Jeudi 13 septembre 2018
Mathieu Marguerie

Petit-fils d’agriculteur dans la Vienne et agronome de formation, Mathieu MARGUERIE se passionne pour les techniques agroécologiques de productions végétales. Il travaille dans une structure de développement de l’agriculture biologique en Provence et a participé au lancement du site Graines de Mane en 2016.

Frédéric Thomas : « Pour la première fois dans l’humanité, on peut produire de manière conséquente en régénérant les sols »

Article à consulter en intégralité sur https://www.grainesdemane.fr/

L’agriculture de conservation est en plein essor en France. Elle vise à augmenter la fertilité des sols en couvrant la terre le plus possible et en abandonnant le labour. Frédéric Thomas, agriculteur spécialiste des techniques sans labour et fondateur de la revue TCS, analyse les débats qui agitent cette agriculture.

En quoi l’agriculture de conservation est-elle, comme vous l’affirmez, une « troisième voie » entre bio et conventionnel ?
Portrait Frédéric ThomasAu départ, l’agriculture bio part du principe que c’est la chimie de synthèse qui est l’élément le plus dangereux pour les écosystèmes et les agriculteurs. En agriculture de conservation, on considère que le travail du sol est une agression encore plus importante. L’agriculture de conservation a comme priorité la préservation des sols pour leur bon fonctionnement. Un sol n’a pas besoin d’être travaillé ou labouré pour supporter des plantes, comme le démontrent les forêts et les prairies. L’agriculture de conservation promeut l’utilisation de racines et de l’activité biologique pour organiser, structurer et recycler la fertilité des sols, et non pas celle de la charrue. Agriculture biologique et agriculture de conservation ne sont pas deux chemins opposés, mais parallèles. Dans les deux cas, l’agriculteur fait face aux mêmes difficultés que sont la gestion des mauvaises herbes et la fertilité des sols. Les moyens de gérer ces difficultés vont par contre être différents. Contrairement au bio, l’agriculture de conservation n’interdit ni la chimie pour contrôler les mauvaises herbes ou les ravageurs des cultures, ni les engrais de synthèse pour la fertilisation. On essaye par contre d’éliminer autant que possible le travail du sol, ce qui n’est pas nécessairement le cas en bio. Chacune des deux agricultures, avec sa sensibilité, essaie de contribuer à bâtir des systèmes agricoles durables.

Que répondez-vous à ceux qui critiquent la dépendance aux produits phytosanitaires de l’agriculture de conservation, en particulier au glyphosate ?

Premièrement, il faut être clair avec le grand public : il n’y a pas d’agriculture sans impact. Tout réside dans les choix d’impact. A nous, agriculteurs et encadrants de l’agriculture, de construire des systèmes permettant d’avoir un minimum d’impact global. Il ne faut pas regarder les systèmes agronomiques par le petit bout de la lorgnette, et en critiquer certains sous prétexte qu’ils utilisent un peu de produits phytosanitaires ou de travail du sol. Il faut au contraire les appréhender dans leur globalité, au risque, sinon, de stopper toute dynamique de progression des pratiques. Un système dans lequel il y a un maximum de couverts végétaux et un minimum de travail du sol avec une utilisation raisonnée de produits phytosanitaires apporte de nombreux services environnementaux.
Au final, le débat entre bio et agriculture de conservation est un choix de risques entre impact mécanique, par le labour, et impact chimique. Il faut tout de même savoir que le travail mécanique est très agressif pour l’écosystème qu’est le sol. J’ai fait un jour une démonstration un peu ardue à des agriculteurs en découpant des vers de terre à la bêche. Ils étaient choqués, mais c’est pourtant l’effet d’une charrue et d’un bon nombre de matériels mécaniques de travail du sol ! L’agriculture de conservation a réussi à ce que, pour la première fois dans l’humanité, on produise de manière conséquente tout en préservant et en régénérant les sols. Alors, oui malheureusement, on y arrive en utilisant, pour le moment, des produits phytosanitaires de manière raisonnée. Mais j’invite chacun à regarder l’ensemble des bénéfices du système à longs termes pour ne pas casser la progression d’une forme d’agriculture qui maintient la fertilité de nos sols, comme peu d’autres formes d’agricultures sont capables de le faire.

Pour lire l’intégralité de l’article : https://www.grainesdemane.fr/2018/04/08/frederic-thomas-pour-la-premiere-fois-dans-lhumanite-on-peut-produire-de-maniere-consequente-en-regenerant-les-sols/