Orge de printemps Tenir compte de la culture intermédiaire dans le calcul de la fertilisation azotée

Jean-Pierre Cohan, Jérôme Labreuche, Alain Bouthier (ARVALIS-Institut du végétal) - Perspectives Agricoles 383 ; novembre 2011

L’obligation de couvrir les sols à l’automne d’ici 2012 dans les zones vulnérables conduit de plus en plus souvent à implanter une culture intermédiaire avant une orge de printemps. Cett e pratique peut agir sur les fournitures d’azote exploitables, avec des conséquences possibles sur le rendement et la qualité du grain. Une meilleure prise en compte des cultures intermédiaires dans le raisonnement de la fertilisation azotée permet d’intégrer ces eff ets potentiels.

D’ici 2012, le 4e programme d’action de la Directive Nitrates prévoit une couverture intégrale des sols à l’automne sur les territoires en zones vulnérables. Dans les successions de cultures d’hiver et de printemps, cette obligation se traduit la plupart du temps par l’implantation d’un couvert intermédiaire.

Or cette pratique a un impact sur la dynamique de l’azote pendant l’interculture et lors de la croissance de la culture suivante. En absorbant l’azote minéral du sol à l’automne puis en le restituant partiellement par minéralisation après sa destruction, un couvert intermédiaire modifie les quantités d’azote fournies à la culture suivante et donc les termes de la méthode du bilan. En premier lieu, il est susceptible de faire varier le stock d’azote minéral disponible dans le sol en sortie d’hiver. Il s’agit de l’ « eff et RSH » (pour Reliquat de Sortie d’Hiver). En second lieu, les résidus du couvert continuent de libérer de l’azote par minéralisation après la mesure du reliquat de sortie d’hiver. Ce surplus d’azote disponible sous la culture est appelé « MrCI » (pour Minéralisation du résidu de la culture intermédiaire) dans la méthode des bilans. La somme de ces impacts (Eff et RSH + MrCI) représente l’« eff et fertilisant global » du couvert.

Comparer les rendements de l’orge

Dans le cas de l’orge de printemps, particulièrement sensible à des variations de nutrition azotée en termes de quantité et de qualité du grain (débouché brassicole), il est primordial de bien évaluer l’impact de l’introduction d’un couvert intermédiaire sur la fourniture d’azote.

Pour ce faire, quinze expérimentations réalisées par plusieurs organismes de 2002 à 2010 (encadré 1) ont comparé les rendements obtenus par une orge de printemps selon ce qui la précédait, couvert intermédiaire ou sol maintenu nu lors de l’interculture (fi gure 1). Résultat : seuls les couverts à base de légumineuses ont fait progresser significativement les rendements. Ils ont permis d’améliorer nettement les fournitures d’azote à l’orge de printemps suivante : +30 à +40 kgN/ha pour des couverts de légumineuses bien développés (figure 2). Cet eff et positif porte à la fois sur le terme MrCI et sur l’eff et RSH, positif dans la plupart des situations. Ces résultats sont directement liés à la physiologie des légumineuses, capables d’exploiter à la fois l’azote de l’air (par fixation symbiotique) et celui du sol. Les autres couverts (crucifères, graminées) ont présenté un eff et fertilisant global proche de zéro en moyenne (fi gure 2). Dans ces caslà, l’impact généralement négatif sur le reliquat de sortie d’hiver (RSH) a compensé l’azote minéralisé sous la culture (terme MrCI). Quant aux mélanges, ils ont logiquement présenté un comportement intermédiaire.

Relativiser l’impact de l’interculture sur les protéines

Cette modification de la dynamique de l’azote dans le sol en présence de couverts intermédiaires a-t-elle un impact sur la teneur en protéines du grain ? C’est l’autre question à laquelle les expérimentations se sont intéressées. Pour l’orge de printemps, cette teneur est très sensible à des variations des apports d’azote au cours du cycle. Des fournitures tardives peuvent notamment engendrer un dépassement de la teneur seuil de 11,5 %, rédhibitoire pour le débouché brassicole.

Les expérimentations ont montré que lorsque la dose d’azote apportée sur l’orge de printemps est égale ou inférieure à l’optimum (dose nécessaire et suffi sante pour maximiser le rendement déterminée a posteriori), la teneur en protéines des grains reste généralement en-dessous de 11,5 %, avec ou sans couverture du sol à l’interculture (figure 3). Les quelques cas de dépassement du seuil de 11,5 % ne mettent pas en évidence le rôle d’un couvert par rapport à un autre. Dans ces situations, le climat de l’année ou la variété semblent plus discriminants. En situation de sur-fertilisation, les cas de dépassements sont logiquement plus nombreux, mais là encore, aucun mode particulier de gestion de l’interculture ne se démarque (figure 3). Les couverts fournissant un supplément d’azote comme les légumineuses n’induisent donc pas de risque lié au taux de protéines du grain si ce surplus est correctement pris en compte dans le calcul de la dose totale d’azote à apporter.

Cette conclusion est cohérente avec la dynamique de restitution de l’azote contenu dans les couverts  : rapide, elle n’induit pas de restitution importante dans la phase tardive du cycle de développement de l’orge de printemps.

Pas de problème avec une méthode du bilan bien paramétrée

Les références disponibles permettent de prendre en compte l’impact de l’implantation d’un couvert intermédiaire sur les fournitures d’azote à l’orge de printemps suivante dans la méthode du bilan (tableau 1). Seuls les couverts à base de légumineuses sont susceptibles de diminuer significativement l’usage des engrais azotés minéraux sur cette culture.

Dans tous les cas, l’optimisation des couverts intermédiaires pour la fertilisation azotée de la culture suivante ne doit pas occulter les autres aspects agronomiques essentiels à la conduite d’une interculture  : la date d’implantation du couvert, sa date et son mode de destruction, les précautions à prendre pour implanter l’orge de printemps ou la difficile compatibilité de l’usage des couverts avec la nécessité de travail du sol précoce en sols argileux.


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