CAMPAGNOLS : LA PRÉDATION EST VOTRE MEILLEURE ARME, EFFICACE ET DURABLE

Cécile Waligora - TCS n°66 ; janvier/février 2012

Vous êtes de plus en plus nombreux à vous plaindre de dégâts de rongeurs dans vos parcelles. Cela arrive lorsqu’on cumule plusieurs facteurs favorables aux campagnols (puisque c’est bien de lui qu’on parle). La principale raison, ce sont des milieux agricoles trop ouverts (en « open field »), offrant très peu d’habitats pour les prédateurs naturels des campagnols. Ensuite, en agriculture de conservation, on crée des situations particulièrement propices à leur présence : peu ou pas de travail de sol, couverture végétale plus ou moins haute et permanente (notamment en hiver), nourriture plus diversifiée et de qualité. Alors des années où le climat s’en mêle, en moyenne chaud et sec, ces charmantes petites bêtes peuvent être très envahissantes. Si, bien entendu, aucun des éléments qui caractérisent l’AC ne peut être remis en cause (au risque de perdre beaucoup plus que des dégâts de campagnols), certains moyens existent pour limiter les infestations. Mais la première des choses à faire si vous voulez, durablement, retrouver un équilibre maintenant les campagnols sous un seuil acceptable, c’est de réinviter leurs prédateurs sur vos parcelles.

Dans le « parlé » agricole, on entend souvent les mots souris ou mulots pour désigner en fait des campagnols. Vous trouverez peu de souris ou de mulots dans les parcelles agricoles. Les premières sont inféodées aux habitats humains. Les seconds sont plus « forestiers ». Au pire, il leur faut au moins une haie pour vivre et ils ne causent pas les dégâts que peuvent engendrer des campagnols. D’un point de vue physique, les campagnols ne ressemblent pas du tout à leurs cousins : ils sont plus « ramassés  » de corps, ont plutôt de petits yeux et une queue courte. Ils présentent aussi un museau moins long. D’un point de vue comportemental, si les souris et mulots se nourrissent plutôt de graines, les campagnols ont un régime plus large, fait de parties végétales externes, de racines, de bulbes et parfois de graines. La bonne terminologie étant posée, sur les 13 espèces de campagnols que le territoire français peut recenser, deux espèces principales nous intéressent en milieu agricole : le campagnol des champs (Microtus arvalis) et le campagnol terrestre (Arvicola terrestris), appelé aussi rat taupier.

Identification

Le campagnol des champs, que l’on trouve partout en France (bien que très rare à l’extrême ouest de l’hexagone
- Finistère - et en région méditerranéenne), vit plutôt en surface et creuse des terriers souterrains. Il mesure entre 8 et 12 cm (sans la queue de 3 à 4 cm) et pèse entre 20 et 40 g adulte. Les yeux sont plus grands que le campagnol terrestre car, vivant plus en surface, il a besoin d’une acuité visuelle plus aiguisée pour faire face à la prédation. Le domaine vital d’un mâle s’étend sur 1 500 m2 et celui d’une femelle, sur 350 m2. Quand un mâle s’installe, il creuse déjà un nid à partir duquel il fait partir plusieurs galeries ouvertes sur l’extérieur mais relativement courtes (6 m maximum). Il creuse également des tunnels de protection non reliés au nid. Devant les ouvertures, on peut observer les chemins de circulation recouverts parfois d’un tunnel de végétation ou de débris. La présence du campagnol des champs se traduit par la formation de ronds de dégâts dans les parcelles. En fait, à l’origine, son milieu de prédilection est la prairie et les luzernières. Quand les populations abondent, ils viennent envahir d’autres cultures mais en partant toujours de leurs zones refuges qui peuvent être les bords de champs, la luzerne ou la prairie proche, voire une friche non entretenue. Ajoutons enfin que le campagnol des champs s’adapte assez vite aux environnements transformés (terres régulièrement travaillées). Son régime alimentaire est majoritairement végétal mais il ne dédaigne pas quelques insectes. Il est capable d’ingérer quotidiennement deux fois son poids en matière verte. Il a été établi un seuil de nuisibilité : 200 individus/ha.

