Les derniers travaux d’Arvalis sur blé (TCS n°52) et du CETIOM sur colza (TCS n°53) confirment ce que l’on suggère chez TCS depuis quelques années ; cette théorie pourrait s’appeler " en agriculture il ne faut pas rester le cul entre deux chaises. "
Gestion des adventices
La gestion du salissement en système labouré repose sur l’inactivation temporaire du stock de graines adventices en l’enfouissant en profondeur. Les graines ne sont plus en position de germer et la culture peut démarrer dans de bonnes conditions. Le système fonctionne bien tant que l’on ne ramène pas en surface le stock des années précédentes (d’où l’importance de rotations bien pensées en labour également). Le problème est bien entendu que l’on ne résout que des problèmes à court terme puisque l’on entretient un stock d’adventices potentiel dans son sol ; enfin, si la solution était réellement efficace, on n’utiliserait plus d’herbicides derrière labour depuis longtemps.
En semis direct, on cherche l’effet inverse : tout laisser en surface, favoriser la germination des adventices en dehors des périodes de culture et épuiser ainsi progressivement le stock de graines. A ce titre, l’impact de la rotation est décisif et il est nécessaire de faire alterner les types de cultures : hiver / été, céréales / dicotylédones... Comme l’a montré Dwayne Beck le système devient très efficace en TCS et SD à partir du moment où les périodes d’alternance sont au minimum de deux ans : par exemple la très puissante rotation pois de printemps / colza / blé / orge dans laquelle deux dicot’ sont suivies de deux céréales, deux cultures d’hiver par deux cultures de printemps.
Avec ce type de système et à condition de ne plus enfouir de semences en profondeur on parvient à une gestion du salissement vraiment efficace à long terme. Le graphique ci-dessous (Gilles Sauzet - CETIOM, 2009) montre qu’à condition de ne pas toucher le sol, on parvient à mieux maîtriser le salissement en semis très superficiel, qu’il s’agisse d’ailleurs d’un semis direct avec disques ou d’un semis simplifié avec herse ou bêches roulantes derrière DP12.
Pour revenir à notre théorie du " cul entre deux chaises " (CEDC), on s’aperçoit sur le terrain que beaucoup tentent de réaliser des compromis entre labour et TCS : on fait la moyenne des profondeurs d’intervention et on travaille à 10-15 cm *. On ne profite alors plus ni des avantages du labour et de son effet enfouissement, ni de ceux du SD et de son effet " surface ". Dans ces systèmes CEDC, avec des rotations exclusivement hiver de type colza-blé-orge, la pression adventices est en train de conduire à des impasses techniques, d’autant plus d’ailleurs que l’efficacité des matières actives semble compromise.
* : Il faut distinguer le travail de surface destiné à gérer le lit de semence, les pailles, les adventices et ravageurs, et le travail profond dont le but est de sécuriser la structure et la descente racinaire ou encore de réchauffer le sol en situations de printemps notamment : en résumé il faut dissocier travail profond et travail de surface au moins dans la tête si ce n’est dans les faits.
Gestion de la fertilité
En dehors de la question du salissement, il semble que l’on ait le même phénomène en ce qui concerne la disponibilité en azote. Soit on profite de l’effet labour pour " cacher la misère dans le fond de la raie ", soit on laisse tout en surface. Dans le premier cas la paille se décompose peu ou mal (et les conséquences en terme d’érosion et d’évolution de la matière organique sont négatives) mais au moins il n’y a pas de faim d’azote. Dans le deuxième cas, les pailles laissées en surface ne sont pas au contact du sol et leur minéralisation n’est donc pas déclenchée : on parvient au même effet tout en respectant l’organisation naturel du sol (le problème reste bien entendu de positionner correctement la semence sous la paille mais ceci est un autre sujet) ; les pailles qui forment une litière évolueront plus lentement, servant de barrière à l’évaporation, de protection contre la pluie et la chaleur, sans compter l’obstacle qu’elles représentent pour les adventices.
A l’inverse, la solution CEDC qui consiste à mulcher les pailles dans les 5 à 10 premiers cm de sol active la décomposition de celles-ci et, par conséquent, demande beaucoup d’azote pour digérer ce carbone quasiment pur (C/N de 100) : l’azote est détournée de la culture, d’autant plus que la préparation de sol est proche du semis.
En forme de conclusion : enfouir ou recouvrir il va falloir choisir. Même si la gestion des compromis sur le terrain reste bien plus compliquée que cette pauvre démonstration, il est important de garder en tête les mécanismes mis en jeu et de se fixer des objectifs.