Jeudi 27 octobre 2011
Philippe Jacquemin

Philippe Jacquemin est agriculteur en Champagne depuis 14 ans dont 10 en TCS et traitement bas volume. Il a été formateur durant 7 ans en agriculture et environnement. Passionné de photo, de nature et de voyage, il nous fait partager sa vision de l’agriculture.

Les légumineuses dompteuses de bactéries…

Philippe Jacquemin

Photo : P. Jacquemin

Les légumineuses sont des plantes extraordinaires pour l’agriculture car elles ont la capacité de vivre en association avec des bactéries du genre Rhizobium. Ces bactéries peuvent transformer le diazote (N2) atmosphérique en ammonium (NH4) utilisable par les végétaux. Depuis de nombreuses années les instituts techniques et laboratoires cherchent à élucider les mécanismes en jeu chez les légumineuses conduisant à cette symbiose. Pour cela la luzerne tronquée medicago truncatula, plante très proche de la luzerne de nos cultures de pleins champs medicago sativa, est étudiée par tous les labos en Europe, USA, Australie.

Une équipe de chercheur Franco-Hongroise a identifié ce qui se déroulait à l’intérieur des nodosités des légumineuses, notamment de la luzerne tronquée. Les bactéries subissent un arrêt de leur cycle de reproduction, ce qui entraine une modification de leur forme. Elles ne se reproduisent plus et ont donc par conséquent une capacité supérieure à transformer le N2 en NH4. La production d’azote est optimale pour la plante hôte et le volume de la population de Rhizobium maîtrisé. Les responsables, des peptides du nom de NCR, sont similaires à des peptides antimicrobiens. Ces dernièrs ont pour rôle dans la plante de lutter contre les attaques bactériennes. Bref, ces molécules domptant les rhizobiums pourraient être d’excellents candidats à de futurs médicaments antibiotiques. Mais pour nous autres agriculteurs, ne serait-il pas possible d’utiliser l’efficacité de ces peptides NCR avec des céréales ? De leur créer des nodosités afin que nos blés, orges etc. grâce à leur symbiose avec les Rhizobiums produisent leur azote en quantité optimale, au moment où les plantes en ont besoin. Bilan, environ 200 unités d’azote par hectare de synthèse en moins, de meilleurs coûts de production, une très forte diminution de la pollution des nappes d’eaux de surface ou souterraines. Bref, le bilan économique et environnemental semble extrêmement intéressant pour les agriculteurs mais aussi pour les acteurs et utilisateurs de l’eau.

Réf : W.VAN DE VELDE ET AL., SCIENCE, 327, 1122, 2010. Marine CYGLER Recherche N°457, novembre 2011 http://www.isv.cnrs-gif.fr/recherche/ek/ek.html#bacteroid