Adaptation au non labour, 3 points-clés à surveiller

Jérôme Labreuche - Perspectives Agricoles - n° 332, mars 2007

Les techniques sans labour présentent de réels atouts, mais nécessitent certaines adaptations pour éviter des échecs. L’implantation des cultures en présence de débris végétaux en surface en est l’exemple le plus connu. Ces écueils doivent s’anticiper dès la récolte du précédent !

O n admet souvent qu’il est possible de maintenir le même niveau de rendement en supprimant le labour. C’est ce qui ressort de nombreux essais ou expériences d’agriculteurs. On peut cependant s’interroger pour savoir jusqu’où pousser la simplification du travail du sol. En effet, les techniques sans labour (TSL) englobent de nombreuses possibilités, allant d’itinéraires avec travail profond au vrai semis direct, en passant par le travail superficiel. Ces différentes pratiques ne sont pas toutes adaptées à chaque situation, selon la culture, son précédent, le type de sol…

Les articles qui suivent et qui relatent l’expérience acquise par les instituts techniques sur les principales grandes cultures s’appuient pour l’essentiel sur des essais de longue durée. Leur ancienneté varie de 3 ans pour les plus courts à plus de 35 ans dans le cas de celui de Boigneville (91). Répéter plusieurs années de suite sur la même parcelle le même mode d’implantation des cultures permet d’intégrer l’évolution de certaines caractéristiques du sol ayant une influence sur les cultures : porosité, nivellement, teneur en matières organiques, activité biologique… Le protocole des essais que nous vous présentons dans la suite de ce dossier compare différents types d’itinéraires : implantation sur labour, travail superficiel avec décompactage, travail superficiel, semis direct. Leur comparaison permet d’évaluer l’impact de la suppression du labour, mais aussi l’intérêt de décompacter ou de déchaumer. Une analyse qui permet de voir jusqu’où il est possible de simplifier.

Des échecs à la levée, souvent dus aux pailles

Incontestablement, la conséquence pratique la plus forte de la suppression du labour est centrée sur le lit de semences et notamment son encombrement par les débris végétaux. C’est la cause la plus fréquente d’échecs en TSL. C’est la conjonction de plusieurs facteurs de risque qui aboutit à ce genre de constat : précédent laissant de grosses quantités de résidus, interculture courte ne permettant pas leur dégradation, semoir peu adapté aux résidus végétaux, semis en conditions sèches et non suivis de pluies. L’implantation de colza sans labour derrière un précédent pailles restituées est un des cas les plus délicats à gérer, comme cela est évoqué dans la suite de ce dossier. Malgré cela, les TSL présentent quelques atouts au niveau du lit de semences, avec une réduction de la sensibilité à la battance dans les sols concernés. En situation beaucoup plus argileuse, et notamment pour des semis d’été et d’automne, l’absence de labour permet d’obtenir des lits de semences moins grossiers, ce qui est un atout de taille pour faire lever les cultures.

Des sols plus humides en surface

En laissant des résidus en surface et en modifiant la porosité du sol, les TSL ralentissent l’évaporation de l’eau. Elles laissent souvent des sols plus humides que sur labour, notamment au niveau du lit de semences. C’est un atout pour des semis d’été ou lors de printemps secs (betteraves, maïs, colza…), à condition bien sûr de ne pas réaliser des préparations de sol inutiles et laissées non rappuyées. En effet, plus on travaille un sol, plus on l’assèche. La réduction de l’évaporation de l’eau et la continuité de la structure sur le profil sont aussi des explications avancées pour expliquer les gains de rendement observés sur des cultures d’été comme le maïs, suite à la suppression du labour dans des situations où la culture a un potentiel limité par de forts stress hydriques.

Les TSL peuvent, par contre, nécessiter de s’adapter à la réduction de l’évaporation de l’eau. Comme cela est évoqué ultérieurement sur blé et orge de printemps, les jours disponibles pour semer sont réduits ou décalés dans le temps. Il convient alors de savoir patienter pour semer en bonnes conditions et parfois d’adapter certaines pratiques pour limiter la prise de risque. C’est le cas pour des semis de céréales d’hiver tard en saison ou des semis très précoces de printemps. Dans cette dernière situation, la présence d’un couvert végétal accentue encore cette tendance.

Le profil cultural, un outil d’observation

indispensable Les articles qui suivent montrent des résultats très contrastés concernant la nécessité de garder un travail profond, que ce soit un décompactage ou un pseudo-labour (charrue Perrein, chisel profond…). De nombreux essais montrent qu’il est possible de s’en passer durablement. D’autres situations nécessitent par contre de garder un travail profond, au moins de manière ponctuelle dans la rotation, en substitution au labour. Cette variabilité de l’intérêt du décompactage souligne la nécessité d’observer ses sols, à l’aide de profi ls culturaux, afi n de raisonner cette opération coûteuse. Certaines successions de cultures induisent fréquemment un niveau de tassement du sol supérieur à la capacité de régénération naturelle de ce dernier. On peut citer l’exemple des essais en maïs sur maïs où le travail profond est très fréquemment valorisé. Paradoxalement, des successions de cultures accompagnées d’un tassement très limité comme colza-blé-orge d’hiver peuvent nécessiter un travail plus profond qu’un simple déchaumage superficiel, dans des sols humides et notamment s’ils sont peu argileux. En effet, la structure de ces sols fragiles a du mal à garder un niveau de porosité élevé en l’absence de travail du sol. Or, c’est un élément capital pour favoriser l’infiltration de l’eau en hiver, lors de gros cumuls d’eau en terres humides. Le colza et l’orge d’hiver peuvent réagir positivement à un travail sur 10-15 cm dans ces terres, comme cela a pu être observé lors d’hivers très humides.


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