Les vertus du non labour

Christian Gloria, Delphine Nicolas, Emmanuel Baratte, Marie-Hombeline Vincent ; Réussir Céréales Grandes Cultures - décembre 2007

Les techniques culturales sans labour progressent en France. Pour des raisons économiques essentiellement. Le bilan environnemental plaide également en leur faveur mais avec des bémols.

Les vertus du non labour

Les techniques culturales sans labour (TCSL) se développent en France, plus particulièrement ces dernières années : 35 % des surfaces en grandes cultures sont conduites en non labour selon les données de l’année 2005 et cette proportion atteint 45 % pour le blé et le colza.

Pourquoi un tel engouement ? La réduction du temps de travail que permet la suppression du labour est une motivation forte, de même que les économies sur les coûts de mécanisation. Ces deux paramètres pèsent très fort sur le choix des agriculteurs de ne plus recourir au labour dans un contexte d’augmentation des surfaces par exploitation. Pour autant, nombre de producteurs n’ont pas délaissé la charrue complètement mais on ne sait pas dans quelle proportion. Ils ne s’interdisent pas de retourner leur sol à nouveau si les conditions l’exigent  : sols tassés, graminées devenues incontrôlables… Un état des lieux sur les impacts environnementaux des TCSLK vient d’être réalisé. La suppression du labour est souvent mise en avant pour sa contribution à la protection de l’environnement.Dans la réalité, les TCSL apportent plus de bénéfices environnementaux que d’inconvénients. Les résultats de l’étude le démontrent notamment à travers les économies d’énergie générées avec la suppression du labour, la diminution des gaz à effet de serre globalement par rapport au retournement des sols, la protection de ces sols contre les risques d’érosion, l’augmentation de la biodiversité dans ce milieu…

Concernant les transferts des produits phytosanitaires dans l’eau ou de certains fertilisants, on est plus circonspect. Mais comme le souligne Pierre Stengel, directeur scientifique à l’Inra, la simple suppression du labour dans un premier temps amène souvent les agriculteurs à entrer dans une logique plus « écologique » de gestion de ses cultures et de ses sols en utilisant des couverts hivernaux et en poussant plus loin les économies d’intrants. Toutes ces techniques associées à la suppression du labour requièrent un gros effort de technicité. Les agriculteurs expriment un besoin d’accompagnement pour réussir leur passage vers des pratiques plus vertueuses pour l’environnement.Mais, et c’est là que le bât blesse, le rapport montre que finalement nous disposons de peu de références techniques en France. Le nombre d’expérimentations est limité et pas toujours bien représentatives des réalités du terrain. Un travail d’observation des adaptations des TCSL sur le plan local est nécessaire. Ce n’est pas une mince affaire. ! Christian Gloria (1) Rapport « Évaluation des impacts environnementaux des techniques culturales sans labour en France » avec le concours de l’Ademe, d’Arvalis-Institut du végétal, de l’Inra, des chambres d’agriculture, d’Areas, de l’ITB, du Cetiom et de l’ITV.

Un impact satisfaisant… à quelques exceptions près

La lutte contre l’émission de gaz à effet de serre (GES) est un enjeu à l’échelle mondiale. Les techniques culturales sans labour (TCSL) sont mises en avant pour leurs contributions à la baisse de ces émissions.Qu’en est-il dans la réalité ? « Les TCSL mettent en jeu des mécanismes favorables au stockage de carbone du CO2 dans le sol, explique Jean-Claude Germon, de l’Inra de Dijon. Nous notons une moindre minéralisation du stock organique humifié alors que le labour a pour effet de ‘déprotéger’ cette matière organique. Et le coefficient d’humification de cette matière est augmenté d’où une meilleure durabilité de stockage de carbone ». D’après les données anglo-saxonnes, le stockage annuel de carbone est évalué de 300 à 400 kilos par an et par hectare avec la suppression du labour. En France, les essais le situent plutôt entre 100 et 200 kilos par an et par hectare.Un dispositif longue durée sur la station Arvalis de Boigneville (Essonne) montre que la différence avec le labour s’atténue avec le temps. Mais aussi modeste soit-il, le stockage de carbone augmente avec la suppression du labour et attention, le retour d’un simple labour annihile tout ce stockage.

