Dimanche 3 novembre 2019
Philippe Pastoureau

Éleveur dans la Sarthe et ACiste reconnu, Philippe PASTOUREAU multiplie les essais, toujours à la recherche d’amélioration. Rédacteur de longue date sur A2C, il relate ses expériences : un véritable appui technique et un vrai régal à lire !

2019, l’année du, des changements...

Point météo

L’année est terminée pour ma récolte 2019, je peux donc désormais faire le bilan de ce qui a marché, et ce qui est moins bien.
Il y a du très bon, et du minable que j’ai bien provoqué, mea-culpa.

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  • En terme de température, nous n’avons pas eu d’hiver avec un seul petit -3°C. On pouvait donc s’attendre au pire côté insectes et ravageurs, nous fûmes servis. Sur le graphique des jours sans dégel et des nuits tropicales, on voit très bien que depuis 2010 les nuits d’été sont de plus en plus chaudes.
    Deviendra t’il quotidien de pouvoir moissonner dès 10 h 30 le matin, et poursuivre jusqu’à peut plus (je parle pour ma région) ???
  • Les températures du printemps sont dans la moyenne, mais avec un déficit de pluviométrie sur janvier-février qui a limité les enracinements par endroits. Puis un mois de mars pluvieux qui a rendu les 1er apports azotés impossibles pour certains, la sanction fut irréversible avec une sécheresse historiquement précoce (avril-mai-juin) puis un 1er gros coup de chaud au 20 juin avec des températures qui désormais flirtent avec les 40°C.
    Ce coup de chaud précoce sera dramatique pour toutes les cultures en mauvais état végétatif, et l’irrigation peinera à combler ce gros stress.
  • Changement climatique oblige, ce sont plus les extrêmes qui nous font mal, coups de chaud soudains ou précipitations records en un laps de temps réduit, autant dire que le sol fut mis à rude épreuve, et je crains que nous allions devoir nous adapter très vite car nous n’en sommes qu’aux premières conséquences visibles.
    Aujourd’hui plus qu’hier, les agriculteurs qui sauront faire évoluer leurs systèmes globaux d’exploitation trouveront des solutions, les autres subiront un peu plus fort le climat.
  • 400 mm de janvier à mi-octobre, record absolu de sécheresse. On attendait pour ne pas semer les blés 2020 trop tôt ( risque ravageurs, temps trop doux), puis il a plu, un peu, beaucoup... 150 mm en 3 semaines, et on ne connaît pas la suite, mais cela je vous en parlerai plus tard...

Méteil, le retour.

Semis du méteil le 09-10-2018

  • Exit les mélanges de luzernes fourragères !!! Mon objectif reste bien entendu de produire un fourrage le plus équilibré possible afin de limiter les achats extérieurs.
    La luzerne est un très bon fourrage, mais elle est exigeante en main d’œuvre, irrigation et fertilisation car elle valorise mal les effluents d’élevage.
    Le trafic causé par les multiples récoltes amenuise son effet structurant et son introduction dans la ration doit rester limité. Voilà en partie pourquoi j’ai décidé de remplacer celle-ci par du méteil que je vais faire en dérobée devant mes maïs. (cf la vidéo de Konrad en fin d’article pour les raisons économiques de ce changement).
  • Octobre 2018, je sème un mélange de 3 kg de trèfle de Micheli, 3 kg de trèfle Squarosum, 20 Kg de seigle forestier et 90 Kg de féverole d’hiver.
    Sur la photo ci-dessus, on aperçoit les reste d’un sur-semis de millet/moha dans un chaume de blé sur laquelle il restait de la luzerne associée au colza précédent. Ce sur-semis d’été n’a pas marché non par manque d’eau, mais par manque de fertilité. En 2018, l’apport de lisier bovin a été fait avant le semis du méteil, nous verrons plus tard qu’en 2019 il sera fait avant le semis du couvert d’été et là cela change tout.

