COLZA : Gérer positivement les pailles, sécuriser la structure et changer de précédent

Frédéric Thomas, TCS n°38 - juin / juillet / août 2006

Fort de l’engouement pour les énergies renouvelables et de sa qualité nutritionnelle, le colza semble avoir un avenir radieux. Il s’agit cependant d’une culture exigeante en intrants mais également en temps et mécanisation au travers des multiples passages nécessaires tout au long de sa végétation. C’est une culture facile à réussir en TCS et semis direct par la conservation de l’humidité dans les premiers centimètres du sol, mais aussi une plante qui n’aime pas la paille et souffre souvent de manque d’azote à l’automne dans les itinéraires simplifiés. Relevant ce défi, les TCSistes ont progressivement mis au point des techniques pour contourner ces difficultés et depuis quelques années, des pionniers, avec le changement de la place du colza dans la rotation, apportent une solution agronomique mais aussi économique capable de révolutionner la culture.

Pour répondre aux objectifs lancés par D.de Villepin en 2005, la France devra consacrer dans les années à venir jusqu’à 1 600 000 ha au « colza diester ». Une surface énorme qui va mettre à contribution l’ensemble des régions puisqu’il est difficile de continuer d’étendre cette culture dans les bassins de production où la sole est déjà trop chargée. Dans le Sud, le colza devrait permettre d’ouvrir la rotation blé dur/tournesol.Dans l’Ouest,il pourrait apporter une meilleure valorisation des effluents d’élevage. Dans les pays de la Loire, comme en Normandie,cette augmentation de surface est une bonne nouvelle pour ceux qui craignent les mycotoxines. Hormis ces considérations encourageantes, il ne faut pas tomber dans une impasse technique. Le colza reste une culture coûteuse avec des charges de désherbage qui peuvent osciller entre 100 et 150 €/ha,des risques sanitaires (limaces, phoma, sclerotinia,hernie...) et une consommation d’azote importante dont le prix suivra inéluctablement celui de l’énergie. Au-delà des promesses et pour faire de cette culture une vraie source d’énergie renouvelable, il convient de développer des itinéraires efficaces et économes. Si la réduction,voire la suppression, du travail du sol est bien entendu une première étape, il est tout aussi important de maîtriser la consommation d’intrants afin d’aboutir à un bilan énergétique le plus favorable possible. De cette approche, dépendra largement l’engagement des agriculteurs qui y trouveront un intérêt économique mais aussi l’appui de la société sécurisée par des bénéfices environnementaux probants.

Tête de rotation, mais également plante intéressante à introduire dans des rotations trop graminées

Avec le colza, comme pour les autres cultures, en TCS et semis direct, la rotation est un élément important de gestion d’une grande partie des risques et un moyen efficace pour réduire les coûts de production, comme le nombre de passages qui peut au final s’avérer important. Si écarter les cultures de colza permet de respirer en matière de désherbage,que ce soit pour la maîtrise des crucifères comme les sanves et les ravenelles, cette pratique est aussi intéressante pour les géraniums,voire les graminées dont le contrôle peut s’avérer coûteux. L’allongement de la rotation est également l’un des principaux moyens de lutte contre les maladies fongiques classiques mais également l’hernie du chou qui sévit plus particulièrement dans les sols à tendance acide et humide. Par contre,si trop de colza augmente les risques et peut rogner les marges, le colza reste une plante intéressante à positionner dans une rotation pour son impact positif sur le sol au travers de son enracinement et de sa forte production de biomasse avec un C/N moyen. Implanté en fin d’été et gros consommateur d’azote, il évite le semis d’un couvert, et à sa sortie, les repousses, bien qu’elles soient souvent trop denses, peuvent aussi servir de couvert spontané avant de revenir sur une céréale. Enfin il ne faut pas négliger son côté positif sur le rendement des céréales suivantes (+ 12 % en moyenne sur les essais longue durée menés entre 1970 et 1990 par l’ITCF et l’Inra). Cet effet bénéfique ne s’explique pas seulement par la coupure apportée par la culture, mais aussi et surtout par l’assainissement qu’apportent les isothionates (produits issus de la décomposition des glucosinolates) contenus dans toutes les crucifères sur les maladies et certains ravageurs. Cet impact dit de « biofumigation » étudié par des chercheurs australiens pourrait être très efficace sur le développement de populations de nématodes dont Heterodera avenae mais aussi sur les inoculums du piétin échaudage et de la fusariose.