BILAN EFFET DE SERRE FAVORABLE AUX TCSL

Selon des essais Arvalis, le recours aux TCSL génère des économies de carburant de l’ordre de 20 à 40 litres par hectare et donc de CO2, principal GES. Sur le méthane — un autre GES — il n’y a pas de différence entre systèmes labourés et semis direct. En revanche, on remarque une production plus importante en non labour de protoxyde d’azote (N2O) qui est émis après la fertilisation azotée. Ce gaz se montre 300 fois plus actif que le CO2 en termes d’effet de serre. Cependant, l’émission de N2O ne suffit pas à annuler les économies faites sur la production de CO2 (moins de carburant, plus de stockage de carbone).Au final, le bilan des émissions de GES est en faveur du sans labour. Sur la base de l’expérimentation de Boigneville, Arvalis évalue la diminution des GES par rapport au labour à 11 % en travail superficiel et à 16 % en semis direct.

PRODUIT PHYTO DANS L’EAU DE DRAINAGE

Les techniques culturales touchant au sol peuvent interférer avec les modes de transferts des molécules phytosanitaires dans l’eau. « En diminuant la battance des sols et en contribuant à limiter les transferts par érosion, les TCSL auront un impact positif contre les risques de pollution par ruissellement », explique Benoît Réal, d’Arvalis.

Les risques sont à examiner au cas par cas et la période d’application du produit joue beaucoup. Benoît Réal expose deux cas pratiques de transfert analysés sur réseaux de drainage : « Pour l’époxiconazole (fongicide) appliqué au printemps, nous le trouverons en moins grande quantité en TCSL qu’en système avec labour dans des eaux de drainage. La biodégradation de cette molécule est accélérée en situation de TCSL. Mais pour un herbicide comme le diflufénicanil appliqué à l’automne, la situation est inverse avec des transferts plus importants en TCSL qu’en labour dans des conditions de drainage important. » À noter que le recours des TCSL peut amener à augmenter les traitements phytosanitaires. Au moins dans un premier temps… Concernant le lessivage (lixiviation) du nitrate, les effets des techniques de gestion du sol sont contradictoires et les écarts sont de faible ampleur en tous les cas. « Les effets d’un couvert végétal sont toujours plus importants que ceux des techniques de travail du sol », constate Christine Lesouder, Arvalis.

Pour le phosphore, les différences sont plus nettes. « La suppression du labour conduit à l’enrichissement en phosphore de la couche de surface, remarque Pierre Castillon,Arvalis. Le phosphore véhiculé par les eaux de ruissellement et de drainage provient essentiellement de cette couche. » Le spécialiste d’Arvalis fait le distinguo entre deux types de phosphore : « En situation de ruissellement, les TCSL contribuent à réduire les pertes de phosphore total mais accroissent les pertes de phosphore dissous qui génère le plus l’eutrophisation. Sur les parcelles drainées, ce sont les deux formes qui sont augmentées en TCSL par rapport aux labours. » L’enfouissement des amendements et engrais contenant du phosphore serait un moyen pour limiter le transfert dans les eaux.

TOUT BÉNÉFICE POUR LA BIODIVERSITÉ

« Nous observons une tendance générale à l’accroissement de la biodiversité dans les sols en non labour comparés à ceux travaillés », résume Stéphane de Tourdonnet, de l’Inra. L’analyse est plus nuancée par groupe d’espèces. « Chez les micro-organismes (bactéries, champignons et leurs prédateurs), il y a peu d’impact de la suppression du labour sur le niveau de diversité.On observe des espèces différentes  : pionnières en labour et caractéristiques des milieux non perturbés en non labour. En revanche, il y a une plus forte abondance et diversité pour les organismes transformateurs de litières que sont des acariens, collemboles et autres arthropodes. La différence est encore plus nette avec les vers de terre avec de 2 à 7 fois plus de lombrics en TCSL qu’en système labouré. » Tout bon pour ceux que l’on nomme les « ingénieurs de l’écosystème ». Les phytophages comme les limaces aussi bien que leurs prédateurs tels les carabes sont souvent plus présents mais les constats sont très variables selon les situations. Enfin, la « grande » faune sauvage représentée par les mammifères et les oiseaux profitent de la manne apportée par les TCSL avec une plus grande disponibilité de nourriture en surface du sol.