Le campagnol terrestre est plus imposant que le précédent. Il mesure entre 12 et 22 cm (la queue fait entre 6 et 11 cm) pour un poids de 60 à 120 g. Il n’est pas présent partout en France et son aire de prédilection est encore l’est du pays, en zones prairiales semi-montagneuses à montagneuses.

Cependant, il tend à s’étendre maintenant vers l’ouest, à la faveur du développement d’autres cultures et de couverts. De par son mode de vie, il se nourrit principalement des parties souterraines des plantes et apprécie tout particulièrement les plantes riches en protéines comme les légumineuses (il ingère l’équivalent de son poids par jour). Il creuse un nid avec de nombreuses galeries non ouvertes sur l’extérieur comme le campagnol des champs. L’indice de présence est plutôt la formation de monticules de terre en surface, ressemblant à s’y méprendre à des taupinières (d’où son nom de rat taupier). La différence entre les deux est simple : si les taupes forment des monticules plutôt en ligne droite, ceux des campagnols terrestres sont en désordre, traduisant leur recherche de racines. Autre différence : la forme du tumulus. Celle des campagnols représente plutôt un dôme, résultat d’un travail de creusement avec les dents et non avec les pattes avant comme la taupe. Les campagnols arrachent ainsi la terre en profondeur pour la remonter par la gueule vers la surface. La terre de ces tumuli est granuleuse. Les taupinières de taupes sont plutôt coniques et la terre est plus compacte avec éjections de « boudins » de terre.

Mais pour être vraiment sûr de l’identité du coupable, utilisez une tige métallique pour sonder le monticule : si c’est une taupe, l’ouverture de la galerie est toujours à la verticale et au centre. Enfin, pour ce campagnol vivant sous terre, le seul moment où les prédateurs peuvent vraiment l’atteindre (hormis s’ils creusent comme peuvent le faire les renards), c’est lorsque les jeunes quittent le nid à la recherche d’un nouveau territoire.

Reproduction et cycles

Le succès de leur développement vient de leur formidable capacité reproductrice. La maturité sexuelle des campagnols arrive dès un mois d’existence. « Prenons le campagnol des champs, explique Pablo Campano, responsable de la SARL Camporosa (distributeur de la société Rodenator en France et en Espagne), en moyenne, les mâles sont matures à 30 jours et les femelles à 21 jours. Un couple est capable d’avoir 3 à 4 portées par an. La gestation de la femelle dure 21 jours (un peu plus long en hiver) et chaque portée compte entre 2 et 12 petits. Si les conditions sont favorables au développement, vous arrivez très facilement et rapidement à une véritable pullulation (voir encadré). »

Un autre élément caractérise aussi les campagnols : l’évolution de leur population suit des cycles immuables. Tous les 3 à 5 ans pour le campagnol des champs et plutôt tous les 5 à 6 ans pour le terrestre, les populations atteignent graduellement un pic de pullulation avant de brusquement s’effondrer pour remonter ensuite, lentement. « Si on connaît plutôt bien les facteurs favorisant l’accroissement des populations, ceux qui expliquent brusquement la phase de déclin sont plus flous, indique Geoffroy Couval, chef de projet à la Fredon Franche-Comté. En fait, c’est multifactoriel. Lorsque la population devient vraiment très importante, une forme d’autorégulation se met en place. La ressource alimentaire n’est plus suffisante pour subvenir à une telle population. Concurrence spatiale et alimentaire, pression de prédation et parasitisme sont les différents facteurs qui expliquent la phase de déclin. » Il semblerait, par exemple, que certains prédateurs spécialistes comme l’hermine ou la belette peuvent, dans certains cas, amener une population de proies jusqu’à la quasi-extinction  ; la population du spécialiste suivant alors le même chemin. Alain Butet, chercheur au CNRS, spécialiste des micro-mammifères complète ces propos : « Mais ce n’est pas le cycle qui est finalement important (on ne peut pas jouer dessus), c’est surtout son amplitude. Et on a remarqué que les plus fortes amplitudes et donc les plus fortes pullulations surviennent toujours en terrain trop ouvert, proche de l’open field avec de bons couverts végétaux permanents. »

