Mercredi 18 décembre 2013
Michel Roesch

Après une formation de Technicien Agricole, j’ai eu la chance de rencontrer les « pionniers » de l’Agriculture Biologique en France, à savoir M. LEMAIRE et le Professeur BOUCHER. J’ai travaillé pendant deux ans au sein de leur Société avant de reprendre le Domaine familial. Ce passage aura été pour moi : une découverte de l’AB qui était à ses débuts et un apprentissage de l’AC car le Professeur BOUCHER était à l’origine de la « fouilleuse » (l’ancêtre de « l’Actisol »). Il nous avait rendu très attentifs quand à la fragilité qu’est le sol en tant « qu’organisme vivant. Cette sensibilisation à la vie du sol restera toujours gravée dans ma mémoire de jeune agriculteur et c’est la raison pour laquelle j’ai développé des compétences et expériences dans ce domaine.

En 1995, le Domaine du Breitemerhof abandonne la production d’endives et parallèlement à son activité d’exploitant, Michel ROESCH intègre un grand groupe semencier, au sein duquel il a exercé différentes fonctions d’expert et de conseil en connaissance du comportement variétale pour les cultures de maïs, tournesol et colza dans des situations les plus diverses. Il a été en contact avec de nombreux agriculteurs européens. La mise en place de parcelles expérimentales chez des agriculteurs en « TCS » ou en « SD » lui a permis d’acquérir une solide expérience dans le domaine de l’AC.

En 2010 après 15 ans d’activité en tant que salarié, il décide de quitter ses fonctions et de se consacrer à sa passion « l’Agronomie ». Le Domaine devient progressivement un laboratoire expérimental dont l’objectif est simple mais complexe : pratiquer une agriculture qui respecte le sol comme une entité vivante par la pratique de l’Agriculture de Conservation tout en n’utilisant pas de produits chimiques de synthèses selon le cahier de charge de l’Agriculture Biologique. Un défi qui est entrain de se réaliser et de se mettre tout doucement en place au fur et à mesure que ses sols retrouvent leur vitalité.

Le sol est l’estomac des plantes (Aristote)

Michel Roesch

JPEG - 153.1 koLa grande omission du « développement » agricole des 50 dernières années est certainement le CARBONE. Cela est en partie dû au fait que la recherche c’est focalisé uniquement sur la plante, et que cette dernière n’a pas besoin d’apports d’énergie puisqu’elle la puisse gratuitement du soleil et la transforme en carbone grâce à la photosynthèse.

Pourtant dès l’antiquité, des hommes avaient compris le rôle primordial que joue le carbone dans le sol. En schématisant, le carbone est l’énergie ou la nourriture de la faune et de la flore du sol. Et comme pour l’humain, plus l’alimentation est riche et variée, plus il a de chance d’être en bonne santé, pour le sol c’est exactement la même chose, plus la diversité des sources de carbones est grande plus il sera en bonne santé ce qui se traduits par une productivité naturelle plus élevée et des plantes plus saines. Quand on parle de carbone ou de matière organique on pense de suite aux résidus de cultures ou aux apports exogènes de type fumier, lisier ou compost.

Mais il y a une source de carbone absolument indispensable à un bon fonctionnement du sol, c’est le carbone que sécrète les racines pour alimenter la vie bactérienne du sol, ce sont les exsudats racinaires qui représentent en fonction des différents types de plantes en moyenne 20 à 30% de l’énergie totale générée par la photosynthèse. Pour un maïs par exemple, le volume des exsudats racinaires peut atteindre sur la durée du cycle de végétation plus de 1000 m3/ha ce qui est impressionnant. Et contrairement aux idées reçues, l’énergie stockée dans la graine sous forme d’amidon et qui se transforme lors de la germination ne sert pas à nourrir la future plantule, mais est en grande partie libérée par le germe pour stimuler la vie bactérienne autour de ce dernier et déclencher le mécanisme très complexe de son alimentation et de sa croissance. (cf. vidéo ci jointe).

La rhizosphère qui en résultera sera une zone dans laquelle l’activité biologique sera extrêmement intense, jusqu’à mille fois supérieure dans les premiers millimètres autour des radicelles que dans le sol sans racine. La plupart des plantes vont également créer des liens symbiotiques avec des champignons appelés mycorhizes. La racine va nourrir le champignon en sucre et le champignon va prolonger la toile pour explorer le sol et fournir différents éléments à la plante et notamment le phosphore. Les mycorhizes vont également fabriquer la Glomaline (qui est une combinaison de sucre et de protéines) qui va servir de « colle » pour générer des agrégats résistants à l’eau. Frantz Sekera agronome Allemand du début du 20 siècle appelait cela « Lebendferbaung » c’est-à-dire « construction par la vie ». Comprendre ce principe de base de la « Nutrition carbonée » par les racines permet de saisir l’importance stratégique des couverts végétaux multi espèces et des cultures associées.