En équilibre entre écologie et économie

Se remettre en cause, tester, innover… François Mandin sait faire. « Cela fait peut-être partie de mon héritage familial, sourit-il.Mon père fut le premier irrigant de Vendée et le premier à bâtir un GIE d’achat. Il utilisait déjà un Semavator en 1974. Avec mes deux associés, Damien Valoteau et Thierry Rabiller, nous agissons pour que notre métier aie le moins d’impact possible sur l’environnement en préservant le sol et en favorisant la biodiversité. Pour nous, la seule façon d’y arriver est de diminuer nos interventions : qu’il s’agisse des intrants, de l’irrigation ou du travail du sol. Nous sommes dans une démarche de ‘non intensification’. Tout l’enjeu réside à trouver l’équilibre entre l’écologie et l’économie.Dès la création du Gaec, en 1994, nous avons opté pour le semis simplifié des cultures d’automne. Et c’est en 1997 que la charrue a disparu de l’exploitation. ».

EXPÉRIENCES TECHNIQUES PASSIONNANTES

Les agriculteurs passent moins de temps sur le tracteur pour le consacrer à de la formation et à plus de surveillance des parcelles.

Depuis dix ans, les campagnes se suivent… et ne se ressemblent pas.Après quelques années de « calage », les rendements en blé et pois sont désormais stables et conformes à leurs objectifs : 60 quintaux à l’hectare pour le blé dur, 70 pour le blé tendre et 50 pour le pois. Pour le maïs en revanche, les choses ne sont pas si simples. « Cette année, dans les terres de groies, nous avons parfois eu du mal à atteindre 80 quintaux à l’hectare, alors que dans les autres parcelles, nous avons dépassé les 110 quintaux. La levée s’est bien passée mais au stade ‘4 feuilles’, au moment du sevrage du grain, les plantes ont cessé de pousser. Même si ce phénomène semble bien lié au sol, personne ne sait l’expliquer, regrette l’agriculteur. Il est vrai que nous n’optons pas toujours pour la simplicité. Dans ce cas, les semis ont été réalisés à l’aide d’une dent sur la ligne de semis. Ailleurs, cela a pourtant bien fonctionné.Une chose est sûre : nous réessaierons. Car à mon sens, l’expérience technique redonne de l’intérêt à notre métier. Mais aujourd’hui, il faut bien reconnaître que nous manquons de références.Nous attendons des instituts qu’ils travaillent davantage le sujet. »

En termes de traitements phytosanitaires, François Mandin avoue ne posséder que des a priori. « Rien n’est démontré, poursuit- il. Nous pensons qu’il est préférable de mettre 5 grammes à l’hectare d’Allié plutôt que 1,5 kilo par hectare de chlortoluron. Mais est-ce le bon choix ? Dans ce sens, nous avons fortement réduit le grammage apporté à l’hectare. Il y a dix ans, nous épandions près de 5 kilos par hectare de matière active : aujourd’hui, nous approchons les 2 kilos. »

SUPPRIMER LES PRODUITS PHYTOS

Le but est bien de construire un système qui peut se passer de produits phytosanitaires. Comment ? En fabriquant un mulch en surface et en couvrant les sols toute l’année, pour diminuer la pression des adventices par exemple. « Nous travaillons à 20 % de la dose homologuée, toujours en conditions optimales : à bas volume (25 l/ha), le matin entre 6 et 10 heures et en tenant compte de l’hygrométrie. Côté maladies et ravageurs, pas de soucis. L’implantation de couverts végétaux a redynamisé les populations de carabes : du coup, pas de problème de limaces. »