Facteurs favorables aux campagnols

Le facteur qui influence le plus le niveau d’une population de campagnols est en effet le degré d’ouverture du milieu. Plus le milieu est ouvert, plus il est favorable aux campagnols. Ainsi, en milieu très bocager à boisé, on trouve peu de campagnols des champs ou de campagnols terrestres mais plus on se dirige vers des milieux ouverts, avec de moins en moins d’éléments du paysage tels que des bosquets, des haies, des arbres, plus on a de risques d’avoir des infestations de ces deux espèces. Le milieu le plus extrême est « l’open field » complètement dépouillé de ces éléments. Un milieu favorable aux campagnols est un parcellaire sans corridors écologiques assurant la libre circulation et l’habitat des animaux sauvages parmi lesquels on va trouver bon nombre de prédateurs du campagnol. Si les rapaces ne trouvent aucun moyen de se percher, ils ne s’installent pas. Si le renard ne trouve pas de bois ou de haie pour s’abriter, il osera moins s’aventurer. L’ouverture du paysage, c’est aussi la dimension des parcelles : plus elles sont grandes, moins les prédateurs oseront prospecter vers l’intérieur. Le problème du renard est le même que celui du carabe !

Le deuxième facteur le plus favorable aux campagnols est la présence permanente d’une couverture végétale (on a vu que la prairie ou toute autre surface « herbeuse » est leur habitat de prédilection). Des spécialistes ont ainsi mis en avant l’importance du rapport STH/SAU (STH pour surface totale en herbe). Plus il est élevé (plus de STH), plus le milieu est propice au développement du ravageur (on parle d’une influence notable au-delà de 65 à 70 %). Si le volume de la couverture végétale est important, sa hauteur l’est aussi : plus le couvert est dense et haut, plus il est propice à la présence des rongeurs qui y trouvent nourriture facile, habitat et protection contre leurs prédateurs. Il est en effet plus difficile à un rapace ou un renard de circuler dans une végétation dense et haute.

Le troisième facteur le plus influent est la qualité de la ressource alimentaire proposée aux campagnols. Plus celle-ci est riche et plus, logiquement, elle est appréciée et la base d’un bon taux de reproduction (nichées plus grandes). Ainsi, les couvertures végétales trop riches en graminées ne leur sont pas très favorables. En revanche, dès lors que d’autres plantes entrent dans la composition des couvertures, mieux c’est. Les légumineuses sont ainsi fort appréciées, surtout lorsqu’elles occupent le même espace plusieurs années de suite (luzernières, trèfles). Il semble également que le colza soit souvent infesté par le campagnol des champs. Cela provient notamment de ses chaumes qui, fauchés haut et de nature assez « coriace », blessent les oiseaux et les empêchent d’agir.

D’autres facteurs ont aussi une influence mais moindre que les trois précédents. Il s’agit, bien entendu, du climat. Une année comme 2011, en moyenne chaude et sèche, est plutôt propice à leur développement et surtout à leur activité tout au long de l’année, même en hiver. Les campagnols apprécient moins les longues périodes d’humidité et surtout les inondations. Les hivers très froids n’ont pas forcément de grande incidence. La neige les protège et ils peuvent continuer de circuler en traçant des chemins sous la couche. Néanmoins, la conjonction de températures très froides (sol gelé) suivi de pluies peut avoir une action de décimation des populations.

Le type de sol ne semble pas avoir d’incidence significative si ce n’est que, d’une manière générale, le campagnol des champs aime un peu plus les sols argilo-calcaires et que le campagnol terrestre aspire à une certaine fraîcheur des sols. En revanche, il est évident que toute perturbation du sol est moyennement appréciée. Après, tout dépend du niveau de perturbation et de sa fréquence car ces petites bêtes sont aussi capables d’une grande adaptation...

