Du non labour ... à des interventions plus précises et ciblées

Frédric Thomas - TCS n°51 - mars / avril 2009

Si le fondement des TCS et du semis direct est la suppression du labour afin d’éviter les impacts négatifs sur le sol mais aussi et surtout pour limiter les dépenses en mécanisation, en énergie et en main-d’oeuvre, la mise en oeuvre de ces techniques est cependant beaucoup plus complexe. En fait, une grande partie de la difficulté réside dans l’état des sols au départ. Ils sont souvent « à plat » au niveau organique et biologique avec une faible capacité d’autostructuration et une autofertilité réduite. Ainsi, supprimer tout ou partie du travail du sol de manière arbitraire et brutale peut se révéler, dans certains cas, risqué. C’est en partie pour cette raison, grâce aux multiples expériences, aux échecs mais aussi aux réussites, que les pionniers ont progressé ; les approches techniques se sont précisées et les outils ont évolué pour des interventions de plus en plus ciblées et précises en fonction des cultures et des conditions pédoclimatiques rencontrées.

Supprimer tout ou partie du travail du sol, pour retrouver systématiquement des sols biologiquement actifs et des cultures performantes, serait un peu trop facile. C’est bien pour cette raison que les différentes simplifications arbitraires sans aménagement des pratiques ont souvent débouché sur des résultats moyens voire des contre-performances.

Si certains, au vu de ces difficultés, ont choisi de faire marche arrière et de revenir au labour, d’autres, animés par la certitude d’être dans la bonne direction, en capitalisant sur des réussites partielles, ont patiemment adapté les pratiques, les conduites des cultures mais également modifié et fait évoluer les outils. C’est d’abord sur les plateaux calcaires, des sols superficiels difficiles à travailler, que la simplification du travail du sol a commencé à se développer dans les années quatre-vingt. Si la capacité d’autostructuration de ces sols était un élément très favorable, le non-retournement associé à une rotation trop exiguë a vite conduit à des soucis de salissement assez inextricables associés à des soucis de gestion des pailles. Rapidement, il a donc fallu abandonner la version simpliste récolte/glyphosate/ semis direct et réintégrer du déchaumage et surtout des faux-semis.

Retour à des faux-semis de qualité

Ainsi, la recherche de faux-semis efficaces sans trop réinvestir dans du travail du sol conséquent a conduit les TCSistes à chercher des interventions très superficielles. En réponse à ce cahier des charges précis, les premières herses étrilles lourdes ont été importées d’Amérique du Nord avec des résultats plutôt satisfaisants tant en faux-semis qu’en gestion des pailles en sols superficiels. D’autres, recherchant une action un peu plus agressive, ont conçu des outils équipés de dents de vibro et vibroflex ou des systèmes avec des disques indépendants qui ont ouvert la voie à tous les outils que nous pouvons rencontrer aujourd’hui. Enfin, un dernier groupe a gardé des outils à socs plats et facilement interchangeables afin de détruire mécaniquement les repousses et le salissement naissant, observant que même si tous ces nouveaux outils amélioraient très nettement la qualité du déchaumage et la préservation de l’eau en été, ils demandaient toujours un passage systématique d’herbicide non sélectif avant le semis. Toujours pour améliorer les résultats, un constructeur canadien, Morris, propose même aujourd’hui une barre octogonale rotative à fixer à l’arrière des outils pour finir l’arrachement de la végétation vivante et un constructeur français vient de proposer un scalpeur au nom évocateur de « Glypho-Mulch ».

Cette évolution vers un déchaumage superficiel de qualité a permis de maîtriser en partie les soucis de salissement et d’améliorer nettement la qualité des implantations. Cependant dans des sols plus limoneux, à la structure plus fragile, la multiplication des interventions de surface a exigé de modifier légèrement l’approche afin de faire varier les profondeurs d’intervention pour aboutir à ce que nous appelons des profils de type « tôle ondulée  » où alternent des zones où la portance est conservée et des zones où les racines, mais également l’eau, peuvent descendre sans obstacle.

Enfin et plus récemment, d’autres constructeurs ont remis au goût du jour le principe des bêches roulantes qui réalisent un intéressant travail de faux-semis sans pour autant déboucher sur un plancher de travail plat.

Des déchaumeurs devenus semoirs

Avec l’évolution des pratiques, la systématisation des couverts végétaux et l’adaptation récente des rotations qui suppriment la pertinence du déchaumage, les fonctions de ces outils évoluent progressivement vers le mulchage des couverts et les reprises de printemps. De plus, et au vu de la qualité du positionnement des graines de repousses et d’adventices, la majorité de ces nouveaux déchaumeurs se sont progressivement transformés en semoirs performants pour les couverts végétaux mais aussi pour les céréales et de nombreuses autres cultures. Si beaucoup de constructeurs ont réagi, en installant des trémies et même des descentes pour optimiser le résultat, beaucoup d’agriculteurs pratiquent aujourd’hui avec succès l’épandage des semences devant l’outil avec une trémie ou tout bonnement avec un épandeur d’engrais. En plus d’offrir des coûts et débits de chantier impressionnants, cette pratique apporte beaucoup de polyvalence et de la flexibilité dans les choix et stratégies. Il s’agit là, certainement, d’une porte d’entrée facilement accessible et sans trop d’investissement spécifique vers la simplification du travail du sol.

