Lundi 21 décembre 2020
Michel Lambotte

Électromécanicien à la retraite, Michel LAMBOTTE se voue à comprendre les rouages de la thermodynamique. Il écrit régulièrement sur le climat et son évolution. Fils d’agriculteur, il reste lié à l’agriculture et participe notamment à un jardin collectif où il tente de faire adopter les principes de l’AC.

La régulation biotique

La civilisation moderne est le résultat de trois cents ans de modernisation de la communauté mondiale basée sur les progrès de la science et de la technologie. L’idéologie du modernisme a formé le concept de la biosphère comme seule source de ressources pour l’amélioration de la vie humaine, ce qui a conduit à une destruction sans précédent des écosystèmes naturels et à une diminution rapide de la biodiversité.(Texte extrait de Biotique Regulation)

Dans l’hydrosphère de notre planète (la planète d’eau sur laquelle nous vivons), il y a deux états stables de l’eau : l’état solide la glace à – 80°C, et la vapeur lorsque la planète sera à 400°C si nous continuons à vivre de la sorte. Il semble évident que ces deux états stables sont incompatibles avec le vie. La planète Vénus est à + 400°C et la planète Mars à -70°C et il n’y a aucune présence de vie. Ce qui laisse supposer que la vie ne pourra se perpétrer sur Terre qui si l’homme change radicalement sa manière de vivre.
La vie a besoin de la forme liquide de l’eau à 15°C. Cela nécessite d’abord un apport constant d’énergie venant du soleil ; ensuite, cet état étant instable (sans intervention, la température va fluctuer), il doit être régulé. Donc apport constant d’énergie et régulation de la température sont indispensables. Il en va de même avec votre chaudière si le thermostat est défectueux : soit vous aurez froid parce qu’elle ne démarrera pas, soit elle va produire de la vapeur et peut-être détruire des éléments ; cependant il y a des aquastats de sécurité qui empêcheront cette destruction. La biosphère n’en possède pas, quoique....! Notre planète reçoit par m² environ 1300 wattheure par heure d’énergie venant du soleil. Cette énergie doit être dissipée quelque part ou par quelque chose. En fait, c’est le système vivant qui, en se structurant, dissipe cette énergie qui est venue du soleil dans le spectre ultraviolet et qui retournera dans l’univers sous forme de chaleur dans l’infrarouge.La question est de savoir comment cette énergie se dissipe ?

L’entropie

D’abord définissons ce qu’on entend par dissiper l’énergie. Il s’agit de la transformer dans une forme moins « noble » que celle que la structure a reçu, c’est-à- dire qu’on ne pourra pas revenir en arrière. Les photons de la lumière solaire peuvent créer avec l’aide de l’écosystème, de la photosynthèse et produire les tissus des plantes, mais la décomposition des plantes qui va nourrir les micro-organismes du sol est totalement incapable de refaire des photons. On ne peut passer que d’une énergie noble à une énergie moins noble, ou autre qui a d’autres capacités. On appelle cela aussi l’entropie. On pourrait comparer la biosphère au vol d’un avion. Ce dernier est muni d’ailes qui le portent, de gouvernail de profondeur et de direction qui le dirigent, de moteurs qui le font avancer et de pilotes qui gèrent tout cela. Il y a aussi tout un attirail de circuits électroniques, électriques ou hydrauliques qui aident tout ce beau monde. Tous ces appareillages sont en relation les uns avec les autres, avec les sondes de toutes sortes qui indiquent les paramètres, avec les ailes et les moteurs, le tout constituant un ensemble cohérent qui tient l’air pour emmener les passagers à bon port.La biosphère peut être considérée comme un système semblable où des éléments interagissent les uns par rapport aux autres. Le but étant de dissiper l’énergie solaire tout en régulant la température à15°C ; on comprend facilement que cet état est totalement instable. La régulation est dès lors nécessaire pour amener les habitants de notre planète à bon port c’est à dire continuer à vivre tant que l’énergie solaire est disponible. Ce n’est pas gagné avec le mode de vie actuelle de l’humanité.
En reprenant la métaphore du vol d’un avion, si une perturbation survient, les instruments de bord vont la détecter et corriger le vol. Et bien il en va de même avec la biosphère, une perturbation de celle-ci engendrera une réaction de l’écosystème pour annuler la perturbation. Pour réguler le vol de l’avion, sans nous en rendre compte, nous avons copié la nature. Ce fait a été estompé par cette croyance que les espèces s’adaptent aux fluctuations changeantes de l’environnement et que c’est le mieux adapté qui l’emporte. Si c’était le cas, rien n’existerait pour réguler l’environnement et l’adaptation de l’espèce pourrait même accentuer la perturbation ; c’est ce que l’humanité est réellement en train de faire sans s’en rendre compte. Dans la réalité biologique, il en va tout autrement. Les espèces les mieux adaptées au sein de l’écosystème sont celles qui offrent la meilleur régulation de la biosphère ; les meilleurs dispositifs dans un avion étant ceux qui répondent le mieux aux perturbations. Sans ironie, les virus doivent bien jouer quelque part un rôle dans ce nouveau concept de régulation de la biosphère ! L’ONU se penche sur le problème. https://news.un.org/fr/story/2020/10/1081052?fbclid=IwAR3zXKwxfGA6b8mrPb7AX_DK4f_Z4E5wjvo9iDXxTFsBfITXyT2QshddBeI