Beaucoup de TCS et un peu de semis direct

La majorité de la réussite du colza réside dans la phase semis/levée. Bien que cette plante soit capable de compenser des déficits importants de densité, elle doit atteindre un certain développement automnal et une taille de pivot à l’entrée de l’hiver pour exprimer tout son potentiel au printemps suivant. Outre l’économie de temps et de mécanisation, la simplification du travail du sol au travers de la conservation de l’humidité grâce au mulch favorise en général de meilleures levées. Cependant, il est de plus en plus clair que le colza n’aime pas la paille. Si elle est mélangée à la surface elle fournit un sol creux défavorable au contact sol/graine. De plus la mise en route de sa dégradation entraîne, par les bactéries et les champignons qui attaquent les résidus de céréales, le prélèvement d’importantes quantités d’azote, pénalisant le développement précoce des plantules. Par ailleurs, le mulch abrite plus les limaces et induit également une élongation de l’hypocotyle, une ouverture béante pour les attaques de maladies. Enfin, la décomposition des pailles libérerait des substances aux propriétés allélophatiques. Ainsi,et au regard de l’ensemble de ces facteurs qui sont loin d’être rédhibitoires, le colza, qui est certainement la culture dont les surfaces en non-labour sont les plus importantes,principalement parce que les sols sont souvent difficiles à travailler en été, n’en est pas moins l’une des implantations les plus techniques en TCS et semis direct.

Réduire l’épaisseur du mulch

Le colza est une petite graine qui germe facilement mais dont les réserves sont faibles. Plus elle sera positionnée profondément, plus les pertes seront importantes. Il faut cependant les placer sous la paille sachant que l’épaisseur du mulch compte, hormis les autres phénomènes de dépression, pour au moins1/2 proportion de terre. Ainsi, il est important pendant l’interculture, qui varie entre 8 et 40 jours en fonction des régions, de réduire l’épaisseur du mulch et de commencer sa décomposition par un double déchaumage superficiel. Cette technique, aujourd’hui bien maîtrisée grâce à des outils performants, donne relativement de bons résultats qui restent dépendants du temps disponible, du recul TCS et des conditions climatiques. Outre répartir et user la paille, le mulchage de surface permet souvent de déclencher la germination d’une première vague de repousses comme de certaines adventices afin de faire un peu de ménage avant le semis. En plus de préparer le futur lit de semence et nuire aux limaces, cette technique assure enfin par la fermeture du sol en surface et la réduction de l’évaporation, une meilleure maîtrise de l’humidité pour une germination et une levée plus homogènes sans être trop dépendant des caprices de la météo.

Exporter la paille

C’est certainement, et à première vue, le moyen le plus simple de contourner les difficultés que peut créer la présence de paille à la surface. Si cette option est facile à envisager et à mettre en œuvre sans coût supplémentaire dans les secteurs d’élevage où une partie de la paille est ramassée avec en bout de chaîne un retour organique sur d’autres cultures, l’exportation des pailles est plus discutable en zone céréalière. Celle-ci correspond à l’exportation d’humus, une perte de ressource énergétique pour l’activité biologique du sol, mais également à une sortie d’éléments minéraux qu’il ne faut pas oublier de quantifier. Si cette pratique peut éventuellement s’intégrer dans une rotation cohérente, notamment pour la production d’énergie sur des sols superficiels où le taux de matière organique est correct, elle est beaucoup moins judicieuse sur des limons et des sables où la conservation et la remontée du taux d’humus sont essentielles pour réussir la mise en œuvre de la simplification du travail du sol. De plus, et même si la paille a une valeur marchande, rappelons que cette pratique a un coût, qu’elle retarde d’autant les interventions suivantes comme le déchaumage et qu’elle implique un trafic supplémentaire sur les parcelles avec des outils lourds qui peuvent être vecteurs de compaction.

