Du labour au non-labour : pratiques, innovations et enjeux au Sud et au Nord

Bernard Triomphe, Frédéric Goulet, Fabrice Dreyfus et Stéphane de Tourdonnet - Actes du colloque Techniques de travail de la terre, hier et aujourd’hui, ici et là-bas ; octobre 2006

Dans un colloque sur l’histoire et la pratique du travail du sol, cette communication porte « paradoxalement » sur le non-labour (NL), et plus généralement sur les pratiques que l’on regroupe fréquemment sous le vocable d’« agriculture de conservation  » (AC). Bien que les définitions varient selon les auteurs et ne fassent pas l’unanimité, celle utilisée en particulier par la FAO insiste sur le fait que l’AC est un moyen d’atteindre une agriculture durable et profitable par l’application de trois principes : perturbation minimale du sol, couverture permanente du sol et rotations de culture.

Cette définition de l’AC va donc au-delà des aspects purement techniques illustrés quant à eux par l’utilisation de vocables tels que conservation tillage, lequel fait référence à tout système de travail du sol ou de semis qui permet de couvrir 30 % ou plus de la surface du sol avec des résidus, cela afin de réduire l’érosion. On pourrait de même définir en termes techniques stricts des pratiques telles que le labour minimum (minimum tillage), ou le non-labour (no-tillage), les techniques culturales simplifiées (TCS), ou encore les systèmes de culture sous couverture végétale (SCV), sans pour autant qu’aucune de ces définitions n’inclue l’éclairage « large » proposé par la définition de l’agriculture de conservation.

L’agriculture de conservation, dans ses différentes acceptions, est devenue depuis une dizaine d’années au moins à la fois une innovation avérée et un enjeu majeur dans de nombreuses agricultures du monde entier, du Sud comme du Nord, dans des contextes et conditions variés. Pourquoi donc ces agriculteurs, dont la grande majorité a pratiqué différentes formes de labour depuis des générations, en sont-ils venus à remettre en cause le labour, un des piliers a priori inamovibles de l’agriculture intensive ou « moderne » ? Dans quelles conditions et comment une évolution aussi importante a-t-elle pu avoir lieu ?

Cet article propose des réponses partielles à ces questions, en puisant dans des terrains et expériences multiples : France et Europe, États-Unis, sud-Brésil, Amérique centrale, Zambie, plaines indo-gangétiques, etc. Il n’a bien sûr pas vocation à traiter ce vaste sujet de manière exhaustive. On se contentera d’aborder successivement trois aspects centraux, en faisant référence plus particulièrement aux systèmes de semis direct sous couverture végétale, qui sont une des déclinaisons les plus abouties des systèmes sans labour. Ainsi, commencera-t-on par un bref aperçu sur l’histoire du non-labour, qui permettra de répondre à la question du « pourquoi ». Succédera une analyse des aspects techniques du non-labour, en essayant de donner un sens à la grande diversité des pratiques et des systèmes de culture. Nous passerons ensuite à une analyse des modalités du non-labour, via un regard posé sur les processus d’innovation à des niveaux tant individuels que collectifs. Cette dernière analyse s’appuie largement sur les expériences observées dans les pays développés, États-Unis et France en particulier. En conclusion, nous ferons référence de manière prospective à la place, aux enjeux et aux défis de l’agriculture de conservation au regard des principes de durabilité des systèmes agricoles, au cœur d’un contexte économique, énergétique et environnemental en pleine mutation.


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