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Vulpin résistant, utiliser tous les leviers

Le vulpin résistant est un problème grave en Grande-Bretagne. Ce phénomène prend également de l’ampleur dans certaines régions de France et d’Allemagne. Dick Neale, directeur technique et conseiller auprès du négociant Hutchinsons, a expliqué les stratégies gagnantes de lutte contre le vulpin lors des dernières journées Pro en France.

Vulpin résistant, utiliser tous les leviers Mes cinq années de recherche sur le thème du vulpin. Derrière ces recherches, il y a aussi plus de 35 ans de collecte de données. Cette présentation porte essentiellement
sur les points principaux et non sur ceux travaillés individuellement sur chaque exploitation. Tout d’abord, il faut comprendre pourquoi nous rencontrons de tels problèmes avec cette graminée en Grande-Bretagne. Les causes principales, bien
connues par beaucoup d’autres agriculteurs européens, sont :
- L’objectif principal des agriculteurs est purement tourné vers la marge sur coûts variables et les cultures d’hiver – à savoir, le blé – sont privilégiées.
- Pour des raisons traditionnelles elles sont toujours semées en septembre. A cette période justement, 80 % du vulpin est en position de germination.
- La production est très fortement dépendante de l’utilisation d’herbicides. Or, il existe un choix limité de matières actives, ce qui favorise la résistance. Prenons le résultat d’une parcelle, comme le montre la photo n°1. Ici, on constate une pression du vulpin de 700 pieds au m². Chacun d’entre eux a un potentiel de 100 graines. Il y a donc un risque d’ensemencement de 70 000 graines au m². Cependant, la lutte contre cette menace peut être menée avec des herbicides pour un coût de 190 euros par hectare. L’efficacité d’un herbicide est d’environ 70 %, comme le montre la photo. Le rendement sur cette parcelle est de seulement 1,5 T/ha. La photo 2 montre la même parcelle deux années plus tard, sans vulpin, alors que le poste herbicide est resté constant. Comment cela est-il possible ?

La clé du succès dans la lutte anti-vulpin est de connaître la biologie et de bien savoir l’utiliser. Dans ce domaine voici les principaux facteurs :
- Le vulpin se développe de préférence sur des sols lourds et humides.
- Le degré de germination est influencé par la météo (avant tout par l’alternance
de périodes plus froides et plus chaudes).
- Les sols compactés favorisent la germination.
- 80% des graines germent en septembre et octobre. Tout dépend naturellement
de la météo.
- 5% des graines germent en avril-mai.
- De juin à début août, il n’y a aucune germination, peu importe les efforts
que vous entreprenez pour combattre le vulpin. A mon avis, cela n’a rien à voir
avec la météo mais plutôt avec le fait que les exsudats racinaires d’une forte
population de vulpin suppriment la capacité de germination de nouvelles
plantes de vulpin ou d’autres espèces. On appelle cela l’allélopathie. Celle-ci
utilise des cultures comme l’avoine, le seigle et l’orge contre le vulpin. On peut
également observer l’effet avec des cultures intermédiaires, comme le radis
oléagineux.

Sur une parcelle d’essais dans le comté de Cambridge, on peut très bien visualiser le degré de pression du vulpin, selon le type de sol. Sur les terres lourdes et humides, il se développe fréquemment, alors que sur les sols moyens et légers, il n’apparait pratiquement pas. Cependant, il est possible de transporter des graines vers d’autres zones de la parcelle grâce au travail du sol ou à la moissonneuse-batteuse. Ici, le ‘’domicile’’ naturel du vulpin occupe 44 % de la parcelle. Dans cette zone, on ne doit en aucun cas semer en septembre, alors que cela est possible sur le reste de la surface. Il y a encore quelques années, on aurait pu croire que quelque chose n’avait pas fonctionné avec le pulvérisateur. Maintenant, nous savons, que tout se passe au niveau du sol.

La génétique du vulpin varie d’une exploitation à une autre. Il se développe
de façon individuelle en fonction de la rotation. En conséquence, chaque agriculteur doit découvrir comment il doit travailler le sol et quels herbicides sont efficaces sur son exploitation. Pour cela, chaque expérience revêt un caractère important. Le vulpin germe plus facilement lors d’années chaudes et sèches, comme le montre l’image 3. Cependant, environ 70 % du vulpin germe aussi en conditions optimales. Pour une germination moyenne de 30 %, nous avons dans tous les cas un problème sur plusieurs générations.

Si l’on prend en compte nos parcelles d’essais, voici un exemple tout à fait simple : 30 % de germination de 70 000 graines par m² constitue une réserve de 50 000 graines pour le futur. Si l’on prend le taux théorique de 5 % de germination en avril/mai, cela fait 3 500 graines du potentiel initial. Cela peut représenter un problème pour les cultures de printemps. Certains agriculteurs se posent la question de savoir si ce vulpin est sélectionné pour ne germer qu’au printemps. La stratégie à appliquer est de déplacer le moins possible de sol au printemps, afin de stimuler le moins de graines possible. Pour les cultures d’hiver : avant tout semis, le vulpin doit être maîtrisé au maximum par un herbicide total. Un autre avantage du semis tardif est que l’herbicide peut être utilisé avec plus d’efficacité en conditions de sols humides.