Enfin, il apparaît que la présence de taupes et surtout de leur réseau de galeries est plutôt un bon point en faveur des campagnols. Comme nous avons pu le lire dans la bibliographie, elles sont « le génie qui précède l’infanterie » ! Les campagnols préféreront s’attribuer un réseau déjà constitué plutôt que de dépenser de l’énergie à le fabriquer. Il est donc fréquent que des campagnols confisquent les galeries des taupes et les chassent.

L’AC est fort appréciée

Au vu de tous ces facteurs, il est plutôt évident qu’en agriculture de conservation, on a un peu de souci à se faire. On cumule plusieurs éléments favorables à une installation problématique des campagnols  : le non-labour, l’allongement et l’enrichissement des successions culturales Les 3 facteurs les plus favorables :
1 - Le degré d’ouverture du paysage,
2 - L’importance de la couverture herbacée,
3 - La qualité de la ressource alimentaire.

(dont un apport prononcé en légumineuses plutôt très appétentes) et l’implantation de couverts végétaux. Si, en plus, il y a des prairies ou encore que les parcelles de cultures ressemblent à des open field, la situation peut devenir vraiment problématique. À propos des couverts, on a souvent mis en avant leur intérêt pour la biodiversité. Nous y sommes mais, évidemment, pas toujours dans le sens qu’on voudrait. Et plus les couverts sont diversifiés, hauts, à forte biomasse et plus ils sont maintenus durant la période hivernale, plus on offre aux campagnols toutes les conditions propices à leur maintien et à leur essor. Difficile de gagner sur tous les tableaux !

En AC, quelles pistes de lutte ?

La Franche-Comté fait partie des régions qui ont le plus étudié la problématique campagnols. L’élevage prédomine dans cette région où la prairie fait partie intégrante des assolements et les agriculteurs sont historiquement confrontés à une pression importante du campagnol terrestre. Plusieurs programmes d’étude ont ainsi abouti à l’établissement d’une stratégie dite de « lutte raisonnée » dont l’efficacité est basée sur une surveillance accrue du territoire et des actions collectives et encadrées. « La problématique campagnol est multifactorielle. Pour être efficace, la lutte doit donc recouvrir plusieurs moyens », rappelle Geoffroy Couval. Les acteurs de la région ont ainsi mis en place ce qu’ils appellent une boîte à outils comprenant des méthodes principales de lutte et des méthodes complémentaires. « Ces méthodes reposent sur une lutte contre le campagnol à basse densité, explique le chef de projet de la Fredon Franche-Comté. On s’est rendu compte qu’il ne faut surtout pas attendre qu’une population de campagnols soit trop importante (pic de pullulation) pour intervenir. Il faut agir quasiment dès les premiers indices de présence. » Leurs méthodes principales sont la lutte chimique et le piégeage avec un encadrement strict des usages : « Seule la bromadiolone est homologuée sur campagnol terrestre, explique G. Couval. Son usage n’est autorisé que par arrêté préfectoral. Pour le campagnol des champs, la chorophacinone était autorisée jusqu’au 31 décembre 2010. Depuis, il n’y a plus de molécule autorisée. C’est pourquoi, un arrêté interministériel est en cours d’élaboration pour autoriser l’emploi et les conditions d’usage de la bromadiolone sur les trois espèces qui posent le plus de problèmes en agriculture, à savoir les campagnols des champs, terrestre et provençal. Il faut savoir aussi que des progrès ont été faits quand aux risques d’atteinte de la faune non cible. Aujourd’hui on traite à moins de 5 kg/ha contrairement aux 20 kg/ha d’avant. On utilise aussi des appâts secs à base de blé, plus faciles d’emploi et moins coûteux. Ils sont appliqués soit avec un "fusil à blé" soit avec une charrue sous-soleuse.  » La boîte à outils inclut également la régulation de la taupe, non pas parce qu’elle occasionne des dégâts importants mais parce que son réseau de galeries finit par être squatté par les campagnols. La troisième méthode est le travail du sol et là, la Fredon est catégorique, voyant surtout le labour. On sait cependant qu’en TCS, la problématique campagnol est moins prononcée qu’en strict semis direct et que le travail du sol peut avoir un impact significatif (sans pour autant devoir ressortir la charrue...) G. Couval relativise également : « Les TCS se développant, nous sommes en réflexion pour trouver des méthodes de travail du sol alternatives, notamment pour ceux qui sont en semis direct. Le roulage pourrait être une solution. C’est à l’étude ; l’objectif étant d’essayer, avec ce type d’outil, de reproduire le piétinement des animaux d’élevage, peu apprécié des campagnols. »