Assurer une bonne structure

Bien que le colza apparaisse comme une plante rustique et agressive, il n’en est pas moins très sensible aux problèmes de structure. Un mauvais pivot limitera sa capacité à mobiliser l’azote en profondeur, une reprise plus lente au printemps et une plus grande sensibilité à la sécheresse comme à la verse. En fait, plusieurs facteurs viennent plus ou moins perturber le développement racinaire : – les compactions qui peuvent avoir tendance à se rapprocher de la surface avec la simplification du travail du sol. À l’extrême,ces compactions forment de véritables « semelles de mulch » très préjudiciables. Varier les profondeurs des interventions et éviter un fond de travail plat est un moyen efficace pour contourner ce premier écueil ; – vu son diamètre,la racine de colza est également très sensible à des différentiels de porosité importants même si la zone sous-jacente n’est pas compactée. Dans la partie trop meuble, généralement en surface, la racine développe un gros diamètre de pivot favorisant l’apparition de « cœur creux » assimilable à une carence en bore, mais au contact de la zone plus ferme la racine peut s’adapter en diminuant rapidement le diamètre racinaire ou tout simplement partir à plat avant d’envoyer des racines secondaires plus en profondeur. Il est donc préférable de fournir une structure plus ferme mais continue qu’un sol avec de grandes variations de porosité. Ces observations vont également dans le sens des interventions très superficielles et si possible pas plus profondes que la future profondeur de semis ; – en fin d’été, le sol est généralement sec et, dans les argiles mais aussi les limons, ce manque d’eau entraîne une forte cohésion des particules terreuses trop dures à casser, déplacer et coloniser pour une racine de colza. La conservation d’une certaine humidité pendant cette période critique permet en partie de compenser cette difficulté ; – la localisation de la matière organique comme le positionnement des effluents d’élevage et des engrais en surface,amplifiée par le retour de l’humidité dans cette zone (faible pluie de la fin de l’été) ne favorise également pas le développement de racines profondes même si la structure est favorable. La localisation de la fertilisation sous la ligne de semis et mieux encore un précédent laissant plus d’azote dans le profil (légumineuse) permettent de contourner facilement ce dernier point. Au vu de ces éléments, il est donc important de fournir au colza une bonne structure et si besoin d’ameublir avant le semis. Dans le cas de sols difficiles à travailler en été, il peut être judicieux d’ameublir avant la céréale qui précède afin d’éviter des interventions coûteuses, usantes mais aussi desséchantes. C’est la garantie d’un bon développement de la culture comme d’un résultat technique satisfaisant, mais c’est également le moyen de profiter de son puissant système racinaire pour développer une structure organisée et profonde permettant d’envisager sans soucis le semis direct d’une céréale d’hiver ensuite.

Gérer positivement les pailles

Bien que la paille soit perçue comme une gêne au semis et la source de nombreux ennuis lors des premiers stades du colza, il ne faut pas oublier dans le bilan que le mulch apporte aussi des bénéfices intéressants. Il réduit le suréchauffement du sol et la battance, il capte mieux le peu d’eau de la fin de l’été et ralentit l’évaporation tout en limitant une partie des levées d’adventices. Ainsi, plus que de chercher à limiter le volume de paille ou l’épaisseur du mulch, ne convient-t-il pas mieux d’essayer de gérer la paille positivement en l’écartant légèrement de la ligne de semis : un moyen de fortement limiter les risques tout en capitalisant sur les avantages de sa présence à la surface du sol.

Semis au monograine

Fabien et Joël Driat, agriculteurs dans l’Aube, sont certainement parmi les TCSistes les plus avancés en matière de semis de colza au monograine. Cette façon de semer leur assure des économies de semence mais aussi une productivité très enviable. Ils utilisent pour cela un Monosem de 9 rangs avec un interrang de 45 cm (voir TCS n° 33 de juin-juillet-août 2005 page 10). L’année dernière, le rendement était de 43-44 q/ha,ce qu’ils n’avaient encore jamais obtenu sur l’exploitation. Ils ont bien entendu continué avec 48 ha de colza semé de cette manière cette campagne. Sur certaines parcelles ayant eu un apport d’amendement organique, un passage d’ameublisseur a été réalisé à 10-15 cm de profondeur. Dans les autres parcelles, un seul passage de Canadien à 5-6 cm a été effectué. Les deux hommes ont ensuite passé la herse étrille à deux reprises avant le semis qui a été réalisé fin août dans d’excellentes conditions, notamment d’hygrométrie avec des levées très correctes. Comme le dit F. Driat :« Cela change des semis dans la poussière ! » Pour cette campagne,le père et le fils ont aussi monté sur leur semoir un microgranulateur pour appliquer l’antilimaces en même temps que la semence. « L’application s’est faite sur le rang avec une incorporation dans la ligne de semis. Mais je vais sans doute changer et comme en tournesol, le positionner sur le rang. En effet, souvent, les colzas lèvent très vite et l’antilimaces manque d’efficacité car il se retrouve en dessous », explique Fabien. En octobre, les colzas étaient impressionnants. Les deux agriculteurs ont presque eu la tentation de les réguler mais ils se sont ravisés. En effet, en monograine, les colzas sont plus aérés et risquent beaucoup moins de monter que ceux implantés de manière plus classique. Il n’y a pas eu de pesée avant l’hiver. Les reliquats étaient un peu faibles. Comme l’année précédente,les apports d’azote ont été les suivants : 145 unités là où des boues avaient été épandues, 160 unités là où c’était du fumier et 205 unités sans apport organique préalable. F. Driat précise : « Je ne veux pas mettre de l’azote pour rien. Néanmoins, il ne faut pas être trop limitant car je laisse les repousses de colza avant blé et elles vont absorber les excédents. » En sortie d’hiver, suite aux gels répétitifs, les colzas avaient quelque peu fondu, ce qui n’a pas entamé l’optimisme des Driat. Aujourd’hui, ils s’attendent encore à un bon potentiel. Peut-être pas celui obtenu l’année précédente car il était vraiment exceptionnel mais sans doute autour de 38-40 q/ha. De quoi encore les conforter dans leur façon de semer.

