Améliorer la qualité du sol, c’est d’abord l’observer

Ligne d’Inf’Eau - avril 2011

« Développer un sol de qualité grâce à la simplification du travail du sol, les couverts hivernaux et les rotations culturales », c’est la base de la réflexion sur le système « sol » conduite par Frédéric Thomas, agriculteur en Sologne et fondateur de la revue TCS. Il est intervenu dans les Pyrénées-Atlantiques en janvier dernier. Explications.

Dans le cadre des Plans d’Actions Territoriaux Lées Gabas et Gave de Pau, 2 formations sur les techniques culturales simplifiées et les couverts hivernaux ont été organisées par la Chambre d’Agriculture du 25 au 28 janvier dernier. Une cinquantaine d’agriculteurs ont à cette occasion rencontré Frédéric Thomas.

Agriculteur en Sologne et fondateur de la revue TCS, il travaille depuis 15 ans dans l’agriculture de conservation. Son pilier de réflexion : développer un sol de qualité grâce à la simplification du travail du sol, les couverts hivernaux et les rotations culturales. « Le but n’est pas de se convertir au semis direct ultime ou de ne modifier qu’une pratique, c’est tout le système qui doit être réfléchi : donner des pistes de travail, tester chez soi et rechercher un compromis entre toutes les méthodes agronomiques à notre disposition » explique-t-il.

Observer son sol

Selon lui, le point fondamental c’est l’observation de son sol. Autrement dit « une seule solution : tous à vos pelles mesdames messieurs et creusez ! » Pour avoir des sols performants il faut retrouver une bonne « verticalité du sol » explique-t-il, autrement dit « une structure, une profondeur et une porosité développée ». Au départ, il faut résoudre le problème de structure avant de passer au travail simplifié. Cela passe par un travail mécanique (fissuration ou décompactage) pour réparer le sol en profondeur avec des dents courbes ou droites avec aileron et un écartement large dans des conditions de sol ressuyé. Les problèmes de semelles de labour et de compactage mettent plusieurs années à se résoudre.

Dans les premières années, il faut sécuriser le démarrage au semis : durant la période de transition du labour au semis direct, on peut manquer d’azote : avec la simplification du travail du sol, la minéralisation diminue et il faut reconstituer un stock de matières organiques. Dans cette « course à l’azote », l’implantation de légumineuses, les apports organiques et un bon apport d’azote au semis sont nécessaires. Pendant cette période, un travail du sol superficiel assurera un bon lit de semence et permettra une minéralisation de la matière organique : 1 tonne d’humus équivaut à 50-70 kg d’azote minéralisable !

Remplacer l’acier par les racines

Développer des sols performants c’est développer une approche sur tout son système de culture. Comme le dit Frédéric Thomas, « raisonner uniquement économie de travail du sol est un piège. Il faut penser système : simplification du travail du sol, couverts, rotations et outils sont autant de techniques à associer ». « Implanter des couverts hivernaux c’est remplacer l’acier par les racines ». Les fissurations créées par les couverts maintiennent la porosité du sol et assainissent le sol. Les couverts permettent aussi de recycler les éléments fertilisants du sol et d’accroître l’autofertilité du sol. S’il vient une période difficile (sècheresse, froid, abats d’eau…), le sol sera capable de mieux répondre. Une augmentation du taux de matière organique de 1% correspond à une augmentation de 15 à 20% de la réserve utile.

Le plan épargne azote : les légumineuses

« Dans le contexte où les engrais sont chers et en période de transition vers le travail simplifié, les légumineuses sont notre plan épargne azote » témoigne Frédéric Thomas. La mise en place de légumineuses est essentielle. Cependant, le sol n’étant pas encore performant, elles ne fonctionneront pas à l’optimum car les légumineuses ont globalement besoin d’un sol de qualité. Pour cela, même en semis direct où l’objectif est de ne pas travailler le sol, on peut leur donner un petit coup de main : ameublissement du sol avec un outil à dents ou préparation très superficielle du sol pour favoriser la minéralisation.

Créer de la biomasse

En implantant des couvert hivernaux, il faut chercher à « créer de la biomasse ». Les légumineuses utilisent une grande partie de leur énergie au début, pour la symbiose et à leur autonomie en azote, puis se consacrent au développement de sa biomasse. Cela explique que leur développement soit retardé. La clef de la réussite est de jouer sur les mélanges : plantes grimpantes, couvre sol, croissance rapide, croissance lente, racine pivot, racine fasciculée… En effet l’association d’espèces permet un meilleur développement et chaque espèce a une capacité différente à mobiliser les éléments (voir shéma ci-dessous). Pour la destruction, il faut trouver un compromis. Trop tôt, le couvert n’a pas joué son rôle mais on limite la « faim d’azote ». Trop tard, il faut compenser en mettant des légumineuses et un engrais au semis. Si la hauteur du couvert est supérieure à 40 cm, il mettra un mois et demi à deux mois pour se décomposer. De plus, le broyeur montre des limites. Mieux vaut utiliser un rouleau à barres latérales qui sectionne les plantes en de nombreux endroits. Quel que soit la technique ou l’outil choisi, la réflexion est axée sur le « sol ». Il faut utiliser tous les leviers agronomiques pour avoir un sol de qualité et attendre que la vie du sol prenne le relais. En associant simplification du travail du sol, couvert hivernal et rotation, il faut 4 à 5 ans pour commencer à développer la structuration biologique du sol !


Télécharger le document
(PDF - 213 ko)