Mercredi 19 septembre 2012
Jean-Marc Sanchez

L’eau : facteur limitant

JPEG - 69.8 koL’eau est un facteur essentiel pour l’agriculture. Constitutif des végétaux, elle transporte aussi toutes les substances nécessaires à la plante, mais surtout stabilise sa température par la transpiration. Selon une étude présentée à la session du 5 mai 2010 à l’académie d’agriculture(*) les causes du plafonnement du rendement du blé en France sont d’abord d’origine climatique et en grande partie liées au manque d’eau au cours du cycle végétatif.

Comment faire face au stress hydrique pendant les stades clés de nos cultures ?

L’eau est le vecteur des éléments nutritifs. L’efficacité de la fertilisation azotée est liée à la présence d’eau. L’azote solubilisé dans la solution du sol est « pompé » par la plante suite à l’évapotranspiration. Sans eau, pas d’azote !!

Il faut raisonner sa fertilisation en fonction des conditions climatiques. Mais comment tenir compte d’un facteur météo si peu prévisible au-delà de la semaine dans les décisions de fertilisation ? Même si la fertilisation foliaire ne peut pas remplacer les apports au sol, peut-elle prolonger l’attente des pluies ? Peut-on parler de « nutrition » foliaire ?

Il semblerait que ce soit plus une stimulation visant à relancer la « pompe » à azote, solution à préconiser uniquement en cas de présence d’eau dans le sol au moins en profondeur. En cas de stress hydrique fort, les apports fertilisants par voie foliaire peuvent amplifier le stress en relançant la consommation d’eau à un moment où les économies sont indispensables !

L’eau régule la température. La majorité de l’eau transitant dans les végétaux sert à évacuer le « trop-plein » d’énergie solaire et lui assure la survie. Comme pour l’être humain, les hausses de température interne sont évacuées grâce à la transpiration : l’eau en se transformant en vapeur générant du froid, les cultures consomment de très grandes quantités d’eau. Par exemple, il faut 300 à 700 tonnes d’eau pour produire une tonne de matière sèche de blé !

Face aux besoins croissants en eau pour sauvegarder les rendements, la solution idéale est-elle l’irrigation ? A peine 25% des surfaces de maïs sont irriguées en France. Cependant, il est peu probable que nous réussissions à augmenter la part d’irrigation car elle entre en compétition avec l’activité humaine et la sauvegarde des milieux aquatiques. Les enrouleurs qui arrosent nos maïs ont bien mauvaise presse !

Les méthodes et le pilotage de l’irrigation peuvent-ils être améliorés. Des idées nouvelles naissent comme le goutte-à-goutte sur maïs ! Même si piloter l’irrigation n’est pas nouveau, des méthodes permettent de prévoir le stress hydrique en prenant en compte la réserve utile du sol, la climatologie… Ces OAD (Outils d’Aide à la Décision) peuvent permettre aussi de déclencher un apport de Glycine-bétaïne avant que les symptômes foliaires n’apparaissent, causant des dommages ou des pertes de rendements irrémédiables.

Améliorer la structure du sol consiste aussi à maintenir ou augmenter la capacité du sol à garder une réserve utile en eau la plus élevée possible. Nous savons aujourd’hui que la structure du sol est très liée à la vie biologique : des vers de terres, bien connus, qui creusent les galeries et aèrent nos sols, aux micro-organismes (bactéries, champignons) qui sécrètent des « colles naturelles » ou « biofilm ». Ces derniers collent les agrégats du sol entre eux et le rendent plus poreux. La résistance au stress hydrique, c’est aussi augmenter le volume de sol « explorable » par les racines et les mycorhizes (prolongation racinaire) et permettre à l’eau de pénétrer dans le sol en évitant son ruissellement (limiter la compaction et les passages de matériel agricole).

Certains couverts végétaux permettent aussi de décompacter les sols et bien sûr de favoriser la vie biologique. Ce sujet fera l’objet d’un prochain article. Une autre piste de réflexion pour améliorer la tolérance au stress hydrique est l’amélioration génétique, voire même la précocité variétale.

L’eau : préoccupation quotidienne des agriculteurs du monde entier, reste un sujet majeur de recherche et d’expérimentation.

Source(*)Philippe Gate, ARVALIS, avec la collaboration de Nadine Brisson, INRA Avignon, et David Gouache, ARVALIS