Le vrai souci en revanche reste le désherbage du maïs. « Le salissement est fortement lié au mode d’implantation et doit se gérer sur plusieurs campagnes.Un faux semis juste après la récolte du blé et un passage de glyphosate pour détruire les graminées d’été permet de diminuer l’infestation dans le maïs suivant. Pour cette culture, l’un des éléments centraux reste le passage de la rotative la veille du semis. À terme, nous voudrions réussir à pailler l’inter-rang pour maintenir au maximum l’humidité tout en limitant la levée des adventices. Dans un système comme le nôtre, il faut aussi accepter que les parcelles ne soient pas parfaitement propres. Ce qui compte, c’est bien la marge nette et non la propreté ou la taille de ses maïs ! Nos résultats(1) sont assez équilibrés avec des charges toujours en baisse. Le tout, en répondant aux problématiques environnementales actuelles. »

20 % D’AZOTE EN MOINS

L’environnement reste bien une priorité pour les associés du Gaec.D’autant plus qu’un captage d’eau potable est implanté au beau milieu de l’exploitation. Alors en 2001, ils ont décidé de s’engager dans un CTE. « Une démarche qui nous a aidés à minimiser les risques financiers dans notre volonté d’aller encore plus loin. Les objectifs fixés étaient ambitieux : développer le non-labour sur l’ensemble de l’exploitation, implanter 190 hectares d’engrais verts par an, réduire de 20 % les apports d’azote, diminuer de 10 % la surface de maïs, implanter 5 kilomètres de haies… La mesure la plus difficile à respecter fut sans conteste la diminution de l’azote. Pour le maïs, nous n’apportions plus que 120 unités par hectare, en fractionné. Erreur ! Les plantes ont souffert. Désormais, nous savons qu’un sol bien structuré ne conduit à aucune perte. Il n’y a donc aucun risque à apporter toute la dose en un seul passage. » « Parfois, nous nous faisons un peu peur : nos voisins nous prennent pour des fous ! Mais cela ne nous empêche pas d’avancer. D’ailleurs depuis l’an passé, tous les blés et les pois sont implantés en semis direct. Cela fonctionne très bien.

« Je ne réalise aucun travail du sol depuis six ans »

« Cette année, les conditions sont particulières pour les colzas. La météo humide a favorisé les dégâts de limaces. J’ai déjà ressemé une parcelle. Pour le reste, j’attends de voir l’évolution en fin d’hiver. » Cela fait six ans que Francis Proust a décidé de ne plus travailler ses sols. Fort de son expérience, il n’est pas vraiment inquiet. « Le colza a une forte capacité de rattrapage. » L’an passé, les conditions avaient été optimales. « J’ai pu réaliser tous les semis sous la barre de coupe de la moissonneuse, soit 45 hectares. Ils ont donné 30 quintaux par hectare à comparer à une moyenne de 25–27 sur cinq ans. » Une bonne levée n’est évidemment pas systématique.Mais « j’engage peu de frais en semant à la moisson. Je garde les meilleures parcelles semées sous la coupe et si nécessaire, j’en ressème au Semeato, à 3 kg/hectare, pour assurer la sole prévue ». Situés en Eure-et-Loir, les 200 hectares de l’exploitation sont constitués de terres caillouteuses, usantes (silex), humides et séchantes en été.

DAVANTAGE DE CULTURES DE PRINTEMPS

Face aux difficultés d’intervention dans les parcelles, l’agriculteur s’est de longue date penché sur les problèmes de structure des sols et de coûts de mécanisation. Le semoir à disque Semeato, de conception brésilienne, constitue la pièce maîtresse du parc de matériel réduit à un tracteur de 135 chevaux, un pulvérisateur, un épandeur d’engrais et une moissonneuse- batteuse équipée d’un semoir.

