Vie du sol : Quand fertilité rime avec diversité

Catherine Milou - Cultivar ; octobre 2009

Un nouveau mode de réflexion sur la fertilité des sols est en marche, initié par des chercheurs de l’Inra. À partir d’un vaste travail de cartographie de la diversité microbienne des sols réalisé sur l’ensemble du territoire, les chercheurs ont relié la fertilité des sols à la biodiversité qui s’exprime depuis la parcelle jusqu’au paysage. La meilleure compréhension de ces interactions pourra déboucher sur le maintien d’une productivité durable des sols.

Loin d’être un substrat inerte, le sol regorge de vie microbienne dont le rôle est majeur sur le plan de la fertilité des sols, le stockage du carbone, ainsi que la dégradation de certains polluants. Aussi, l’Inra de Dijon a lancé une vaste étude pour mieux connaître l’action des communautés microbiennes dans le fonctionnement des sols et mieux préserver à terme ce véritable patrimoine naturel issu de nos sols et pourvoyeur de productivité agricole. Une première étape a consisté à inventorier la biodiversité des sols français, puis dans un deuxième temps à mieux évaluer l’impact de l’usage des sols (agricole, industriel, urbain) sur celle-ci. « Nous avons pu retirer de ce premier panel descriptif une « carte d’état » des sols, et quantifier l’abondance de micro-organismes et leur diversité, explique Lionel Ranjard, responsable scientifique du projet à l’Inra. Le monde agricole est le premier intéressé de ce type d’informations, car la diversité microbienne participe à la pérennité de son outil de travail. »

La cartographie des communautés microbiennes des sols à l’échelle nationale a révélé des différences selon leur localisation, dont l’Inra à chercher à définir les causes. « Nous avons hiérarchisé les paramètres qui influent sur la diversité et la quantité des micro-organismes dans les sols, précise Lionel Ranjard. Il est apparu que dans toutes les situations, le facteur numéro un est le type de sol (ses caractéristiques physico-chimiques), et le facteur suivant son mode d’usage (forêt, grandes cultures, prairies…). La manière d’utiliser les sols oriente ainsi davantage la biodiversité que leur secteur géographique ! » Les vignes et vergers se révèlent ainsi comme les moins favorables à la croissance microbienne dans les sols, qui croît ensuite progressivement dans les grandes cultures, les prairies, puis les forêts d’essences mélangées.

Une diversité à plusieurs échelles

« Les sols nus, qui sont dépourvus de rhizosphère et par conséquent d’exsudats racinaires, n’apportent aucune source nutritive aux micro-organismes dont la biomasse diminue alors. Sans micro-organismes qui sont responsables de la transformation de matière organique en matière minérale, les sols et les activités humaines associées sont peu durables, explique le chercheur. Nous rencontrons depuis peu des phénomènes de « fatigue des sols », pour lesquels la productivité baisse malgré des apports d’intrants, ce qui nous fait pencher vers une cause biologique. » Les chercheurs notent également que la biodiversité des micro-organismes du sol est intimement reliée à la biodiversité végétale de surface. Et le constat va même au-delà : les études paysagères montrent que des alternances de parcelles et de bocage ou de forêts, ou bien de parcelles de grandes cultures et de prairies, offrent des réservoirs de biodiversité microbiennes qui peuvent réinoculer au besoin une zone dégradée. La présence de communautés microbiennes différentes dans le milieu procure une meilleure stabilité du milieu, qui est ainsi capable de mieux supporter des perturbations. « Cette prise en compte de l’organisation des parcelles au sein d’un paysage agricole est tout à fait nouvelle et augure des pistes d’amélioration des systèmes agricoles pour l’avenir, espère le chercheur. En pratique, cela consiste à augmenter la diversité à toutes les échelles : successions de cultures, couverts végétaux, à la parcelle, haies, bandes enherbées, maillage de cultures, au niveau du paysage… »

Afin d’aller au bout de son étude, l’Inra souhaiterait aussi parvenir à chiffrer le coût du maintien ou du retour de cette biodiversité. L’objectif final est également de déterminer quels aménagements et pratiques culturales sont possibles selon le type de cultures, les contraintes régionales, et évaluer l’impact des nouvelles pratiques. « La diversité microbienne est un indicateur de la qualité des sols, souligne Lionel Ranjard. Son maintien répond à une demande agricole mais c’est aussi un patrimoine naturel qui intéresse l’ensemble de la société. »


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