les ateliers

Frédéric Thomas, TCS n°38, juin / juillet /août 2006

C. Giacomin : une belle machine et des résultats à la clé

En TCS et semis direct depuis près de quinze ans, cet agriculteur de Montjoire (82) installé avec ses fils butait sur l’implantation des cultures de printemps. Ses sols limoneux et limoneux-argileux, typiques du Sud-Ouest avaient tendance, et ce malgré les couverts végétaux, à se reprendre en masse au printemps rendant le semis difficile sans préparation préalable. Par contre, ces interventions superficielles souvent asséchantes, si elles permettent d’obtenir une levée et une densité correctes, débouchent sur la création d’une forme de semelle entraînant un enracinement moyen des cultures et une pénalisation du rendement dans cette région où il faut valoriser le peu d’eau disponible. Passionné de matériel et habile concepteur, mais aussi persuadé que le strip-till est le moyen de sortir de cette impasse, C. Giacomin sillonne le pays depuis quelques années afin de regarder les différentes machines et prototypes mais aussi analyser leur façon de travailler.Enfin prêt, il s’est mis au travail à la sortie de l’hiver et en récupérant différentes pièces autour de son atelier et sur de vieux outils, il a monté son propre strip-tiller. L’ensemble de la machine est composé de poutres sur lesquelles tous les éléments sont fixés par des brides afin d’être libres d’adapter l’écartement des lignes de semis en fonction des cultures. À l’avant, C. Giacomin a d’abord fabriqué son propre jeu de roulettes étoiles taillés dans d’anciens disques. Ensuite, il a installé l’intégralité de l’élément « disque ouvreur » de son SD 6000 pour finir de couper les résidus et ouvrir le sol. Ces derniers feront des allers et retours entre les deux machines en fonction des besoins. Pour ce qui est de la partie travaillant dans le sol, les dents proviennent d’un vieux chisel mais les socs sont de conception maison. En effet après s’être inspiré de différents strip-tillers et décompacteurs, après avoir fabriqué et essayé différents socs, C. Giacomin s’est arrêté sur ce modèle simple, étroit et facile à fabriquer. La base est composée tout simplement d’un soc de chisel dont la pointe est coupée. Elle est ressoudée avec un léger angle d’entrure au bout d’un plat de lame de ressort de camion, qui constitue l’étrave, afin d’assurer la pénétration mais aussi un léger travail de fissuration. Pour finir, la prolongation verticale est indispensable pour homogénéiser le flux de terre de chaque côté de la dent et rigidifier le tout. À l’arrière, un système de disques concaves, de récupération également, retient la terre et forme le billon. Bien que l’agriculteur ait prévu des réglages, il reconnaît qu’une fois le bon angle et écartement trouvés, ceux-ci ne servent à rien. Pour compléter le tout, C.Giacomin a fixé sur l’ensemble un système de fertilisation Monosen afin de positionner l’engrais starter au fond du travail de la dent. Au final, l’outil est revenu à moins de 2000 € sans compter bien entendu les multiples déplacements et les deux mois de travail et de cogitation. Sitôt terminé, et sans trop de temps pour les fignolages, les semis de tournesols ont démarré suivis par le maïs. Après couverts, avec ou sans mulchage, c’est quasiment un sans-faute. Au vu de l’ensemble de ses parcelles, C. Giacomin ne regrette qu’une chose, ne pas s’être remis à la ferraille et la soudure plus tôt. Cependant, et avec l’expérience de cette première année, il est conscient qu’il est préférable de légèrement anticiper le passage du strip-tiller (de 2 semaines à 1 mois avant le semis) afin de laisser le temps au sol de se refermer et aux mottes de surface d’évoluer pour une levée encore plus rapide et homogène. Côté fertilisation, il a également essayé plusieurs dosages. Si 50 kg de N semblent l’optimum pour l’instant en maïs, il a observé une légère phytotoxicité à 100 kg/ha. En tout cas bravo pour la qualité de l’outil mais également le résultat qui risque de faire rapidement des émules dans la région.

Ets Jammais : un autre strip-till de qualité

A la demande de C. Houdayer, agriculteur et entrepreneur de la Mayenne, le constructeur du Loiret a réalisé un strip-tiller différent mais tout aussi efficace. Sur ce modèle, la dent s’apparente plus à celle d’un décompacteur avec une pointe agressive et des ailerons d’une quinzaine de centimètres à l’arrière pour fissurer le sol. Cette dent peut travailler jusqu à 30 cm et est équipée d’un système non-stop. L’autre originalité de cette machine, conçue avant tout pour travailler sur des limons en conditions sèches : les disques ont été remplacés par des rouleaux métalliques inclinés accompagnés au centre d’une roue Farmflex de rappui dont la pression est ajustable. L’objectif est de raffermir directement le travail, casser les mottes et éviter un sol creux afin de semer en un seul passage en attelant le semoir au strip-tiller. Pour compléter l’ensemble, l’entrepreneur a installé une trémie de fertilisation à l’avant du tracteur pour également localiser l’engrais starter avec les dents. Aujourd’hui, et avec plus de 200 ha implantés avec ce nouveau combiné, C. Houdayer s’estime très satisfait des premiers résultats. Malgré le sec et des chantiers différents, voire extrêmes, les levées sont très correctes. La demande de puissance est également modérée puisque 150 CV ont suffi dans toutes les situations pour travailler, fertiliser et semer en un seul passage 6 rangs. Il a enfin remarquéque l’engrais mis assez profond n’agit pas immédiatement. Le maïs tend donc à prendre un léger retard au départ par rapport au semis traditionnel. Par contre, dès qu’il atteint 4 feuilles et lorsque les racines doivent arriver dans la zone fertilisée, il rattrape vite son retard et semble même mieux avoir résisté à la période sèche de la mi-juin.


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