MERCI : mesurez les éléments minéraux dans vos couverts

Matthieu Archambeaud - TCS n°59 ; septembre/octobre 2010

LA FEUILLE DE CALCUL EST DISPONIBLE ICI

Documents annexes :
Légumineuses, comment les utiliser comme cultures intermédiaires ?
Les Cultures Intermédiaires, fiche technique

La mise en place de couverts végétaux est théoriquement bénéfique au sol, qu’il s’agisse de la structure, de la protection et de la nutrition de l’activité biologique, etc. On se doute également que l’introduction de légumineuses apporte un plus en termes de biomasse, de captage d’éléments minéraux et de fixation d’azote. La question est de savoir combien d’éléments minéraux sont recyclés et fixés dans le couvert, et sur combien l’on peut compter pour la culture suivante. Après les travaux de Christophe Barbot et de la chambre d’agriculture du Bas-Rhin, Sébastien Minette et Grégory Véricel de la chambre régionale d’agriculture de Poitou-Charentes ont mis à disposition depuis janvier 2010 un modèle de calcul simple et relativement précis qui fait désormais entrer les couverts végétaux dans le bilan de fertilisation.

Une méthode de calcul simple et efficace

L’équipe de la CRA Poitou- Charentes mène depuis 2001 une série d’essais qui ont débouché en 2009-2010 sur la mise au point de Merci (Méthode d’estimation des éléments restitués par les cultures intermédiaires). À partir de la biomasse mesurée de chaque espèce présente dans le couvert, sont calculées les quantités d’éléments présents dans le couvert. L’originalité de l’outil est d’être adaptable à tous les mélanges d’espèces, qu’il s’agisse d’un couvert, d’une culture ou d’un mélange fourrager et quelle que soit sa complexité. La robustesse de Merci repose sur des mesures effectuées pendant huit ans en région Poitou- Charentes. La méthode de calcul repose sur la valorisation des mesures de terrain (% matière sèche, % d’azote…) complétées par l’utilisation de la simulation (modèle Stics, développé par l’Inra) pour des données difficilement accessibles sur le terrain (niveau de restitution à la culture suivante). Afin d’évaluer la fiabilité de l’outil et des calculs, les résultats obtenus ont été confrontés à des mesures réalisées dans des parcelles. Sébastien Minette estime la fiabilité de la méthode de calcul à plus ou moins 15 kg/ha d’azote.

Les données utilisées dans l’outil sont issues en grande partie d’essais conduits en Poitou- Charentes mais aussi de références obtenues par différentes chambres d’agriculture en France dans des contextes « grandes cultures » avec des cultures intermédiaires non fertilisées. Merci est donc utilisable, dans ce contexte, dans la France entière et est un outil de terrain relativement simple à mettre en œuvre. Le deuxième intérêt de l’outil est qu’il ne se cantonne pas au piégeage mais aussi à la production d’azote avec l’intégration des légumineuses, ainsi qu’aux teneurs en phosphore et en potasse.

Le C/N du couvert détermine la dynamique de restitution des éléments

Le calcul repose sur la biomasse mesurée des couverts à la date de destruction ou lorsque celui-ci ne pousse plus. La date de mesure est en effet primordiale puisqu’elle détermine le rapport C/N (% carbone/% azote) du couvert et par conséquent sa capacité à fournir de l’azote rapidement. Sachant que la proportion de carbone est quasi stable (42 %) quels que soient l’espèce ou le stade du couvert, il suffit donc de connaître la quantité d’azote présente dans la matière sèche : l’azote détermine à la fois la quantité et la dynamique de restitution. En règle générale, plus le couvert est développé, plus le C/N est élevé et plus la libération d’éléments est lente. Aussi, la présence de légumineuses, en améliorant la part d’azote, permet de conserver des C/N plus bas et donc de restituer plus rapidement des éléments pour la culture suivante.

Utiliser Merci

Le calcul peut être réalisé à la main avec les données fournies ci-jointes, mais il est plus facile d’utiliser la feuille de calcul Excel, éditée par la CRA Poitou-Charentes. Celle- ci est disponible en ligne sur www.agriculture-de-conservation. com dans la rubrique « couverts », ainsi que les documents concernant la méthode Merci.