Bien entendu, d’autres petites astuces techniques peuvent être employées pour perturber les campagnols. Dans le précédent article paru il y a 7 ans (TCS n° 31 de janvier/ février/mars 2005), nous avions évoqué la technique de Laurent Dezutter, dans l’Aube, qui consistait à inonder avec un tuyau, les galeries et ainsi noyer ses occupants. Il y a également la nouvelle technique, le Rodenator que nous présentons dans un encadré à part. Mais pour avoir une certaine action (comme le piégeage), ces moyens doivent être utilisés en amont d’une infestation, dès les premiers indices de présence afin de casser à la base la pyramide des populations. D’où l’importance de l’observation.

Par ailleurs, à la moisson, ce peut être aussi de faucher bas dans les parcelles à problèmes, favorisant ainsi une meilleure circulation des prédateurs. Sébastien Paineau, dans la Sarthe, roule les cannes de colza pour favoriser la visite des prédateurs. Évitez également de laisser des andains qui font des abris forts appréciés des petits rongeurs. Pensez donc à correctement répartir vos résidus de manière homogène sur la parcelle.

Lorsque dans votre assolement, vous avez des cultures fourragères, des prairies ; songez à assurer une bonne alternance entre fauchage et pâturage, les deux ayant un impact négatif sur les campagnols. Cette méthode peut, bien entendu, être élargie aux couverts. Car, nous l’avons vu, des couverts hauts et denses, maintenus longtemps en place, sont favorables au maintien des populations. Il est évident qu’il est hors de question d’arrêter les couverts. Pour autant, dans les parcelles où vous décelez la présence des rongeurs, détruisez-les plus tôt, faites-les pâturer quand vous êtes éleveur et, si possible, introduisez, les prochaines fois, un peu plus de graminées (temporairement). Cela nous amène à évoquer l’existence de plantes « répulsives » pour les campagnols. Nous en avions aussi parlé dans le TCS n° 31. On citait alors l’ail, la menthe, la fritillaire impériale ou encore le mélilot ; ce dernier dégageant, après destruction, une substance chimique appartenant à la même famille que l’anticoagulant la bromadiolone (nom de la famille : les coumarines). On évoquait aussi d’autres répulsifs trouvés dans la littérature comme le tourteau de ricin ou le purin de sureau. Rien ne nous permet aujourd’hui, 7 ans après ce premier article, d’avancer sur la question. Aucun des spécialistes interrogés pour ce dossier n’ayant pu apporter de réponse positive. Certains ont également observé que la présence de la féverole dans un couvert ne semble pas être très appréciée par les rongeurs. À vérifier...

Réinviter les prédateurs

Votre arme la plus efficace et la plus durable reste la prédation naturelle. Nous avons retenu cette parole d’un TCSiste, celle de Philippe L’Hote en Meurthe-et-Moselle : « J’ai résolu le problème des campagnols en posant des perchoirs pour les rapaces dans les endroits à forte présence au printemps. Il serait aussi bon d’arrêter de tirer à vue sur les renards. On marche sur la tête : on élimine les renards et ensuite, on est obligé d’empoisonner les souris... » Laissez donc les prédateurs naturels circuler dans vos parcelles (le mieux serait, bien entendu, de le faire à l’échelle d’un plus vaste territoire) : un équilibre salutaire va s’instaurer limitant les populations de campagnols sous un seuil acceptable.