Un premier exemple des bisons stimulant la prairie

Impact du pâturage sur la végétationVoici un exemple au Pléistoscène Park en Sibérie (https://pleistocenepark.org/). On observe que le pâturage du troupeau de bisons et d’autres animaux stimule la croissance des plantes. Il suffit de regarder en bas à gauche de l’autre côté de la clôture où il n’y a pas d’animaux, la différence est frappante. Ce qui veut dire que c’est le biotope en relation avec ces animaux qui gère l’environnement. En d’autres mots, comme ils le disent ici : http://www.biotic-regulation.pl.ru/index.html?fbclid=IwAR1vXxgUw44DF3VQz1Aj3lbCOvwsRPYj5JqSJJ4XdURrWcL_z59ahrlgv4o
La régulation biotique naturelle de l’environnement est basée sur des informations génétiques codées dans les génomes d’espèces biologiques naturelles combinées en communautés écologiques.

On peut même considérer que les plantes et les animaux vivent en symbiose dans une collaboration bien plus grande que la compétition pour la survie. Les animaux créent la prairie qui elle-même entre en relation avec le cycle du carbone et de l’eau. En quelque sorte, on retrouve là, le pâturage dynamique d’André Voisin ou l’holistique management d’Allan Savory.

Un deuxième exemple des forêts faiseuses de pluie

Il y a aussi l’exemple des forêts faiseuses de pluie abondamment relaté dans mon précédent article : https://agriculture-de-conservation.com/Les-vaches-n-ont-plus-un-brin-d-herbe-La-pompe-biotique-peut-les-aider.html
Je voudrais y ajouter un élément supplémentaire. Voici trois paysages.

Zone ultra urbanisée
Zone ultra urbanisée
Open field
Open field

Les 2 premières photos montrent une zone urbanisée et une culture dénudée avec un ciel sans pratiquement pas de nuages. Il y a production de chaleur en infrarouge par réflexion du sol et des bâtiments. Dans ces deux cas, la vapeur d’eau, par sa grande capacité d’effet de serre, additionnée des gaz à effets de serre comme le CO2 et le méthane contenus dans l’air, réchauffe l’atmosphère, ce qui augmente la pression de l’air et repousse les nuages au large : il n’y a pas de régulation de température ni d’humidité.
Humidité au dessus de la forêtLa troisième photo montre une forêt équatoriale où la pompe biotique fonctionne. La forêt produit des nuages qui augment la nébulosité et la réflexion de la lumière solaire dans l’espace. La condensation de l’évapotranspiration rafraîchit aussi l’atmosphère. En quelque sorte, c’est en jouant sur le sombre de la forêt et le clair des nuages que la forêt régule la température de l’atmosphère.
Quelques chiffres :
Le pouvoir climatiseur d’un arbre de 12 m de diamètre est l’équivalent d’un total de 10 climatiseurs domestiques .Une hêtraie évapore par an une hauteur de 200 mm d’eau sur toute sa surface, l’Amazonie c’est 1000 mm. Toute cette évaporation crée une dépression quand elle se condense et ramène l’eau des océans sur les continents pour compenser l’eau des rivières.
Un vaste effort international est nécessaire pour étudier l’impact climatique stabilisateur des écosystèmes naturels les moins perturbés qui restent encore. La stabilité climatique à long terme et la durabilité à l’échelle planétaire dépendent de l’existence de vastes zones où les écosystèmes naturels sont autorisés à fonctionner en maintenant les conditions environnementales dans un état propice à la vie. L’approche complexe doit inclure la restauration et la protection des systèmes naturels comme une mesure majeure, car leur dégradation peut entraîner un effondrement climatique, que la combustion de combustibles fossiles se poursuive ou non. Toute solution stratégique considérable exigera d’énormes ressources de l’humanité. De telles solutions doivent donc être cohérentes entre elles, sinon la situation climatique ne fera que s’aggraver (par exemple, l’augmentation de la production de biocarburant peut conduire à une intensification de la déforestation).

Un troisième exemple de la succession par les plantes colonisatrices vers la forêt

Le développement successif des plantes et du sol
Sur ce schéma, on voit bien la succession des plantes réparatrices pour aller vers l’arbre et la forêt naturelle. Ces derniers sont les mieux habilités à dissiper le maximum d’énergie solaire qui est l’impérieuse nécessité de la biosphère. Une fois la forêt installée, il faut maintenir sommairement en vie toute les plantes réparatrices au cas où un accident ferait disparaître la forêt ; c’est le rôle des animaux forestiers qui piétinent le couvert d’herbacées et qui dégradent des arbres. Et dès lors réactivent la réparation. Il y a régulation de l’atmosphère et du climat par le retour à la forêt naturelle.
L’AC a un rôle très important à jouer là dedans dans le sens où elle suggère de couvrir le sol comme le fait la nature. C’est une révolution culturelle dont on ne soupçonne pas encore les conséquences. Lorsque les gens auront compris qu’il ne faut plus laisser le sol nu mais qu’il faut le couvrir toute l’année de plantes vertes, l’humanité aura fait un grand pas en avant. D’autant que nous allons peut-être subir des sécheresses de plus en plus graves.

La pompe biotique, versus couvert Biomax
La pompe biotique, versus couvert Biomax