L’agroécologie en mode équine

Vous qui êtes particulièrement attentionné à votre sol, avez sans aucun doute remarqué l’état souvent déplorable des paddocks renfermant des chevaux : tassement des sols, présence récurrente des mêmes plantes qui sont délaissées (appelées refus), herbage de piètre qualité, perte de biodiversité etc.

Dégradation des sols par les chevaux
Le tassement des sols est l’une des conséquences d’une surexploitation des espaces dédiés aux chevaux

Les « pâtures » pour chevaux sont utilisées de deux façons par les propriétaires ou hébergeurs d’équidés :
-  Soit en pâture toute l’année. Un adage dit qu’il faut au minimum 1 ha par cheval pour couvrir ses besoins alimentaires, sachant qu’en hiver ou même autrement, un apport de foin sera en général nécessaire.
-  Soit en paddock de détente. C’est en général le cas pour des structures type centres équestres, écuries de travail où le pré n’a plus de fonction alimentaire puisque les chevaux sont nourris en intérieur mais une fonction de « défouloir – détente – plaisir » et maintien d’un minimum d’activité de pâturage s’il reste quelques touffes d’herbes.
Par défaut de connaissances agronomiques, de manque d’espace ou tout simplement parce que ce n’est pas une préoccupation majeure, les hébergeurs de chevaux se retrouvent donc avec des pâtures aux sols complètement déstructurés à force de surexploitation (surpâturage, piétinement, manque d’entretien). On ne prend pas le temps ou on ne peut tout simplement pas mettre cet espace au repos. Et pour les chevaux qui restent à l’année dehors, les espaces proposés ne sont même plus à même de leur fournir une nourriture de qualité et en quantité.

Il est possible d’arranger les choses, même si on ne peut pas, un temps, interdire l’accès aux chevaux pour refaire une structure et resemer. Dans la nature, lorsqu’ils ont l’espace suffisant pour assouvir tous leurs besoins (alimentation, déplacement, repos, abri contre les insectes ou les intempéries, grattage…), les chevaux ne « piétinent » pas 100 % de leur espace. Au contraire, ils utilisent des parcours pour se déplacer d’un endroit à un autre et donc d’une occupation à une autre. Ils ont ainsi des aires pour se nourrir, d’autres pour se reposer, d’autres encore pour se protéger etc. De ces observations est né un nouveau « concept », venu d’outre-Atlantique : le paddock paradise. Dans ce type de paddock, on propose ainsi aux pensionnaires équins des distributions de nourriture comme le foin à différents endroits répartis dans l’espace, un ou des abris également répartis, un approvisionnement en eau à un autre endroit etc. Les distributions de nourriture se font en petites quantités afin que les chevaux ne stagnent pas trop longtemps au même endroit. En général, on se base sur l’existence d’éléments naturels (arbres, haies, bosquets, bois, cours d’eau, dénivelé…) et on organise son paddock paradise en fonction.

Exemple de paddock paradise
Schéma d’un projet de paddock paradise conçu par l’une des spécialistes de l’agroécologie équine en France, Marie-Laure Guénot. A partir des éléments naturels déjà présents sur l’espace dédié aux chevaux, les parcours sont aménagés (clôtures), menant aux différents points d’attraction : nourrissage, eau, abri etc.

Cela a plusieurs conséquences :
-  « forcer » les chevaux à se déplacer d’un point à un autre comme ils le feraient au naturel, ce qui, psychiquement et physiquement, est très positif.
-  Eviter de « défoncer » les sols sur de trop grandes surfaces. Une sorte de control traffic pour chevaux !!! Seuls les chemins de parcours et les quelques aires dédiées à certaines fonctions sont « sacrifiées ». Il s’agit de développer un espace plus durable aussi pour les chevaux qui, en retour, doivent agir positivement sur celui-ci.

Paddock paradise
Seuls les parcours menant d’un point d’intérêt à une autre sont dégradés, laissant le reste de la pâture mieux s’épanouir et se régénérer.

Cette approche qui commence à faire des émules en Europe, a aujourd’hui son vocable, au-delà de la seule approche du paddock paradise : l’agroécologie équine où le cheval ne devient plus un élément détériorant de son environnement mais au contraire, un acteur de son agroécosystème, ce dernier devenant beaucoup accueillant pour lui et profitable.