Des ameublisseurs au Strip-till

Bien que l’objectif soit de supprimer le travail du sol, et entre autres le travail profond lent et coûteux, beaucoup de TCSistes, confrontés à des soucis de compaction à cause des cicatrices laissées par les itinéraires précédents mais aussi dus à la faible capacité d’autostructuration de certains sols, ont dû conserver ou revenir à l’ameublissement.

La recherche d’une réparation des zones compactées sans perturbation de la surface a orienté le développement des outils exerçant une pression du bas vers le haut avec des socs obliques ou à plats avec des interventions lentes sur des sols en reprise d’humidité. Cette approche beaucoup moins agressive vise, en obligeant le sol à commettre au passage de l’outil une vague, à ouvrir la zone compacte en la transformant en « pavés autobloquants  » sans création de terre fine tout en conservant la portance.

Ce travail entrepris sur les ameublisseurs a, en parallèle, ouvert la voie au « Strip-till », technique nord-américaine qui consiste à localiser le travail mais aussi une partie de la fertilisation sur la future ligne de semis tout en formant une microbutte afin de faciliter le semis par la suite. Grâce au recours de quelques constructeurs mais aussi de nombreux TCSistes bricoleurs, les outils et la technique se précisent. Malgré de nouvelles exigences et dans nos conditions, le Strip-till permet d’apporter beaucoup de sécurité dans de nombreux itinéraires d’implantation pour le maïs, le tournesol mais également la betterave. En retour, beaucoup observent un meilleur rendement des céréales suivantes grâce à l’amélioration du sol apportée par l’association du travail mécanique et des racines de la culture précédente. Les résultats favorables ont progressivement amené les pionniers à transférer cette technique avec succès sur colza amenant certains Anglais à, tout simplement, transformer l’ameublisseur en semoir (Till-seed). D’autres plus orientés semis direct et couverts ont repris l’idée en mettant au point le « Strip-till végétal » : un couvert agressif couvre l’interrang et la ligne de semis est préparée avec des plantes telles que la féverole qui va localiser gratuitement une fertilisation starter. Le Strip-till est ainsi devenu une autre porte d’entrée intéressante vers la simplification du travail du sol en sécurisant l’implantation de cultures sans vraiment avoir à modifier ni changer le semoir.

Semoirs : le dilemme entre disques et dents

C’est certainement dans les semoirs que la situation a le plus progressé en 10 ans avec une offre pour les implantations TCS qui est aujourd’hui très large et très diversifiée notamment avec l’évolution des déchaumeurs. En matière de semis direct, nous avons connu beaucoup d’évolutions avec l’arrivée des outils américains et surtout sud-américains.

Quels que soient les semoirs, la gestion des résidus (chasse-résidus, disques ouvreurs…), l’ouverture du sillon (doubles disques décalés et de diamètres différents pour mieux trancher…), la régularité et la précision de la profondeur (roue de jauge latérale, boggies…), le positionnement des graines (languette antirebond, roue de rappui ou disque de fermeture…), et la fermeture de la ligne de semis (roue biseautée, roulette crantée, chaînette de recouvrement…) ont énormément progressé. Bien qu’il reste des semoirs de type « monograine  » et d’autres « en ligne », la maîtrise de la mise en terre est telle que de nombreux TCSistes, et surtout les éleveurs, n’hésitent plus à implanter toutes leurs cultures y compris le maïs et le tournesol, soit en bandes, soit en réparti.

Des constructeurs vont même jusqu’à proposer des kits de distribution permettant de passer facilement du monograine au semis en ligne sans modifier la ligne de mise en terre. Outre mieux valoriser un investissement spécifique, cette approche débouche également sur des avantages agronomiques voire de meilleurs résultats techniques.

La multiplication des trémies, afin de permettre le semis de plusieurs cultures et/ou produits simultanément, mais aussi l’arrivée progressive de solutions pour localiser une fertilisation starter au semis, est également un autre point important surtout avec le développement des couverts et du semis sous couverts dans les années à venir.

Enfin, le retour sur le devant de la scène d’outils de semis direct à dents (notamment des outils canadiens), vient répondre aux difficultés souvent rencontrées pour réussir, avec des disques, les implantations dans un important matelas de paille en été. Étant beaucoup plus simples de conception et moins gourmands en traction, ils vont aussi dans le sens d’une réduction maximale des coûts. S’ils sont très performants pour les implantations de colza voire de couverts, même si on peut leur reprocher une plus forte perturbation du sol, ils seront en revanche beaucoup moins à l’aise dans d’imposants couverts végétaux. Entre disques ou dents, il va donc falloir trancher à moins de s’associer ou de partager des outils différents entre TCSistes afin d’élargir les choix techniques et de gagner en flexibilité.

Aujourd’hui, et même si le semis direct est l’objectif de la majorité de TCSistes, les options, les approches et les outils se sont énormément diversifiés afin de répondre à la grande variabilité des situations et des choix techniques. Globalement, il est difficile de considérer qu’il existe de mauvais outils et de mauvaises orientations mais la difficulté réside plus dans l’évaluation de la situation propre à chaque exploitation à un moment donné afin de trouver les compromis techniques et les outils le plus en adéquation. Enfin, il ne faut jamais oublier que les équipements ne sont pas la clé de la réussite mais des outils au service d’une orientation agronomique. En d’autres termes et pour extrémiser  : si en semis direct, le semoir est l’outil phare, la réussite dépend avant tout de la qualité et de l’autofertilité du sol mais aussi de la cohérence du système cultures/couverts/ rotations mis en place.


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