1. Mesurer ou calculer une biomasse sèche du couvert
La biomasse du couvert étant la seule variable mesurée, la pesée du couvert doit être précise. La mesure se fait, au minimum, sur 3 placettes par parcelle (ex. : 3 x 1m2) : toute la biomasse aérienne est prélevée, y compris d’éventuelles parties racinaires affleurant (radis chinois, navette). Il est important de ne peser qu’une biomasse ressuyée (pas de pluie, pas de rosée), toute humidité superflue entraînant des erreurs de calcul (1 mm d’eau pèse 10 t/ha !). Chaque espèce est pesée séparément et fera l’objet d’un calcul spécifique. La biomasse peut être pesée fraîche, auquel cas on lui appliquera un coefficient lié à l’espèce et à l’âge du couvert (tableau 2 – colonnes A). La mesure de la biomasse sèche est plus précise, mais bien entendu contraignante car il faut disposer d’une étuve ou d’un système permettant de déshydrater l’échantillon pendant 48 h à une température de 75 °C à 80 °C.

2. Calculer les quantités d’azote, de phosphore et de potasse présentes dans le couvert
En multipliant la matière sèche (en kg/ha) par les coefficients correspondants à chaque élément (tableau 2 – colonne B et D), on obtient les quantités d’éléments disponibles dans le couvert. La précision est d’environ plus ou moins 15 kg/ha pour l’azote ; on peut par principe arrondir à la dizaine inférieure pour éviter une surévaluation. Une fois obtenues les teneurs en N, on leur applique un facteur « racine » (tableau 2 – colonne C) pour prendre en compte l’azote présent dans le système racinaire de la plante, soit + 10 % à + 50 % en fonction de l’espèce.

En ce qui concerne le phosphore et la potasse, le travail de validation doit être poursuivi et affiné, mais ces valeurs permettent d’obtenir un aperçu et d’apprécier les niveaux de restitution et de mise à disposition de ces éléments pour la culture suivante.

3. Calculer la quantité d’azote potentiellement disponible pour la culture suivante
Si la quantification des éléments du couvert est assez précise, sa dynamique de restitution l’est moins puisqu’elle dépend non seulement des caractéristiques du couvert, mais également de la variabilité climatique, de la texture des sols et du travail du sol. On restera donc prudent sur les valeurs disponibles pour la culture suivante. En ce qui concerne le couvert, c’est le rapport C/N qui détermine la vitesse de décomposition de la biomasse et donc la disponibilité en NPK pour la culture suivante. La part de carbone étant stable (42 %), il suffit de connaître la teneur en azote pour obtenir le C/N et calculer l’azote immédiatement disponible (tableau 1). Cela dit, les chiffres du tableau 1 sont les moyennes mesurées après destruction des couverts et enfouissement (déchaumage et/ou labour) : on n’hésitera pas à réduire la quantité d’azote disponible pour la culture suivante en TCS superficiel et semis direct (résidus non enfouis ou mulchés en surface). La formule est : C/N = 42/% N.

Exemple de calcul pour un biomax âgé de plus de trois mois Tableau 3 : la restitution potentielle d’azote est estimée à 70 kg (73,5 kg/ha ramenés à la dizaine inférieure) dans le cas d’un enfouissement des résidus après destruction. Cependant, il s’agit de l’azote « potentiellement  » disponible, sachant que même avec un couvert, une partie de cet azote pourra être soumis à lessivage et donc ne pas être disponible pour la culture suivante Si l’on reste prudent et réaliste, on peut estimer la quantité d’azote restituée à la culture suivante à 50 kg/ha. Sans aucun travail du sol, la restitution est probablement inférieure et comprise entre 30 et 40 kg/ha (dégradation plus lente des résidus). Tous les éléments restants ne sont bien entendu pas perdus : ils sont capitalisés dans la matière organique et seront redistribués les années suivantes.

Comme à l’accoutumée, il est nécessaire de ne pas trop réfléchir à l’année et de trouver le compromis entre le court terme (C/N bas : fertilité minérale) et le long terme (C/N haut : fertilité organique). Il ne faut pas hésiter à produire des couverts à forte biomasse pour restructurer et démarrer la « machine » sol qui a besoin de carbone. On abaissera le C/N en y ajoutant des légumineuses. On retiendra surtout que cette méthode permet de quantifier les éléments minéraux recyclés et produits et qu’il faut rester plus prudent sur les quantités d’éléments restitués l’année suivante. Ce dont on est par contre sûr, c’est que plus de biomasse est produite sur un sol, plus celui-ci devient fertile et restitue d’éléments sur l’année.

La CRA Poitou-Charentes a intégré cette méthode de calcul à un logiciel réalisant les plans prévisionnels de fertilisation azotée et estimant les pertes par lessivage en fonction du climat automnal/hivernal.


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