Avec cet appareil lourd à disques, Francis Proust sème toutes les céréales d’hiver et les cultures de printemps, comme les pois, les féveroles ou le tournesol. Il vient de terminer ses 80 hectares de blé, soit dans les repousses de colza, soit dans un mélange d’espèces semées en moissonnant. « J’ai beaucoup de blé sur blé mais le couvert végétal s’intercale pendant deux à trois mois. »

Il souhaite cependant développer les cultures de printemps. « En pois et féveroles, le problème n’est pas technique mais les marges sont faibles comparées au blé. Le potentiel des variétés progresse peu. Par contre, je viens de renouveler un contrat de semences pour du trèfle. » Des perspectives pourraient s’ouvrir avec des protéagineux plus chers. Il pense également au maïs car « la structure des sols de l’exploitation s’est nettement améliorée ».

VIGILANCE AVEC LES RAVAGEURS

Son semoir demande peu de puissance (80 chevaux suffisent) et il permet de passer dans tous les couverts, en n’ouvrant qu’un mince sillon. « Il faut remuer la terre le moins possible pour préserver l’écosystème. » Tout le matériel est équipé de pneus basse pression et les remorques n’entrent plus dans les parcelles.Au bout de quelques années, la décomposition des débris végétaux conduit « à la formation d’un mulch. Les terres deviennent plus portantes, les cailloux n’affleurent plus, la matière organique remonte et sa décomposition devient beaucoup plus rapide », résume Francis Proust. Par contre, « il faut être vigilant avec les ravageurs  ». S’il fourmille d’insectes, de lombrics et de vie microbienne, le milieu devient aussi favorable aux limaces et autres mulots. « C’est le point le plus difficile à gérer même s’il ne concerne jamais une parcelle entière mais plutôt des zones », explique l’agriculteur qui incorpore régulièrement de l’anti-limaces aux semences.

LA RECHERCHE FAIT DÉFAUT

Francis Proust ne regrette pas son choix, source de fortes économies sur les charges de mécanisation mais aussi les intrants. La technique, qui nécessite beaucoup d’observation, fait ses preuves.Après une période de tâtonnements pour mettre au point les couverts, elle lui a permis de valoriser ses terres difficiles en retrouvant des rendements satisfaisants (70 q/ha en blé cette année). Il déplore, en revanche, l’insuffisance de recherche et d’expérimentations de la part des instituts techniques et organismes agricoles pour pouvoir progresser. « Aujourd’hui, j’ai le sentiment de stagner. Pourtant, face aux enjeux environnementaux et de productivité auxquels il faudra répondre à la fois, il me semble que cette voie mérite d’être creusée. Elle s’inscrit parfaitement dans le développement durable en basant la productivité d’abord sur les capacités du sol davantage que sur les intrants. »

Des charges de mécanisation en chute libre

Le labour est une opération gourmande en traction, donc en énergie, et en temps de travail. Le supprimer est source d’économies.Ces dernières peuvent être substantielles allant jusqu’à 30 % des coûts de mécanisation. Dans le cas-type de la Champagne berrichonne( 1) par exemple, avec un assolement blé tendre d’hiver-orge d’hiver-colza sur 200 hectares, le coût d’implantation à l’hectare atteint 168 euros à l’hectare dans le cas d’une préparation avec labour et seulement 42 euros à l’hectare pour un semis à la volée ; le coût d’implantation comprenant les charges de mécanisation, la main-d’oeuvre et les herbicides totaux.

GAINS DE TEMPS ET D’ARGENT

Arvalis a comparé, sur différents critères, une implantation avec un semis combiné derrière labour après deux déchaumages (la référence) à diverses techniques simplifiées. Comme le montrent les chiffres ci-contre, les techniques culturales sans labour (TCSL) permettent de réduire les charges de mécanisation, car elles demandent moins de puissance de traction (ce qui joue sur la valeur à neuf du matériel nécessaire) et en diminuant le nombre de passages donc le temps de traction à l’hectare. Avec un nombre de passages parfois réduit et un débit de chantier plus important (rapidité et largeur de travail), les TCSL permettent de diminuer le temps de travail ; ce qui est intéressant pour les implantations d’automne. Il permet aussi de réduire la puissance du tracteur de tête, voire de supprimer un tracteur.

