Jeudi 12 août 2010
Benjamin Lemeur

La question des matières exogènes dans la pratique de l’agriculture écologiquement intensive (AEI)

Benjamin Le Meur

Diversifier et positionner nos productions animales dans la zone 0-1 mètre de nos agrosystèmes

La question des matières exogènes d’élevage renvoie à leur nature (fumier, lisier, fientes), donc aux systèmes d’élevage d’où découlent ces matières : hors-sol, béton, paille, plein air. Enfin, ces systèmes d’élevage renvoient aux filières de commercialisation qui ont développés ces systèmes. C’est donc bien plus qu’une question technique en mon sens. La question du terme a employer en parlant des fumiers et lisiers est peut-être centrale : s’agît-il d’effluents d’élevage (point de vue de l’administration), s’agît-il de pollution (point de vue des écologistes), s’agît-il d’amendement (point de vue de mon grand-père) ou encore s’agît-il d’un coût évitable (mon point de vue) ?

Chacun a appris au fur et à mesure de toutes ces années de littérature TCS que la vie stimule la vie, et que tout coût de production est susceptible de cacher un gaspillage et donc une économie potentielle. Je pense qu’il est temps de sortir nos animaux de ces bâtiments qui nous coûtent en temps, en argent et donc en compétitivité, sans oublier l’image négative des bâtiments d’élevage auprès de la société. Les agriculteurs qui par exemple conduisent un troupeau d’oie dans un couvert végétale sont sur la bonne voie, l’idée est là ! Les limaces ne vont pas apprécier !! La vache, le mouton, le cochon, la poule, le poulet, la dinde et le lapin sont des engins qui sélectionnent, coupent, broient, digèrent et épandent la matière végétale puis fécale de manière autonome et gratuitement, un peu comme les vers de terre le font dans la zone 0-1m.

Bien-sûr, lorsque les bâtiments d’élevage sont déjà en place, la question est différente, il faut trouver la solution la « moins pire » pour le sol quand à la gestion des matières exogènes. Cependant, je pense là aux jeunes qui veulent s’installer en céréaliculture ou toutes autres productions, je pense qu’il faut bien réfléchir le projet. Dubitatif au départ comme beaucoup sur les marchés courts, je regarde les choses différemment aujourd’hui : je pense que l’ordre des choses vis-à-vis du sol était d’arrêter de le travailler. La même logique s’applique peut-être à nos animaux d’élevage, leur place est peut-être dans nos champs et nos bois embroussaillés (Sud de la France), et ce d’une manière réfléchie, mesurée, organisée, au service du sol ? Le circuit court permettrait à ce moment là de pleinement valoriser les produits animaux aux consommateurs avoisinants, à un prix défiant le rouleau compresseur des GMS (grandes et moyennes surfaces) et avec en plus une empreinte carbone absolument imbattable. Je pense que les agriculteurs sont les futurs commerçants de produits agroalimentaires locaux, vous savez ces magasins de proximité que l’on ne trouve plus dans les villages !! En ce sens, ils auront, j’en suis certain, un rôle prépondérant dans la revivification socio-économique de nos tristes campagnes.

Je m’écarte quelque peu du sujet. Ce que je cherche à dire, c’est que demain, ce sera à celui qui vendra le moins cher, circuit court ou pas. En ce sens, notre système d’élevage actuel en bâtiment n’est je crois pas compatible avec l’esprit de l’AEI car ce concept implique le management de la vie végétale et animale à l’échelle d’un territoire donné. Il faut voir nos animaux comme des outils et nos voisins comme de potentiels clients. A l’agriculteur d’une fois encore tronquer ses bottes pour son intelligence de manageur, au service de son compte en banque, de sa terre et de son image.