Il y aura toujours des pics puisque le phénomène de cycle est inhérent à l’espèce mais les amplitudes seront plus atténuées. Accueillir les prédateurs passe par la fermeture des « open field », en réintroduisant des éléments fixes du paysage comme des haies, des bosquets. Surtout les haies qui font office de corridors écologiques et permettent une circulation « à couvert » de certains prédateurs. Elles peuvent également offrir aux prédateurs généralistes une alternative alimentaire quand la population de campagnols ne suffit pas (des baies, par exemple). La constitution de pierriers dans les haies ou les bosquets peut accueillir les petits prédateurs spécialistes comme les belettes et autres hermines.

La mise en place de perchoirs (et pourquoi pas de nichoirs - voir encadré) semble être un élément incontournable pour palier un déficit de perchoirs naturels. Un seul perchoir artificiel dans une parcelle ne suffit pas. Les spécialistes des oiseaux conseillent d’en disposer tous les 200 à 300 mètres dans les parcelles qui ne disposent pas de perchoirs naturels. Et surtout, ces piquets à buses comme on les appelle ne doivent pas être tous à la même hauteur. Sous réserve de pouvoir ensuite librement circuler avec les engins agricoles, la taille minimale d’un piquet pour rapaces est de 1,50 m. Certaines espèces préféreront cette taille, d’autres de plus hauts. Un perchoir occupé présente des amas de « crottes  » à sa base mais aussi les fameuses pelotes de réjection caractéristiques du fonctionnement alimentaire des rapaces.

Petite anecdote relatée par Victor Leforestier, souriante mais apparemment efficace : un SDiste de sa connaissance, en Eure-et-Loir, s’est rendu compte que les rapaces utilisaient sa rampe d’arrosage en guise de perchoir. Tout l’hiver, il l’a donc déplacé sur la parcelle pour mieux gérer ses problèmes de campagnols. Plutôt malin comme solution. Enfin, il est vraiment très important de surveiller vos bords de champs. S’il faut laisser des bordures, notamment pour y développer une biodiversité fonctionnelle, celles-ci hébergent souvent les premiers foyers d’infection de campagnols.

Il est donc conseillé de les entretenir régulièrement, voire de piéger le plus rapidement possible les premiers foyers. Pour l’entretien de ces bordures, privilégier les périodes nidification des oiseaux (certains nichent en effet au sol, parmi les herbes). Bien entendu, rien ne vous permettra d’éradiquer complètement une population de campagnols. Et heureusement car il est nécessaire de maintenir en continu un petit foyer de proies pour maintenir les prédateurs sur un territoire ; une sorte de fond de cuve de campagnols ! La lutte contre les campagnols passe donc par une réponse plurielle. La première d’entre elles, et nous insistons vraiment, est de permettre aux prédateurs de ces rongeurs d’oeuvrer plus facilement et tranquillement dans un habitat plus accueillant. Ensuite, l’évolution des populations de campagnols suivant des cycles, observez régulièrement vos parcelles et surtout, vos bords de champs. « Une vigilance relâchée, c’est une invasion assurée  », dixit très justement Jacques Charlot, TCSiste de l’Indre.

En mettant ainsi en place une multitude d’actions défavorables aux rongeurs, le problème ne devrait bientôt plus en être un.

Remerciements

Je souhaite insister dans mes remerciements car le réseau TCS/ SD, que j’ai de nouveau sollicité pour ce dossier, a engendré beaucoup de retours d’expériences et d’observations. Alain Butet (CNRS), Alain Leroux (LPO), Geoffroy Couval (Fredon Franche-Comté) ou encore Pablo Campano (Rodenator) ont été d’une collaboration particulièrement fructueuse. Un grand merci à tous ! merci à tous !


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