LE COÛT D’IMPLANTATION RESTE INFÉRIEUR

Dans le cas étudié en Champagne berrichonne, le parc tracteur passe de trois tracteurs (160 ch, 120 ch et 80 ch) à deux (140 ch et 80 ch).Mais les techniques simplifiées et le non-labour nécessitent l’emploi d’herbicides totaux avant l’implantation du blé ou du colza, ce qui a un coût.

Cependant, le coût de l’implantation dans les différents scénarios reste toujours inférieur à la référence du semis combiné derrière labour.

Arvalis a testé une deuxième hypothèse : la possibilité de travailler des surfaces plus importantes avec le même équipement, ce qui réduit encore les coûts à l’hectare.

DAVANTAGE DE SURFACE TRAVAILLÉE

Avec l’équipement pris en compte pour le labour, le non-labour classique ou le non-labour avec un semoir spécialisé, il est possible de travailler en Champagne berrichonne 240 hectares au lieu de 200 hectares ; 7 % de surfaces en plus soit une charge de mécanisation à l’hectare abaissée de 16 %. Dans le cas du semis sur déchaumeur, l’équipement permet de travailler 410 hectares soit une charge de mécanisation ramenée à 175 euros au lieu de 226 euros. D’après ses références et ses essais, A r v a l i s estime que, dans la cas de la Champagne berrichonne, avec des argilo-calcaires profonds sur un tiers de la surface et des argilocalcaires moyens sur le reste, le rendement moyen en blé est comparable quelle que soit la technique d’implantation : 74 quintaux à l’hectare, ce qui n’est pas le cas dans toutes les situations. La différence de charges de mécanisation provient uniquement du coût d’implantation (les coûts de protection et de récolte sont identiques) et elle se retrouve intégralement dans la marge nette. Gagner du temps et économiser sur les charges de mécanisation sans baisse de rendement, le bilan est très favorable en Champagne berrichonne.

Dans d’autres systèmes de culture, les baisses de charges sont moins importantes. Le non-labour permet toujours une meilleure organisation du travail en diminuant le temps de travail à l’automne en période de pointe.

Une autre façon de travailler le sol

Avec ou sans labour, l’objectif du travail du sol est de préparer le lit de semences selon les besoins de la culture à implanter. C’est-à-dire niveler le sol, désherber, enfouir les résidus de la culture précédente, enfouir et mélanger les amendements et engrais de fond.De plus le travail du sol a des effets de restructuration du sol, qui favorise la circulation de l’eau et l’enracinement des plantes. C’est sur tous ces aspects qu’il convient d’apprécier, dans la durée, le non-labour. Matériels et successions de façons culturales sont fort divers.

D’une certaine façon, cette diversité existe pour les labours et les opérations qui suivent. Qu’y a-t-il de commun entre un labour d’automne bien moulé en terres argileuses sur lequel l’hiver va agir et un labour de printemps en limons battants ? Dans chaque région, l’expérience a montré quel versoir de charrue convient.Mais pour le non-labour l’expérience collective manque encore et chacun expérimente avant de trouver la solution qui convient à ses sols, au climat de la région et à ses cultures .

DE LA MATIÈRE ORGANIQUE EN SURFACE

À l’usage, il apparaît qu’une des difficultés fréquente du non-labour répété, quels que soient le matériel et le type de préparation du sol, est la maîtrise des adventices. Le labour a pour conséquence une inversion des couches de terre travaillée. Il enfouit les résidus végétaux présents en surface. Il provoque une fragmentation de la couche superficielle et crée des mottes et des agrégats plus ou moins importants. La succession de plusieurs années sans retournement de la couche travaillée du sol se traduit par un enrichissement de cette couche en matière organique. Ceci est plutôt un point positif dans des sols français qui ont tendance à s’appauvrir. La matière organique améliore la stabilité de la structure.