Photo du 12-11-2018Photo du 03-02-2019

  • La culture du méteil n’a pas besoin de désherbage, pour 2020 j’ai rajouté à ce mélange 12 kg de pois fourrager et 7 kg de vesce commune tout en diminuant légèrement la féverole. Ceci afin de gagner un peu en MS à la récolte, un peu de tonnage et surtout limiter les risques de gel ou maladie avec mon mélange qui n’était pas assez varié.
    Côté fertilisation, 250 kg de sulfate d’ammoniac on été apportés vers le 20 février plus un apport d’oligo vers le 10 mars.
  • Je vous recommande de visionner ce superbe témoignage de 2 pionniers qui m’ont beaucoup inspiré, la partie méteil commence à 4mn 33. On est loin des conférenciers en costard-cravatte, mais on en prend pleins la tête...
    "Autonomie en protéines, méteils et production laitière - David & Patrick BRACHET"
    filmé par ver de terre production, merci à eux.
  • Comme l’explique David Brachet, le méteil explose littéralement en printemps et il est très simple de suivre sa croissance en mettant dans le champs un piquet de clôture. On passe de 35 cm au 20 Mars à plus de 1 m au 12 Avril, le seigle est au stade gonflement, quelques barbes commencent à sortir le jour de la fauche.

Photo du 20-03-2019 Photo du 27-03-2019 Photo du 04-04-2019 Photo du 12-04-2019

  • Pour la récolte, j’ai fauché à plat avec une faucheuse frontale afin de ne pas rouler sur le fourrage, j’andaine ensuite avec un andaineur à tapis pour préserver le fourrage. La récolte s’est faite à l’autochargeuse mais cela se fera peut être à l’ensileuse l’année prochaine pour avoir une longueur de coupe plus fine.
    Coté rendement, les objectifs sont atteints puisque je sors 6 tonnes de MS avec une très bonne valeur alimentaire, 0.85 UFL pour 195 gr de MAT mais seulement 26.5 % de MS ( cela se marie très bien avec du maïs épis en face).

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Analyse méteils 2019 :
Analyse méteils 2019

ITK méteils 2019 : J’arrive à 65 €/tonne de MS, c’est bien mais on peut faire un peu mieux en poussant le rdt à 8 t. (cf vidéo de Konrad)

ITK méteils 2019

Chantier de récolte chez Cédric & Flavie.

- Chantier fauche

- Chantier andainage

- Chantier récolte autochargeuse

J’ai été un peu long sur cette culture mais comme c’est une nouveauté dans ma rotation, j’ai trouvé bon de vous mettre le maximum d’information. Le choix de cette culture vient pour trouver des alternatives aux pesticides mais aussi produire du fourrage de printemps avant les périodes de sécheresse.
C’est de plus un excellent précédent au maïs à condition de le récolter tôt, très tôt en bridant le rendement (obj. 6-8 t) mais en conservant de superbes valeurs alimentaires.
Vous l’aurez deviné, presque tous mes couverts d’automne vont se convertir en méteil qui seront destinés soit au laitières, soit au sol...En fonction des volumes récoltés en méteils dès le moi de mai, je pourrais plus rapidement définir mes besoins en maïs ensilage ou épis, et commencer la commercialisation du maïs grain sans devoir attendre d’hypothétique récolte d’automne de couverts opportunistes.
Ceci est l’étape en cours, suivra probablement le maïs Milpa qui demande encore à être adapté à notre contexte, mais la piste est intéressante...
¨Vidéo de maïs + lab lab filmé par les Agron’Hommes

Dans mon prochain article, je vous parlerai des autres récoltes, mais aussi d’une étape supplémentaire que nous allons essayer de franchir avec mes voisins, l’approche "Brachet" m’a un peu percuté je dois l’avouer...
@ très bientôt.

PS : Pour les éleveurs laitiers, je ne peux que vous recommander le site LVH de mon ami Anton Sidler qui fait un travail remarquable sur l’évolution de l’élevage laitier.
Accrochez vous bien, la vidéo qui suit fait 5 heures, certes c’est long, mais c’est gratuit et vous pouvez la regarder de chez vous, tranquille assis bien au chaud alors que la pluie vous bloque à la maison. 5 heures qui ne seront pas du temps perdu et qui expliquent les changements en cours sur nos fermes.

Autonomie en Protéines Elevage Bovin - Konrad SCHREIBER