Mardi 21 novembre 2017
Emmanuelle Choné

Emmanuelle CHONÉ est une passionnée du sol. De formation scientifique et agricole, elle créé, dans le piémont pyrénéen, l’EURL Agronomie Terroirs où elle accompagne agriculteurs et vignerons sur la fertilité des sols, la santé des plantes, la qualité des produits et la rentabilité des fermes.

Féverole jaune, féverole verte… Qué pasa ?

On est l’hiver 2015-2016 et 2016-2017. En Béarn, chez Bruno Laborde Loustau (sol limoneux brun d’alluvions), En Bigorre, chez Thierry Lasserre (sol limono-argileux d’alluvions) et chez René Fréchou (sol limoneux caillouteux). Nous observons une chose étrange, sur une même parcelle, il y a des zones où la féverole est jaune et un autre endroit, la féverole est verte… Qué passa ?
Féveroles jaune et verte
On ne comprend pas… réflexe, on creuse !
photo féverole jaune
photo féverole verte

Bon, ok, mais encore ?...

Le vieil arbre à proximité

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Jean Hinault, pédologue, spécialiste en nutrition végétal,
Chimie et microbiologie des sols et matières organiques

Agronomie Terroirs a une chance inouïe d’avoir un vieil arbre sage à nos côtés. Même s’il ne sait pas tout, et n’arrête pas de le dire… de vous à moi…. Dans les relations sol/plante, j’ai rarement vu quelqu’un aussi calé ! Quand avec un agriculteur ou un vigneron, on sèche sur le terrain, j’appelle Jean Hinault.

« Allo, Jean, on est sur des alluvions, d’un côté j’ai une féverole jaune, qui ne présente pas de nodosités ; de l’autre, la féverole verte, présente des nodosités. Et puis, chez Thierry Lasserre ou Bruno Laborde Loustau, là où la féverole est jaune, le maïs, il est souvent moins joli. Peux-tu nous éclairer ? ».

Les nodosités ont besoin de molybdène

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Féverole jaune : pas de nodosités
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Féverole verte : présence de nodosités

Après quelques minutes de réflexion … « Les nodosités ont besoin de molybdène, et en sol acide, le molybdène n’est pas bien assimilable. Il faudrait voir le pH de chaque côté » dit Jean qui complète : "Le molybdène intervient en catalysant une enzyme, la nitrogénase, responsable de la fixation de l’azote atmosphérique.
Il intervient aussi chez toute les plantes dans le mécanisme de l’assimilation des nitrates au travers de l’activation d’une autre enzyme : la nitrate-réductase.
Dans le sol, le molybdène est absorbé sous forme d’ions molybdates (MoO4=), la solubilité desquels dépend fortement du pH. A l’inverse des autres éléments métalliques (zinc, cuivre et manganèse), la solubilité des molybdates augmente fortement avec l’augmentation du pH -de sorte que le molybdène est moins disponible en sol acide-
Une petite raison de plus pour surveiller le pH de nos sols. (On rappellera que le molybdène est un oligo-élément, à n’utiliser, comme tous les autres oligo-éléments, qu’en cas de besoin reconnu ; par ailleurs la détermination du molybdène dans le sol reste délicate).
"

Verdict, après analyse

Voici un résultat, sachant que pour les 3 cas, nous avons eu les mêmes différences.
Féverole jaune : pH eau = 5,1 et pH Kcl = 4,3
Féverole verte : pH eau = 5,9 et pH Kcl = 5,3

Dans chaque cas, là où la féverole était jaune et le maïs souvent décevant, le pH était plus faible. Bien entendu, dans les 3 cas, le chaulage était de rigueur, pour toute la parcelle.

Dans les analyses de parcelle, la moyenne de la parcelle ne permet pas de soulever les problèmes.
Il est donc important dans les analyses hivernales, d’analyser une zone homogène (soit zone à problème, soit zone représentative de la parcelle), pour savoir ce que l’on analyse, et ne pas faire une moyenne qui ne veut rien dire.

Merci à Bruno, Thierry, René et Jean pour le partage de ces observations et résultats.