Vendredi 10 juillet 2009
Frédéric Thomas

Après des séjours aux États-Unis et en Australie, Frédéric THOMAS débute son activité de conseil de terrain et, en 1999, il crée la revue TCS. Il s’appuie aussi sur sa ferme, en Sologne, des terres sableuses hydromorphes à faible potentiel, où il met en œuvre l’AC avec réussite. Il est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs du développement de l’AC en France.

OGM, pas si intéressant que ça

A votre avis, quelle est la culture représentée sur la photo ? Un maïs raté envahi de soja ou un soja raté envahi de maïs ? La réponse est qu’il s’agit en réalité d’un champ de soja RR " Round-up Ready " dans lequel les repousses du maïs précédent, lui-même RR, n’ont pas été atteintes par le programme de désherbage. Elles vont demander un rattrapage anti-graminée spécifique. Cette image rapportée de ma dernière visite aux USA l’année dernière, n’est pas exceptionnelle et illustre de manière assez forte mais évidente ce que les farmers américains mais aussi argentins et brésiliens commencent à rencontrer comme difficultés. Au bout d’une dizaine d’années, l’aspect magique des OGM se ternit progressivement et les agriculteurs constatent les limites techniques mais également économiques d’un système présenté comme idéal à l’époque.

Le risque sanitaire sur le quel se focalise le refus français, maintenant soutenu par les allemands et d’autres pays européens, existe certainement mais d’un point de vue global et agricole il est loin d’être le plus important. Les autres risques, plus insidieux, mais déterminants ne sont que trop rarement intégrés dans les débats :

- La maîtrise des semences de toutes les grandes cultures par un nombre très restreint de semenciers leur donnent un immense pouvoir de décision sur qui approvisionner et à quel coût. L’interdiction « contractuelle » pour les agriculteurs de ressemer leurs semences ou l’impossibilité biologique de le faire avec des variétés de type « hybride » ou par l’introduction du gène « Terminator » rend extrêmement problématique la sécurité alimentaire de n’importe quel pays. On retrouve ici la diabolique arme alimentaire avec le « tu acceptes mes conditions sinon je ne te permets pas de cultiver ta nourriture ». En complément, le concept émergeant d’agriculture écologiquement intensive repose sur la multiplication des plantes et des semis, principaux intrants de cette nouvelle voie : accroître davantage la pression économique sur les semences devient donc un non sens agronomique.

- La concentration de la production agricole mondiale sur très peu d’espèces et de génomes, déjà préoccupante, ne ferait que diminuer davantage la biodiversité. A la moindre tare ou problème sanitaire, le risque planétaire est trop important. C’est d’ailleurs le cas actuellement du troupeau laitier qui avec une génétique mondiale qui repose sur moins d’une centaine de géniteurs et de familles, présente déjà des problèmes de consanguinité majeurs.

- Enfin, l’aspect « magique » d’un contrôle unique et permanent avec une nouvelle technologie, aussi performante soit-elle, ne tient jamais dans le temps. Les résistances apparaissent toujours pour apporter la diversité que l’agriculteur a négligé de cultiver. Les repousses de maïs RR dans le soja de cette parcelle ne sont qu’une illustration de ce qui ce passe en matière d’adventices, de maladies et de ravageurs. A titre d’exemple on peut citer le développement d’adventices résistantes au glyphosate aux États-Unis qui demandent un retour aux herbicides racinaire en plus du glyphosate ou encore l’apparition d’un nouvel insecte ravageur du soja et du maïs "Japenese Corn Beattle" qui nécessite l’application d’insecticides en végétation malgré le gène Bt. Avec ces difficultés que découvrent les premiers utilisateurs et la nécessité de revenir à des traitements phytos classiques en complément, les bénéfices environnementaux annoncés ne sont plus au rendez-vous et les avantages économiques alléchants pour les producteurs disparaissent d’autant plus vite que le prix des céréales est bas.

Après les pesticides, les OGM ont peut-être été présentés un peu trop vite comme une solution miracle qui pouvait résoudre tous les problèmes. La réalité agronomique et écologique rattrape cependant toute simplification et montre que seule la diversité (des modes de lutte, de cultures et d’approches) est gage de durabilité. Ceci dit, la position européenne est sans doute extrême et donne l’impression de " jeter le bébé avec l’eau du bain. Les biotechnologies ne se limitent pas à faire produire des molécules biocides ou anti-biocides et certaines pistes telles que le " smart breeding " semblent intéressantes, sans oublier que les biotechnologies sont devenues un outil décisif en médecine par exemple.

Enfin, avec cet exemple, nous pouvons répondre à ceux qui argumentent que notre agriculture est en train de prendre 10 ans de retard en refusant les OGM, qu’elle est peut-être en train de prendre 10 ans d’avance sur les chemins de l’agriculture écologiquement intensive.