Gaec la Croisotte Prêt pour le semis direct

Cécile Waligora - Cultivar n°608 - avril 2007

LE GAEC DE LA CROISOTTE EST PARTI BILLE EN TÊTE DANS LE SEMIS DIRECT IL Y A 20 ANS. Les sols qui étaient auparavant régulièrement retournés, avaient cependant besoin de plus de recul pour pouvoir supporter une telle transition. L’approche était trop mécanique et pas assez agronomique pour que cela fonctionne. Le Gaec a dû corriger ses erreurs, en revenant notamment à du faux semis. Aujourd’hui, après 20 ans de TCS, il se dirige, un peu plus serein, vers le semis direct sous couvert.

Au nord de la Côte-d’Or, en limite de la Haute-Marne, Pascal Tatigny exploite, avec son associé Laurent Staiger, 367 hectares de terres essentiellement argilocalcaires. « Dont les teneurs en argile varient cependant beaucoup, à l’échelle même de la parcelle, jusqu’à des taux de plus de 50 % », précise- t-il. Au tout début des années quatre-vingt, son oncle a déjà abandonné le labour d’automne. « Seul sur les 320 hectares de l’époque, il avait déjà l’idée de diminuer ses charges. Dans nos terres séchantes, nous n’avons guère que ce levier. Nous ne pouvons rien attendre d’une éventuelle augmentation des rendements. Mon oncle, avec lequel j’ai formé un Gaec à mon installation, en 1988, sommes alors partis dans une démarche de réduction des charges de mécanisation », explique-t-il.

L’oncle de Pascal, très ouvert et curieux jusqu’à se déplacer en Allemagne pour voir ce qui se fait outre- Rhin, décide d’acquérir l’une des premières fraises Horsch, un SE de 4 mètres. « Il s’agissait du 11e appareil vendu en France », se souvient Pascal. Le Gaec Tatigny Clemencet (son nom de l’époque) se lance donc, avec cet outil, dans le semis direct (SD). À ce moment-là, la fraise Horsch est bien le seul semoir de SD sur le marché. Le Gaec pratique une rotation classique pour le secteur à savoir colza-blé puis orge d’hiver ou orge de printemps (le labour a été abandonné sur cette dernière en 1986). « Nous faisions parfois un peu de pois de printemps, mais nous l’avons rapidement mis de côté car les rendements étaient catastrophiques », précise le Bourguignon.

Les deux hommes ont surtout une approche mécanique et trop peu agronomique. Ils en font les frais. Très tôt, des problèmes récurrents de salissement des parcelles apparaissent, de brome pour ne pas le citer. « En semant directement avec le SE, nous amenions les graines de brome à 3 cm de la surface ; des conditions idéales pour qu’il se développe en même temps que la culture. Et, à cette époque, nous n’avions guère de solutions herbicides efficaces et bon marché. » Le poste herbicide devient très chargé. Si, dans les années 1983- 1984, sur une culture de blé tendre, il tournait autour de 53 à 60 euros, en 1986, il est de 80 euros, en 1987, de 73 euros, en 1988, de 76 euros et, en 1989, de 88 euros, coût du glyphosate compris (cher à l’époque).

« Puisque nous avions des difficultés avec le désherbage chimique, nous avons décidé de laisser de côté le SD et de revenir au faux-semis. Nous n’avions pas d’autre solution. Nous étions partis trop vite », déclare Pascal. Suivra alors toute une série de campagnes, où Pascal et Gérard vont allier le chimique au mécanique pour arriver à régler le problème. Ils vont, en parallèle, maintenir la culture de l’orge de printemps dans leur rotation ; un moyen agronomique simple pour également arriver à maîtriser ce salissement récurrent.

Bêche, Smaragd et herse

À la fin des années quatre-vingt, le Gaec commence par investir dans une bêche roulante, de marque Heywang. Les deux hommes ne gardent pas ce matériel de déchaumage bien longtemps. Si la bêche réalise de beaux faux-semis, elle manque de robustesse dans les terres à cailloux. Pascal et son oncle décident donc, tout en conservant cet outil sur la ferme, d’acquérir un déchaumeur Smaragd de chez Lemken, qu’ils utilisent alors, le plus souvent, en deux passages croisés et toujours de manière superficielle, pas plus de 3-4 cm de profondeur. « Même si j’avais dû faire marche arrière en revenant à un travail du sol, je ne voulais surtout pas descendre trop bas par souci de préservation de la structure ; tout au moins un maximum  », insiste le plus jeune. Afin de compléter sa « panoplie » de déchaumeurs, Pascal Tatigny qui, entre-temps, a changé de statut (on parle désormais du Gaec de la Croisotte créé avec sa mère en 1993, suite au départ de son oncle), modifie la fraise qu’il avait conservée. En fait, il profite du changement de fraise pour récupérer la poutre de l’ancienne qu’il utilise alors pour réaliser du faux semis. « Transformée ainsi, la fraise faisait aussi du bon travail de déchaumage en scalpant le sol de manière régulière sur un à deux cm. Par contre, c’est un matériel qui nécessitait beaucoup de puissance de traction, avec un débit de chantier pas forcément intéressant. Je ne l’utilisais donc pas partout  ; le reste continuant à être déchaumé au Smaragd. » Finalement, au bout de 3-4 ans, la « fraise déchaumeuse » est vendue.