L’image 4 montre les influences de différentes techniques de travail du sol sur le réservoir de graines dans le sol. Un travail superficiel à 5 cm maximum
de profondeur permet la germination du vulpin, qui peut ensuite être combattu. Lors d’un travail plus profond ou d’un labour, les graines sont enterrées dans les couches inférieures du sol. Dans cet environnement, l’activité biologique est réduite, si bien que les graines survivent plus longtemps. Une des propriétés positives du vulpin est que la graine peut être très vite inactive, que ce soit par un effet parasitaire ou lors d’un compostage par exemple. Cependant, il reste suffisamment de graines actives.
Par sa manière de travailler le sol, l’agriculteur définit où il veut positionner son futur réservoir de graines.

Dans l’idéal, c’est en surface. L’agriculteur a alors une visualisation immédiate de la pression du vulpin. Il peut ainsi prendre les décisions importantes, comme la date de pulvérisation et l’herbicide à utiliser. L’exemple d’un agriculteur de ma région montre ce que l’on ne doit pas faire. Malgré tous les bons conseils, il sème comme d’habitude en septembre sur labour préparé. Naturellement, il subit une
forte pression de vulpin. L’an passé, il a décidé de semer une culture de printemps sur la parcelle concernée. Il n’a pas fait le choix d’une orge de printemps comme la plupart de ses collègues le font pour maîtriser à court terme le vulpin. Il a décidé de semer une betterave sucrière, parce qu’il a spéculé sur de meilleurs prix. Le résultat fut tout autre, aucune betterave n’a réussi à lever, dû à une énorme
pression du vulpin.

La mise en place d’une culture de printemps peut aussi aider, mais en aucun cas,
elle ne doit être dictée par le choix d’une meilleure marge. Augmenter le nombre de cultures de printemps n’est définitivement pas l’unique solution pour résoudre le problème du vulpin à long terme. De la même manière, le retournement du sol
tous les deux ans, qui peut certes aider, ne constitue pas la bonne réponse à long terme. Encore une fois : le vulpin germe de préférence en surface. Une des solutions
pourrait être de laisser faire la nature et attendre. Il est cependant conseillé de lui
offrir les meilleures conditions de germination. Un travail superficiel et avant
tout un roulage peuvent y contribuer. Si l’on observe bien, il faut reconnaitre que la nature nous aide. En Grande Bretagne, nous avons connu de très fortes précipitations en août dernier. Nous avons ainsi pu économiser un travail du
sol et se contenter d’un roulage. Comme nous le constatons sur la photo 5, lorsque l’on a 70 000 graines dans le sol qui germent de manière optimale, il faut traiter cette population élevée avant qu’elle ne produise des graines supplémentaires.

La présence de résidus abondants ne pose pas de problème. Bien au contraire, la paille stimule l’activité du sol et équilibre l’humidification en été. A l’automne, en hiver et au printemps, elle maintient la température du sol. C’est bien la technique de semis qui doit être adaptée au semoir et non l’itinéraire technique, surtout lorsque le semoir doit déplacer le moins de terre possible. Lors d’un travail du sol superficiel, un simple passages ne suffit pas, il faut privilégier deux ou trois passages à grande vitesse. Ainsi, le vulpin a une meilleure germination. Les fourrières ne doivent pas être ‘’sur-travaillées’’, puisqu’elles le sont déjà par les manœuvres. Pour les cas extrêmes, il peut être judicieux de ne rien faire du tout, le mouvement de sol dans les fourrières peut suffire.

Il y a beaucoup de discussions sur les résistances aux produits phytosanitaires. Effectivement, le risque existe avec tous les herbicides. Nous avons une parcelle sur
laquelle nous avons traité 19 fois du glyphosate au cours des 4 dernières années. Jusqu’à ce jour, nous n’avons pas remarqué une baisse d’efficacité (photo 6).

Striptill : à ce sujet, il y a encore peu de résultats. Cependant en colza, il peut être avantageux de ne travailler que les bandes de semis. Le vulpin en germination est alors géré par un herbicide.

Guide pratique de la lutte contre le vulpin :
- Utilisez les résultats scientifiques.
- Comprendre votre sol. Comment se comporte-t-il face aux conditions humides et face à la sécheresse ? Quelle est l’interaction entre les racines, les plantes et la macrofaune du sol ? Quelle est l’influence de mon travail du sol ?
- Utilisez-vous vos connaissances biologiques du vulpin pour le combattre ? Lorsqu’il apparaît, savez-vous comment va-t-il réagir face aux moyens que vous
mettez en œuvre ?
- Utilisez-vous les effets positifs d’une rotation élargie et d’une interculture ?
- Résoudre votre PROPRE problème.
- Comment faire pour empêcher la reconstitution de réservoirs de graines ?
- Changez votre assolement. Semez des cultures de printemps. Si cette décision
n’est pas accompagnée par d’autres moyens pour lutter contre le vulpin, elle
ne résoudra pas tous vos problèmes !
- Soyez actifs dans l’amélioration de votre sol avec le drainage, la rotation, les variétés et les couverts végétaux, une préparation de sol superficielle, les densités de
semis et la diversification MAIS, ne commencez pas par le mauvais bout, parce que vous pensez que cela doit être simple. Travaillez du haut vers le bas. Faites vos propres expériences. Il n’est pas écrit que les méthodes de vos collègues fonctionnent également chez vous.

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