Vendredi 9 octobre 2009
L. Ar Bezhiner

Impressions d’un agriculteur des Alpes de Haute Provence au Festival du NLSD à Vendôme

L. Ar Bezhiner

Elzéar B. exploite 120 ha en val de Durance, terres maigres d’alluvions de rivière hétérogènes. Un climat aride avec périodes de sécheresse aléatoires et qui peuvent durer. Un œil toujours rivé sur l’orage qui va vous apporter 20, 30, ou…120 mm. Heureusement, l’irrigation par aspersion permet d’assurer. Elzéar s’est rendu à Vendôme dans le Loir et Cher pour assister au Festival annuel du Non Labour (NLSD) le 16 septembre et le lendemain, il prenait part à une journée « terrain » en Sologne sur la ferme familiale de Frédéric Thomas avec 30 agriculteurs invités par Frédéric.

Elzéar B. exploite 120 ha en val de Durance, terres maigres d’alluvions de rivière hétérogènes. Un climat aride avec périodes de sécheresse aléatoires et qui peuvent durer. Un œil toujours rivé sur l’orage qui va vous apporter 20, 30, ou…120 mm. Heureusement, l’irrigation par aspersion permet d’assurer. Elzéar s’est rendu à Vendôme dans le Loir et Cher pour assister au Festival annuel du Non Labour (NLSD) le 16 septembre et le lendemain, il prenait part à une journée « terrain » en Sologne sur la ferme familiale de Frédéric Thomas avec 30 agriculteurs invités par Frédéric.

Voici les impressions principales qu’il en a retirées :

« ... d’abord, ce qui est rassurant, c’est de côtoyer des centaines d’agriculteurs de tous les horizons qui sont là pour les mêmes raisons que vous, qui cherchent à être confortés dans leurs essais plus ou moins avancés de non-labour, semis direct, couverts végétaux, mélanges de couverts, semis sur couverts pour les mieux équipés, etc. …pour moi, en effet, l’ennemi principal des gars qui démarrent dans ces voies là, c’est la solitude, le doute permanent, l’inquiétude … Il est super important de rencontrer d’autres collègues, de discuter, faire des choses ensemble, tester ses idées, parler de ses problèmes ….pour moi qui suis lancé depuis années (abandon du labour depuis 5 ans, mise en place de couverts, semis direct) c’est moins vrai maintenant, mais il y a 3 ou 4 ans, ça m’aurait fait du bien ! Il faut échanger, ne pas travailler seul dans son coin … »

« .. C’est bien pour ça que je viens à Vendôme. Moi, ce qui m’a fait démarrer là-dedans, c’est d’abord mes propres doutes sur nos méthodes traditionnelles sur ces terres pauvres à 1.5% de M.O où l’on s’échinait pour des résultats médiocres malgré labours, irrigations etc... C’est surtout une rencontre avec Claude Bourguignon en 2 000 qui m’a vraiment ouvert les yeux... … Il y a eu aussi la possibilité de faire des essais avec un semoir Huard SD300 à disques de la Chambre que personne ne savait bien utiliser. Nous, on n’arrivait même pas à gérer les masses de paille d’orge (on coupait court, en plus...) pour passer en SD avec ce matériel. Et puis, quand tu ne crois pas à quelque chose, ça ne marche pas … »

« … Aujourd’hui, j’entends l’exposé de Michel Cartier (si je me souviens bien …) qui ne s’embête pas comme nous : la paille est rassemblée en très gros andains et on sème la dérobée entre les andains qui auront pratiquement disparu au semis (direct bien sûr) de printemps. Si on avait su … »

« … Nous, on labourait, on enfouissait. L’enfouissement, valeur sacrée de nos écoles, qui devait préserver le taux de MO. Ici, les gens des SD/SCV rigolent : ils vous disent : Ne rien enfouir, tout laisser en surface… Les vers de terre détestent la nourriture « avariée, moisie » et c’est eux qui font le vrai travail du sol ! Alors on les bichonne, on leur laisse des casse-croûtes de biomasse de plusieurs tonnes (MS) par an, et ils prospèrent… ». Si vous voulez en savoir plus, ils vous renvoient sur les travaux d’Odette Ménard, cette québécoise qui vient régulièrement en France porter la bonne parole de là-bas … ».