À la fin des années quatre-vingt-dix, le Gaec achète alors une herse de 12 m qu’il va utiliser après le déchaumeur Lemken. Les agriculteurs sont plutôt satisfaits du travail de la herse qui remonte la paille en surface, la répartit correctement et assure une très bonne levée des adventices. « En plus, elle marque très bien les passages pour l’application de glyphosate avant semis et ne demande pas trop de puissance  », ajoute Pascal. À l’époque, quatre tracteurs, de 90 à 210 ch, sont présents sur la ferme. Convaincu par l’efficacité de la herse, Pascal achète alors, avec un autre exploitant bourguignon, une herse un peu plus lourde de chez Horsch. Nous sommes alors au tout début des années deux mille, période où l’agriculteur embauche Laurent Staiger comme salarié sur le Gaec. Néanmoins, le choix n’est pas si concluant. Avec cette nouvelle herse, la paille est moins bien répartie. L’outil sera plutôt conservé pour détruire les repousses de colza et, dernièrement, pour recouvrir les semis de couverts végétaux réalisés avec un quad équipé d’un distributeur type Delimbe.

De la fraise au CO

En 2005, le Smaragd est toujours présent sur l’exploitation mais l’outil est vieillissant et Pascal et Laurent songent à le changer. Ils optent alors, de nouveau, pour un outil Horsch, le déchaumeur Terrano. Si, d’après eux, ce nouveau matériel mélange moins bien la terre et la paille, il a l’avantage de ne pas être trop gourmand en puissance de traction. À ce sujet, les céréaliers ont également changé leur parc de tracteur puisqu’ils ont acquis un 310 ch en 2005. Ils avaient déjà changé un 49-55 de 230 ch pour un 46-50 (190 ch) et, en 2001, un 43-50 pour un 7710 et un vieux Ford par un 28-50 (90 ch). Avec les outils de déchaumage, ils se doivent en effet de conserver un minimum de traction, d’où la présence constante, sur le Gaec, d’au moins trois tracteurs.

Les changements vont également se produire au niveau du semoir. Lorsque les agriculteurs acquièrent le déchaumeur Terrano, ils en profitent pour se débarrasser, auprès du constructeur, de leur vieux semoir, la fraise, qui ne les satisfait pas en termes de débit de chantier et de consommation, trop élevée, de carburant et de puissance. Ils possèdent déjà, sur l’exploitation, datant de la campagne précédente (2004), un semoir CO d’occasion (toujours Horsch) de 6 m. « Le recouvrement de la graine est peut-être moins efficace qu’avec la fraise. Le CO a besoin d’une préparation de terre plus fine qu’avec la fraise. D’ailleurs, systématiquement, nous prenons soin de correctement broyer et répartir la paille puis de bien déchaumer avant de semer. Le débit de chantier est cependant nettement plus intéressant, sans parler de la consommation de carburant  : 9 à 10 litres/ha avec la fraise et seulement 4 l/ha avec le CO », indique Pascal. à évoluer dans la démarche de simplification et d’abaissement des charges maintenant qu’il a résolu ses soucis de désherbage (ce poste est d’ailleurs toujours relativement coûteux : 60 euros sur un blé en moyenne sur 1998-2006).

Rotation, couverts et semoir de SD

Avec les sécheresses successives, dans les terres à cailloux, les rendements ont baissé. Sur la décennie 1990-1999, l’exploitation réalisait, en blé, un rendement moyen tout à fait correct de 62 q/ha. Entre 2000 et 2005, il a seulement été, en moyenne, de 48 q/ha avec des prix peu alléchants. L’effet variétal explique aussi, d’après Pascal, cette situation. Il a opté pour des blés de qualité (Camp Rémy ou Soissons) au rendement inférieur. « Les charges deviennent donc encore trop élevées », estime-t-il. À côté, l’agriculteur entretient toujours le désir de continuer à améliorer la qualité de ses sols. Préserver la biodiversité du parcellaire est aussi très important à ses yeux. Pascal et Laurent sont donc passés dans une optique de retour au SD. Mais, cette fois-ci, les conditions sont nettement meilleures. Déjà, leurs sols sont beaucoup plus aptes car ils sont plus portants, mieux structurés et plus riches en termes de vie du sol. Les deux hommes ont aussi plus d’expérience et ils savent être épaulés. En outre, ils n’ont plus cette approche essentiellement mécanique. Avec les années et les observations, ils ont acquis un réflexe agronomique, essentiel pour se lancer dans le SD.

Leur rotation a commencé à se diversifier. D’un assolement colza, blé, orge, ils sont passés à un système un peu plus long en introduisant, depuis deux années, du tournesol. « Dommage que la culture soit assez mal rétribuée et qu’il y ait peu d’acheteur car elle est très intéressante au niveau agronomique. Nous la gardons mais peut-être pas tous les ans », explique Pascal. Ils ont bien tenté le pois mais la culture ne supportait pas le coup de chaud de juin. « Il faudrait pourtant que l’on retrouve une autre légumineuse car elles sont fondamentales dans un tel système. Elles nous apportent, à terme, des économies d’azote. La féverole serait intéressante mais il n’y a pas de marché. Il nous reste heureusement le trèfle que nous voulons tenter en semis dans le tournesol ou l’orge de printemps. Le blé sera ensuite semé dans le trèfle. » Pascal et Laurent ont ainsi, bien entendu, une approche « couverts ». Un essai a été mis en place sur la ferme avec la chambre d’agriculture de la Côted’Or où divers couverts ont été testés avant culture de printemps : tournesol, phacélie, moutarde, vesce, avoine et radis. « J’ai beaucoup apprécié la phacélie, qui engendre une excellente structure de sol, mais il nous faut poursuivre ces expériences afin de trouver le ou les couverts qui seront les plus intéressants, économiquement et agronomiquement », déclare Pascal. Le semoir CO est aujourd’hui vendu. Un semoir spécifique de SDSC de la marque Semeato, en 4 mètres, à disques, va prochainement arriver sur l’exploitation bourguignonne.


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