Lundi 30 mai 2016
Djamel Belaid

Après plusieurs années de terrain et d’enseignement à l’université de Batna (Algérie) puis de conseil agricole en grandes cultures au niveau de la Chambre d’agriculture de l’Oise, Djamel BELAID collabore à différents médias algériens. Préoccupé par les questions de développement agricole en milieu semi-aride, il s’intéresse plus particulièrement aux questions de non-labour et d’échanges entre agricultures des deux rives.

L’extraordinaire développement du SD en Syrie

Djamel Belaid

Si en Syrie, l’actualité est tragique, le semis direct se porte bien, du moins jusqu’à 2012.

DES RESULTATS SPECTACULAIRES

En 2007, le SD était inconnu en Syrie. Mais dès 2011, il était pratiqué sur 30 000 ha par plus de 500 agriculteurs. Cette avancée spectaculaire est due à la coopération australienne. Dès 2005, dans le cadre d’un projet ICARDA, une équipe d’experts australiens a été basée à Alep.

Progression du SD en Syrie
Une progression croissante du SD. Avec les évènements, des constructeurs se sont adaptés et proposent des kits de conversion pour semoir conventionnel.

Dans un premier temps, des essais comparatifs ont été menés en station. Le SD a permis des semis précoces avec localisation des engrais et donc des rendements nettement supérieurs. Des essais ont été menés en parcelles agriculteurs avec des groupes constitués. L’originalité de la démarche australienne a été d’associer des artisans locaux à la mise au point de semoirs SD. Particulièrement dynamiques, ces artisans ont vite produit des prototypes. Ces semoirs low-cost accessibles à partir de 1 500$ ont vite été adoptés par les agriculteurs. Outre de meilleurs rendements, particulièrement en année de sécheresse, le gain de temps et la moindre consommation en carburant ont été des arguments décisifs.

L’autre particularité de la démarche australienne a été d’adapter l’agriculture de conservation aux conditions locales. La présence d’un élevage ovin associé à la céréaliculture fait que localement, les pailles sont très recherchées. Aussi au lieu d’imposer le SD avec couvert végétal et rotations longues, le projet a d’abord mis en avant le non-labour.

CONSTRUCTION LOCALE LOW-COST

La production locale est essentiellement assurée par 8 artisans locaux installés principalement autour d’Alep. Avant 2012, ce sont 92 semoirs qui ont été produits. Une partie d’entre-eux a même été exportée. Le SD s’est également propagé à l’Irak. Il s’agit de semoirs à dents moins complexes et plus faciles à entretenir que ceux à disques. Ils sont dérivés du modèle australien John Shearer. La configuration des dents permet la formation de sillons collectant l’eau provenant des moindres épisodes pluvieux. L’humidité au niveau des semences assure une germination-levée rapide et régulière particulièrement appréciée dans cet environnement semi-aride.
Le large écartement entre dents permet la gestion des résidus de récolte. La trémie surélevée assure la descente des semences et des engrais par simple gravité.

Exemples de semoirs de SD en Syrie
Al-Bab (modèles Ar-Rachid 2,30 m ou 3,50 m à gauche sur le montage photos), Qabassin (modèles Aschbel 2,30 m ou 3,80 m au centre) et Kamashile (modèles Arrous 2,30 m ou 3,50 m à droite du montage photos).

UNE COOPERATION GAGNANT-GAGNANT

En Syrie, les constants progrès du semis direct avant 2012 ont reposé sur une bonne disponibilité de semoirs SD. La présence de petits constructeurs proches des agriculteurs a permis une inter-activité favorisant l’amélioration constante des semoirs. Par leur dynamisme commercial, les constructeurs locaux ont grandement contribué à la vulgarisation du SD. La production locale de semoirs à prix abordable a été déterminante. Elle a été possible grâce à l’aide des experts australiens et au dynamisme des artisans de la région d’Alep. La coopération australienne a été assurée par des universités australiennes et l’Australian Center for International Agricultural Research (ACIAR) et n’a pas poussé à l’achat de matériel SD australien. En collaborant avec l’ICARDA d’Alep, l’Australie bénéficie d’un accès aux banques de semences, une coopération gagnant-gagnant. Les experts australiens proposent dorénavant aux pays du Maghreb d’adopter la même démarche.