« …Je n’ai pas été très impressionné par le matériel exposé. Rien de bien nouveau dans les trains d’outils de « non-labour ». A propos, NL, c’est le nom du festival d’accord ! Mais c’est bien les TCS, non ? Ou alors il faut qu’on m’explique... Les semoirs SD connus, beaux mais toujours chers. Vu quand même des choses intéressantes comme le semoir SD poussé du Cemagref, ou le strip-till de Duro. A suivre cette histoire de strip-till. Ça a l’air très intéressant ! Même des inconditionnels des SCV s’en occupent sérieusement, et pourtant, il y a des dents (un coutre ouvreur par élément semeur), et pas des petites... ça me fait penser qu’il faut se méfier des opinions trop tranchées pour ou contre telle ou telle façon de faire... (…la « gratouille »...) »

« .. Je n’ai pas pu voir la conférence de l’américain (Jay Fuhrer) car la salle était bondée. J’espère qu’on en aura les bons morceaux sur TCS. J’ai été très impressionné par l’exposé de Philippe Pastoureau, agriculteur en Sarthe, associé dans une Cuma dynamique. Il met en place une rotation exceptionnelle avec 5 ou 6 espèces en alternant plante commerciale et couverts. Je ne sais pas bien comment dire, mais ce gars a une vision globale, en perspective, de fait ! Toutes ses actions sont conçues en fonction de ce qu’on a fait avant, des résultats, bons ou moins bons, et de ce qu’on veut obtenir à moyen terme, une vision en quelque sorte… on observe, on réfléchit non-stop, on discute, on essaye ceci et cela, on rebricole les réglages, on tire des leçons de tout, c’est le mouvement perpétuel .. »

… « Et c’est une nouvelle leçon que je retiens : il n’y a pas de recettes, chacun doit trouver sa propre méthode dans un méli-mélo de démarches possibles, en fonction de son exploitation, les conditions climatiques, les sols, les objectifs économiques etc., tout en appuyant ses choix sur des échanges avec d’autres. Echanger, c’est apprendre ! Pendant ces 2 journées, je n’ai pas rencontré de donneurs de leçons, rien que des gens qui racontent leurs expériences, sans cacher les cartons, et qui se posent sans cesse de nouvelles questions… »

… « La leçon suivante : j’ai vraiment saisi l’importance fondamentale des couverts, tout ce catalogue d’espèces qu’on peut utiliser en variant les mélanges, les dosages, … « et tu mets combien de kilos de vesce, d’avoine brésilienne... et le sainfoin, … ah bon ! le mélilot ? le fenugrec ? ... ». On n’a jamais fini de refaire les cocktails selon les buts recherchés. Un exemple : nos collègues plus avancés ont l’objectif de contrôler les adventices par les couverts, et ils progressent bien on dirait ! C’est même le CETIOM qui vient vous parler de s’affranchir du désherbage du colza en y semant des légumineuses gélives … Et je cite à nouveau le Pastoureau de Sarthe qui conclut son exposé sur ce sujet en disant : « … nous sommes actuellement à 1.5 l/ha/an de glypho et notre objectif c’est d’atteindre bientôt 0.5l… », et je sais qu’ils vont le faire. Moi je suis à 3/3.5 l/ha/an et ça ne me plaît pas … »

Sur l’importance de la MO, pas de vraie révélation : chez nous c’est des sols de rivière pauvres, sables, cailloux, limons battants, 1.5 % de MO il y a quelques années. On voit bien que les couverts qu’on met en place depuis 5 ans ont gommé l’hétérogénéité dans les parcelles et que la végétation y est beaucoup plus régulière… ». « … Mais j’ai quand même été bluffé le lendemain chez Frédéric : les sols les plus pourris qu’on puisse imaginer, des lits de sable pur sur argile pure, toute l’année entre gadoue et béton. Et pourtant, là-dessus avec son associé, ils réussissent à faire des sols : à force d’accumuler la biomasse (Vive le maïs !), de ne pas toucher au sol, d’activer la vie organique, ils ont bâti une vie organique active en surface et développe patiemment la communication entre horizons par les vers de terre… …Leurs champs ne sont plus des mouillères impossibles passant au béton en quelques jours de soleil. Je me suis dis que finalement, chez nous, c’était moins pire ! Y’a de l’espoir ! .. »

« … Quand on voit ça, tout ce travail, cette intelligence agricole, on comprend que plus les conditions sont difficiles et plus tu dois phosphorer pour trouver des solutions. C’est vrai au fond ! Pourquoi changer quand tes terres sont très bonnes et que bon an mal an tu assures tes 80 quintaux ? Chez moi , quand tu veux implanter un semis estival de colza ou de couverts, pas de recette ! Rien n’est évident et tu es bien obligé de sortir des sentiers battus .. »

Propos recueillis par L. Le Bezhiner Base SE le 2 octobre 2009