Lundi 3 octobre 2016
Shane Bailey

Bertrand Patenôtre : valoriser les couverts végétaux grâce à l’élevage ovin

Guillaume Tant

JPEG - 168.5 koBertrand est céréalier dans l’Aube sur 175 ha. Il pratique le semis direct avec couverts végétaux depuis près de 20 ans. Pour valoriser la biomasse produite avec les couverts l’agriculteur décide de se lancer dans l’élevage ovin. Il achète 500 brebis romanes et construit une bergerie pour les accueillir. Le système est très intensif 3 agnelages en 2 ans, tous les agneaux sont engraissés en bâtiments. Les mères sortent juste en automne pour consommer les couverts. L’élevage est chronophage. En 2014, après le départ de son ouvrier, Bertrand décide de simplifier son système de production ovine.

Pour limiter le temps de travail, lié au bâtiment et au 3 en 2 Bertrand passe à un agnelage par an. Il implante par la même occasion 15,3 ha de prairie. La prairie permet d’accueillir la troupe durant les ¾ de l’année, les brebis paissent les couverts végétaux le reste du temps. L’ilot est découpé en 24 parcelles de 60 ares. Un couloir central permet de conduire les animaux d’une parcelle à l’autre. Les animaux sont déplacés tous les 3 jours de janvier à août. L’agnelage à lieu en août juste avant l’exploitation des couverts. La troupe évolue donc à contre sens d’un système ovin classique, le pic de production à lieu à l’automne. Les 100ha de couverts produisent 2 à 10 tonnes de matière sèche à l’hectare, ils couvrent l’intégralité des besoins de la troupe en automne.

JPEG - 113.6 koLes parcelles de prairie ne sont jamais débrayées, l’agriculteur ne souhaite pas réaliser de frais sur le troupeau. L’herbe est souvent pâturée bien trop tard, au stade épiaison. L’éleveur n’est pas inquiet à la vue de ses parcelles, en effet, les animaux sont en période d’entretien, les besoins sont donc faibles. Le gaspillage fait partie du système : « le gaspillage va au sol ». Effectivement, les parcelles en prairies font partie d’une rotation céréalière. Tous les 4 ans, le système complet est déplacé vers un autre ilot. La matière organique gaspillée va enrichir le sol. La fertilité sera retrouvée dans les cultures suivantes (blé, orge, betterave…). La saillie se tient sur les flores riches de printemps en avril, elle n’est pas pénalisée par le stade des plantes au pâturage. (Vue d’ensemble du parcellaire)

JPEG - 128.4 koBertrand utilise des clôtures fixes sur l’extérieur de l’ilot et sur le couloir central, les divisions parcellaires sont réalisées à l’aide de clôtures mobiles pour faciliter le démontage du système. Les divisions KiwiTech 3 fils sont alimentés par un poste de 15 joules. L’extérieur de l’ilot, composé de 4 fils galvanisés, est électrifié en permanence, en revanche les divisons sont électrifiées selon les besoins. Pour faciliter l’électrification Bertrand a fabriqué un crochet à l’aide de deux plaques d’inox soudées et reliées par un câble. Il suffit de poser la pièce sur le fil à électrifier pour alimenter la portion choisie. L’investissement dans les clôtures fixes est faible, Bertrand estime le montant à 0,41€ par mètre linéaire. Les clôtures mobiles sont plus onéreuses, mais la mobilité du système oblige l’investissement. Pour limiter la charge, Bertrand pense à l’avenir utiliser des poulies pour n’avoir qu’une bobine de fil synthétique par division et ainsi diviser l’achat de bobines par 3. (Connecteur « maison »)

La conduite en rotation permet d’allonger la période de pâturage en été. L’éleveur ne craint pas la sècheresse estivale contrairement à ses voisins : « j’ai tenu un mois et demi de plus que les voisins ». Les espèces telles que la chicorée l’aide à combler le manque d’herbe estivale. Contrairement à ce que l’on peut penser, le changement de parcelle deux fois par semaine n’est pas chronophage. Les clôtures sont déjà en place, il suffit d’ouvrir la porte. Le changement prend 20 secondes ! « J’ai plus de temps pour aller dans la parcelle que pour changer les animaux ». (Vidéo changement de parcelles Shane ?)

Les romanes sont prolifiques (2,6), mais l’agriculteur manque de données depuis l’installation du système tout herbe. Son troupeau à subit de nombreux problèmes sanitaires ces deux dernières années. Le piétin a notamment pénalisé les mères en limitant leurs déplacements. Pour lutter contre ce fléau, l’agriculteur vaccine, pare ses brebis 3 fois par an et pratique des pédiluves réguliers. L’année 2016 sera la première année de référence pour l’éleveur.

JPEG - 206.7 koL’agnelage à lieu juste avant l’utilisation des couverts. Les brebis agnellent en extérieur. Elles sont conduites sur les couverts 10 jours plus tard, lorsque les agneaux sont bien vifs. L’éleveur ne souhaite pas perdre d’agneaux dans des couverts de plus d’un mètre de haut. Les agneaux sont sevrés à 90j puis le troupeau est conduit en deux lots à l’image des systèmes d’engraissement. Les agneaux mangent la nourriture de qualité sur une parcelle dessinée pour accueillir les deux lots, suivis par les mères, quelques jours après, qui nettoient la parcelle. Cette méthode permet de maximiser les performances des agneaux tout en consommant le couvert végétal présent dans son intégralité. (Pâturage des couverts végétaux)

Les praires permettent d’introduire une culture pérenne dans la rotation. Les retours de biomasse au sol sont importants ce qui a un impact positif sur l’ensemble de la rotation. Le mélange implanté est varié afin de produire toute l’année. Les espèces principales sont ray-grass, fétuque, trèfle blanc, violet, sainfoin, lotier et chicorée. La chicorée permet une production estivale importante, néanmoins, le cycle d’exploitation lent entraine souvent une consommation à l’état de tige. La tige n’est pas mangée par les brebis, ce qui nuit à l’esthétique des parcelles, cependant, la chicorée forme de nouvelles feuilles à chaque nœud. Il est possible que des génisses soient ajoutées au système afin de nettoyer les parcelles après le passage des brebis. L’élimination de la matière morte stimulera les pousses suivantes. Les vaches permettront d’une part d’améliorer les performances ovines en jouant sur la qualité prairial, et d’autre part d’augmenter la quantité de viande/hectare produite.

Les couverts sont l’alimentation principale des brebis durant les périodes de besoins importants (agnelage et lactation). La flore des couverts est variée, la qualité est au rendez-vous. Le mélange biomax composé d’avoine brésilienne, fèverole, radis, navette, tournesol, pois fourrager, vesce, phacélie est vert tout l’hiver. Cependant, Bertrand craint un gel précoce, celui-ci anéantirait toute la production. Dans le cas d’un hiver rigoureux, l’agriculteur n’envisage pour le moment qu’une seule solution : le nourrissage en bâtiment. Une alimentation en extérieur sur des parcelles portantes peut également être envisager. Elle permettrait de réduire les coûts de productions, de bénéficier d’avantage agronomiques intenses (retour de gros volumes de biomasse au sol), tout en s’affranchissant d’un bâtiment vide depuis 2 ans...

L’exploitation vient de retrouver son état sanitaire, les résultats ne seront plus pénalisés. Bertrand est dans la première année complète de son système. Il ne lui reste plus que la méthode d’engraissement sur couvert végétal à caler. Nous attendons les résultats avec impatience !

article écrit par Guillaume Tant