Observer son sol de près, pour comprendre sa fertilité

Christophe Barbot, l’Est agricole et viticole - 27 mai 2011

L’agriculture a pour objectif de produire en quantité et en qualité, en utilisant le potentiel du sol permis par ses origines géologiques, sans le rendre fragile.

Aborder la fertilité du sol, c’est pouvoir estimer comment le sol est stable. Le sol “respire” (pas de prise en masse) et fait circuler l’eau et l’air. Une activité intense des microbes stabilise les agrégats en consommant des sucres. Pour savoir si le sol fonctionne bien, il faut étudier les processus qui se déroulent en surface et en profondeur.

Où faire ses observations de sol ?

Le sol, milieu complexe, peut être observé de multiples façons, en fonction des objectifs visés. L’observateur doit rechercher le maximum d’indices pour répondre à la question qu’il se pose. Pour faire ses observations, il faut choisir une zone homogène de sol et un emplacement non perturbé par l’homme : il faut donc éviter les tournières, les anciens chemins ou talus. Un prélèvement à la bêche jusqu’à 40 cm permet déjà de faire nombre d’observations.

Le test à la bêche

La méthode du diagnostic à la bêche (en allemand Spatendiagnose, Spatenprobe) a été développée par Johannes Görbing après 1930 pour déterminer la structure du sol et la fertilité du sol. Elle est utilisée en Suisse, en Allemagne et en Autriche. Ce test est rapide et n’occupe que peu d’espace et il se fait à l’aide d’une bêche à lame longue de 45-50 cm. Il se pratique toujours sur une culture en place et on observe l’enracinement du couvert. On délimite avec la bêche la surface à creuser et on prélève ensuite sur la face verticale une tranche de 10-15 cm d’épaisseur, mini-profi l que l’on va voir en détail.

Vidéo en allemand

Noter les impressions : sent-on une résistance dessous ? Comment la terre se défait-elle ? Trouve-t-on des vers de terre ? Les tranches de terre sont posées l’une à côté de l’autre et comparées directement. Il s’agit d’un examen ponctuel. Dans les parcelles non homogènes, le test devra être répété. Pour le sous-sol, on peut compléter par un sondage à la tarière en fond de trou.

Etape 1 : humidité, odeur, couleur, des critères faciles à observer

L’humidité : on peut estimer l’humidité du sol en pressant la terre sous les doigts : est-elle dure, fi able ou plastique ? On peut déterminer l’opportunité d’un travail du sol ou passage d’engins en estimant le risque de compaction ou évaluant la qualité du passage d’outil. On décidera si on peut accéder au champ avec des machines. L’odeur : sentir la terre tout juste prélevée du sol informe sur l’aération du sol et la décomposition des matériaux organiques. Une putréfaction indique que le milieu est mal aéré ou signale un compactage du sol. Le sol a une odeur plus prononcée dans les couches travaillées que dans les autres. La couleur : elle indique à la fois les états d’aération et du régime hydrique du sol et sa richesse en matières organiques - ces dernières “assombrissent” la terre. Les teintes jaunes, brunes et rouges émanent du fer oxydé dans un sol bien aéré, alors que le fer réduit donne des teintes gris-bleu dans les zones à excès d’eau, en absence d’oxygène. La croissance des racines y est limitée. Les taches de rouille et concrétions brun-noir de ferro-manganèse caractérisent les sols régulièrement engorgés d’eau (hydromorphie).

Etape 2 : le niveau d’organisation du sol, plus délicat à voir

La texture : la proportion d’argiles-limons-sables s’évalue au toucher (exemple : soyeux = dominance de limons). Le calcaire : un test à l’acide chlorhydrique permet de vérifi er la présence de carbonates. La structure : il faut observer la forme des agrégats, grumeleuse, polyédrique, angulaire, lamellaire, massive. La compacité : avec un couteau on estime la résistance à la pénétration dans le sol d’une racine. La porosité : il faut estimer à l’oeil les volumes de vide dans le sol (galeries de vers de terre, de racines et autres pores) et regarder la profondeur de sol exploitée par les racines. Les limites entre les couches de sol (horizons) : si elles sont diffuses, elles sont favorables ; si elles sont nettes, elles sont défavorables (semelles, fond de labour), car elles freinent les échanges verticaux d’air, d’eau et de minéraux.

Les états de surface : observer la présence d’ornières, de croûtes de battance, de turricules de vers, de résidus de récolte en surface. A travers ces observations, on peut évaluer l’impact du travail du sol, approcher le fonctionnement biologique, estimer grossièrement la réserve en eau utile, voir l’intérêt d’un chaulage ou d’un drainage existant ou éventuel.

Des d’analyses complémentaires sont-elles nécessaires ?

Les analyses de laboratoires - physico-chimiques, activité biologique (biomasse microbienne), analyses de végétaux - permettent de compléter ces observations, mais ne suffi sent pas à elles seules. Le référentiel régional est indispensable. N’oublions pas que les observations de terrain sont prioritaires sur les mesures de laboratoire. Les plantes “bioindicatrices” et le comportement des cultures peuvent également donner de nombreuses informations sur le fonctionnement du sol.

Quelles conclusions ?

Après un diagnostic, il est nécessaire d’écrire en trois lignes les informations principales et de noter les principaux atouts et contraintes du sol. Un sol en “bonne santé” a une bonne activité biologique et permet d’épargner des intrants : travail du sol plus facile, moins d’engrais, moins d’irrigation... Il est moins sensible au ruissellement et à l’érosion et sa fonction de fi ltre pour les nitrates ou les phytosanitaires peut être valorisée. Ce sol est essentiel pour le bon fonctionnement des écosystèmes. Le sol est un des piliers de l’agriculture durable. La Chambre d’agriculture du Bas-Rhin peut proposer cette méthode à des agriculteurs dans le cadre de ses formations.


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