Philippe Pastoureau

Éleveur dans la Sarthe et ACiste reconnu, Philippe PASTOUREAU multiplie les essais, toujours à la recherche d’amélioration. Rédacteur de longue date sur A2C, il relate ses expériences : un véritable appui technique et un vrai régal à lire !

Les Fous deviennent Sages...

Il y a 6 mois, je vous mettais la chanson suivante car je trouvais les paroles parfaitement adaptées à la transition d’une agriculture " conventionnelle " à " l’agriculture sur sol vivant ".
Pour passer de l’une à l’autre, il faut changer le système, j’en suis persuadé et beaucoup de choses sont à découvrir si on se donne les moyens de les trouver.

Tu est fou, nous aussi on est fous, on va déconner, on va s’enjayer...

- Montez le son, cliquez sur le buzzer

"Tu es fou
Nous aussi on est fous
Oublies tes problèmes et ton stress
Faut jamais baisser les bras
Donnes toi la force d’aller plus loin
Il est temps pour toi de bouger
Alors ensemble on va danser pour oublier
Tous nos ennuis
Qu’est-ce que tu attends
Viens on va chanter
C’est parti pour durer
..."

Des fous pas si fou que cela.

. Il y a quelques années, je connaissais des fous vraiment fous (j’en faisait parti), ils testaient pleins de choses, toutes en même temps, ce qui fait que lorsqu’un miracle survenait, ils ne savaient pas pourquoi. Les années passant, j’ai décidé de faire preuve de pragmatisme. Bien entendu, je cherche l’innovation mais je cherche surtout de l’innovation validée par 2 à 3 ans de succès, et donc transmissible.

Je donne donc dorénavant mon crédit seulement à celui « qui fait ce qu’il dit », mais surtout à celui qui réussit au moins 3 années de suite un truc innovant. Je sais, je met la barre très haute pour l’innovation, mais c’est un gage de vulgarisation et en publiant cela sur le net, je me doit de ne pas vous mettre en erreur, même si bien entendu je ne saurait être responsable de votre état "psychiatrique".

Il sème dans le vert, il persiste...

Les photos qui suivent viennent d’une exploitation du sud de la France, j’ai visité cette ferme l’année dernière, j’ai rencontré un Papa et son fils submergés d’humilité mais qui m’en ont mis plein la vue. Je ne vous dirait pas les rendements qu’ils sortent en maïs car c’est déconcertant et cela manquerait de respect pour leur voisinage. Le pire dans tout cela est qu’ils ont du matos qui ne tapent pas de mine, mais parfaitement adapté à leur contexte.

- Mai 2014 : Colza qui fera plus de 40 qtx, associé à du trèfle violet.
Le trêfle est semé au quad après un passage de fissurateur. Ce semis à la volée est ensuite roulé puis le colza est semé au monograine à 80 cm d’écartement ( nous sommes dans le Sud).

Colza sous couvert de trêfle violet.

- Mars 2015

Après une récolte du trèfle à l’automne si le potentiel le permet ( sinon broyage ), le couvert est détruit mécaniquement par une fraise Ecosem parfaitement adapté au sols sableux de la région.

Passage d'écosem dans couvert de trêfle violet.

- Avril 2015 Le travail localisé permet un réchauffement optimal et apporte des conditions de semis parfaite avec une petite poussière qui suit le semoir, gage de réussite assurée.

Semis de maïs dans couvert de trêfle, mais sur bande fraisée

- Mai 2015 Une fois encore, sa technique a marché, et la parcelle est de toute beautée. A force d’accumuler les bons rendements, d’accumuler de la biomasse qui redonne de la vie à un sol lessivé par des années de monoculture de maïs, ces paysans dépassent fréquemment les 15 t de maïs/ha, aux normes, normal selon eux...

Maïs dans un couvert de trêfle

Il sème dans le vert, il signe...

Retour chez moi, à des niveaux de performances bien moindre mais qui progressent d’année en année.

Septembre 2013

Je sème au strip till un mélange de colza et de légumineuses ( fèveroles, pois, lentilles). Parcelle qui me donnera pour la 1ère fois de ma carrière 48 qtx aux normes.

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Octobre 2014

Sur ce précédent colza, je sème un mélange biomax composé de fèveroles, sorgho, trèfle, phacélie, radis.

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Mars 2015

Comme par miracle, tout le couvert biomax a gelé et il ne reste que les repousses de colzas qui ne me gène pas du tout, au contraire. Je réalise un passage de Strip till à disque afin de détruire mécaniquement tout ce qui va se trouver sur la future ligne de semis, et je laisse le reste pousser encore un peu pour le plus grand plaisir des limaces.

Passage du strip till à disque

Avril 2015

Alors que les feuilles de mes peupliers ne sont pas encore sortis, les conditions sont parfaites pour réaliser un semis de maïs sur un sol parfaitement ressuyé et réchauffé. Un roulage suivra pour essayer de coucher un peu le colza, en vain. Je précise qu’une destruction chimique a eut lieu quelques jours avant le semis, quand même.

Semis au strip till intégral après passage du STL

Mai 2015

Trop beau pour être vrai !!! Au fur et à mesure que le maïs pousse, le colza perd ses feuilles et il ne va bientôt plus rien rester du gros couvert biomax et des repousses de colzas. C’est très impressionnant à la vitesse à laquelle tout cela se décompose. Je ne sait pas si la décomposition de toute cette matière verte booste mon maïs, mais je peut vous assurer qu’il démarre plutôt bien.
Pour ceux qui pensait qu’un précédent colza est allélopathique pour le maïs, c’est vrai en labour ou TCS, c’est totalement faux en SCV.
Pour ceux qui pensait que mon maïs allait être ravagé par les limaces, j’ai le regret de vous annoncer que depuis 3 ans que je fait cela, j’ai beaucoup moins de soucis que sur tout mes autres précédents, et je me demande même pourquoi le maïs n’est quasiment pas attaqué, c’est bluffant.
PS : bien entendu, je n’ai pas mis d’anti-limace au semis, ni ensuite puisqu’il n’y a pas d’attaques. Preuve que je me suis assagi...

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Au fait, vous semez quoi l’année prochaine après votre colza ???