Cécile Waligora

Biologiste, écologue et agronome de formation, Cécile WALIGORA anime et rédige aussi pour la revue TCS. Elle s’intéresse tout particulièrement à la biodiversité des agroécosystèmes.

La presse technique agricole il y a 30 ans

J’ai eu l’opportunité de consulter de vieilles archives d’un mensuel agricole. Il s’agissait de numéros datant de 1980 et 1981, soit 30 ans d’âge !!! Rien que çà… Je n’avais même pas 10 ans, étais encore en École Primaire et ne possédais encore aucune notion agricole…On en était aux numéros 131 à 136 !!!

Ce qui m’a de prime abord marqué c’est l’épaisseur de la revue (déformation professionnelle, sans doute…) : pas moins de 163 pages tous les mois ! Le papier ensuite, de type papier journal et puis les photos… en noir et blanc. La qualité technique du support et même, parfois, la prise de position des auteurs. J’ai feuilleté la revue pour voir quels sujets étaient abordés. Sans surprise, d’une manière générale, la presse technique agricole de cette époque avait pour but d’aider l’agriculteur à l’amélioration de la productivité de ses cultures en se basant sur les dernières avancées en matière de produits phytos, fertilisants et autres substances de croissance. Il fallait faire du rendement et on y mettait le paquet, si je puis dire. A aucun moment dans les articles, on évoquait le sol ou l’environnement. Alors que de progrès réalisés depuis ? C’est tout de même satisfaisant de se rendre compte à quel point l’agriculture a évolué.

Pour autant, et bien que ma lecture ait été un peu rapide, en diagonale comme on dit, j’ai eu la surprise de tomber sur quelques paragraphes qui parlaient de… légumineuses et… de non labour… Là, j’ai lu de manière plus attentionnée (déformation « TCS » oblige…). Les légumineuses étaient mentionnées dans un article intitulé : « L’azote : une fertilisation plus performante ». À l’époque déjà, le prix des engrais avait augmenté. Dans ce papier, on mettait alors en avant des formes d’engrais plus performantes, à libération retardée. Et c’est ensuite que je suis tombée sur quelques phrases concernant les rotations de légumineuses. On y évoquait l’expérience dans le Corn-Belt américain avec l’introduction d’une légumineuse, le soja pour des rotations maïs/soja. En faisant bien attention de mentionner aussi que cette introduction était bien connue en Europe depuis l’antiquité… Résultat : en maïs, + 5 à 6 q/ha tout en réduisant la fertilisation minérale. On évoquait aussi la rotation luzerne/maïs où la légumineuse apportait la plus grande partie des besoins en azote du maïs…

Plus loin dans la revue, autre découverte…Sous le titre : « Limite aux simplifications des façons culturales ». Dans cet article, l’auteur, ingénieur agronome, mentionnait notamment, l’arrêt du labour afin de réaliser des économies de carburant. Sauf, bien entendu, je cite : « dans les parcelles trop humides, trop sales, trop battantes ou trop dégradées par une compaction due à des travaux précédents de récoltes ou des charrois ». Et, plus loin, il y avait un « Oui, mais… » et : « Avant toute simplification, il convient de réfléchir sur les conséquences qu’elle pourrait avoir ». Là, l’auteur mettait en avant les problèmes de pailles (à cette époque, rappelons qu’on simplifiait aussi les successions culturales avec de plus en plus de blé sur blé). Il mettait aussi en avant les problèmes de désherbage en l’absence de labour…Quand à la conclusion, elle disait ceci : « S’il faut absolument rechercher la simplification dans les façons culturales, il est des limites raisonnables, variables selon les circonstances, qu’il ne conviendra pas à dépasser »… Et bien aujourd’hui, 30 ans plus tard, je suis particulièrement fière que ces « limites » aient pu être dépassées et que l’heure, pour certains, soit même à l’agriculture écologiquement intensive. Que de chemin parcouru, certes parsemé d’embûches mais nous y sommes ! Mais alors, que lirons-nous dans 30 ans ???