LE BROYAGE DES RÉSIDUS S’IMPOSE

Le non-labour se traduit aussi par la présence accrue de résidus végétaux en surface. Ceux-ci protègent la surface du sol de l’érosion et servent d’abris et de nourriture à de nombreux organismes vivants.

Parmi ceux-ci les limaces qui peuvent provoquer des dégâts sur semis. Autre parasite à surveiller dans les résidus de maïs, les pyrales et sésamies. Un broyage des résidus est indispensable pour limiter leur survie.

LES VERS DE TERRE À L’OUVRAGE

Dans la couche supérieure du sol, après plusieurs années de non-labour, les vers de terre prolifèrent. Tous le constatent. Les chercheurs l’ont mesuré. Les lombrics sont de deux à sept fois plus nombreux et beaucoup plus divers en non-labour que sous labour. Or ce sont les « ingénieurs de l’écosystème », selon Stéphane de Tourdonnet (AgroParisTech-Inra Paris- Grignon) qui « labourent » à leur manière et modifient la taille et la forme des agrégats du sol. En non-labour, la porosité est modifiée au profit de pores, plus fins mais plus nombreux, ce qui favorise l’infiltration de l’eau. Cette porosité, plus régulière qu’en présence de mottes, favorise aussi l’enracinement et la nutrition des plantes. Certains pensent que le sol non travaillé est plus tassé. Il n’en est rien. La structure est différente avec moins de mottes. Ces caractéristiques s’acquièrent au fil des années mais peuvent être brutalement détruites par un seul labour ! En cas de tassement, par exemple, suite à une récolte en conditions humides, les techniques culturales sans labour ne suffiront pas parfois à décompacter le sol en profondeur et à remettre en état la structure du sol. Là rien ne remplace le labour. Une situation à éviter donc si l’on veut conserver tous les bénéfices du non labour.

Gare au développement d’adventices

Le labour, en enfouissant les graines, participe à la lutte contre les adventices. Le non-labour se pratique surtout pour l’implantation de cultures d’automne, céréales à paille et colza. Ces situations sont favorables au développement de graminées à levée automnale, vulpins, ray-grass, bromes, folles-avoines surtout dans le cas de rotations courtes type colza-blé-orge d’hiver. On assiste aussi au développement de géraniums, de gaillet, voire de certaines vivaces.

LIMITER LE STOCK DE GRAINES

« La » solution contre le développement d’adventices est souvent le recours à un désherbant total comme le glyphosate avant semis. Lors du colloque « impacts environnementaux des TCSL », des pratiquants du semis direct ont dit se préoccuper de ce recours annuel et essayer d’en limiter les doses et l’emploi.

Dans certains cas, devant les infestations suite à des échecs de désherbage, il faut au final recourir au labour ! Dommage car un labour détruit tout le bénéfice de plusieurs années de non-labour. Mieux vaut donc gérer le désherbage en interculture et/ou par des pratiques combinées de travail du sol et d’emploi d’herbicides.

Le glyphosate est efficace sur les adventices levées mais ne joue pas sur le stock de graines. En revanche, le déchaumage détruit les plantes levées et limite les nouvelles levées par un enfouissement des graines. Selon Arvalis, sur une rotation, deux ou trois déchaumages en intercultures limitent le recours aux herbicides en cours de végétation d’où finalement un coût du désherbage (déchaumage + herbicides) moindre que le recours à un herbicide total en interculture. Des mesures agronomiques autres que le faux semis et le déchaumage permettent de gérer le désherbage dans des rotations. On peut citer le choix de variétés de céréales précoces qui permettent de retarder les semis ce qui permet d’attendre avant de détruire les adventices. Le choix de variétés résistantes au chlortoluron élargit le champ des herbicides possibles. Enfin à la floraison, faucher ou broyer les bordures de parcelles est un bon moyen pour limiter la dissémination des graines. Sans labour, c’est sur la rotation et en combinant les moyens que l’on peut maîtriser les adventices.


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