Des dents de vibroculteur devant les disques ouvreurs

S. Deville, agriculteur en semis direct dans l’Allier est lui aussi confronté au problème de la paille devant colza. Afin d’avancer sur ce sujet il a testé l’utilisation de dents devant la ligne de semis.Sur son Semeato, il a simplement fixé sur la moitié des lignes de semis, des dents droites de vibro par une bride sur le carré qui supporte les éléments. L’objectif est de légèrement repousser la paille sur le côté et de l’aligner dans le sens des sillons. Testé sur un précédent triticale, le résultat est sans appel. Semées à 3,5 kg/ha, seules les graines positionnées dans les rangées précédées par une dent ont bien levé et donné des colzas vigoureux, alors que les plantes sur les lignes intermédiaires sont claires et chétives montrant la difficulté du vrai semis direct de colza sur un mulch de paille. Malgré ce résultat encourageant, cette première tentative n’est pas parfaite et le positionnement de dents, même espacées de 35 cm,a conduit à quelques bourrages. De plus,ce montage ne permet pas un suivi précis de la profondeur de travail des dents qui devraient en permanence légèrement gratter le sol : une surface bien nivelée serait favorable. Cependant,au-delà de ces imperfections, cette idée simple montre le potentiel d’amélioration d’une gestion positive de la paille en matière de semis direct de colza. En attendant, S.Deville a trouvé une autre solution en faisant un échange paille contre compost avec un éleveur voisin, une autre façon de contourner astucieusement le souci de la paille devant colza.

Andainer la paille, pourquoi pas ?

S. Rétif (41) a choisi une autre option pour gérer la paille. Suite à l’intervention de C. Crovetto à Tours en 2000,il avait retenu que le pionnier chilien avait pratiqué l’andainage de la paille pour contourner des problèmes d’allélopathie : si cela marche en Amérique du Sud, pourquoi pas dans le centre de la France ? Ainsi,il décide avec un voisin de ressortir des vieux râteaux faneurs « Rémi » qu’il a adaptés à l’avant de son Fast Tract afin de pousser 6 m de large.En 2 tours, la paille qui n’est plus broyée avec la moissonneuse (économie de temps et de fuel) est andainée tous les 24 m sur les passages de pulvé. Bien que l’andain puisse faire plus de 1,5 m de haut à la sortie de la récolte, il s’affaisse rapidement et ne fait pas plus de 10 cm à la sortie de la culture. Celui-ci est ensuite reécarté sommairement dans la parcelle par 2 coups de vibroculteur léger. Très satisfait des premiers résultats sur colza où la qualité de semis en direct avec un JD 750, la rapidité de levée et de développement précoce sont sans égal, S. Rétif a même transféré cette technique aux implantations de céréales comme sur cette photo. Enfin à ceux qui lui rétorquent que les andains sont un travail supplémentaire et une perte de surface, ce TCSiste chevronné répond que l’andainage est beaucoup moins coûteux que le broyage même par la moissonneuse et sans comparaison avec un ou plusieurs déchaumages. De plus, le passage du râteau faneur gratte légèrement le sol comme une herse étrille favorisant par la même occasion un faux semis. Pour ce qui est de la perte de surface,elle est inférieure à 5 % en ne comptant que la partie entre les roues du pulvé, et encore, car cette partie est rarement la plus productive à cause des passages tardifs, sans compter qu’en fin de végétation, le colza arrive presque à se rejoindre. De toute façon, S. Rétif estime que cette perte, si elle existe, est largement compensée par la suppression des problèmes liés à la gestion de la paille dans le reste de la parcelle,voire les gains de rendement dans les 95 % de la surface. Une approche surprenante mais qui mérite d’être regardée de près.

D’autres modes d’implantation

Avec le développement des TCS et du semis direct, mais également le besoin de trouver des itinéraires économes et des astuces pour contourner les difficultés d’implantation sur précédent céréales, les modes de semis peuvent être très différents pour atteindre le semis sous la coupe de la moissonneuse-batteuse. Semis à la herse étrille Adepte depuis dix ans du SD, Jean Mauduit (Indre-et-Loire) a décidé, pour la troisième année consécutive, d’implanter son colza à l’aide d’une simple herse étrille. Celle-ci est équipée d’un semoir suisse Krummenacher. Une roue en contact avec le sol assure le débit proportionnel à l’avancement avec commande depuis la cabine du tracteur. Il a également monté des rallonges de dents. Ainsi,au fur et à mesure de leur usure, les dents conservent toujours la même longueur. Astuce intéressante qui coûte moins cher que des pointes en carbure. Plus récemment, J.Mauduit a encore amélioré son système avec la possibilité de régler la longueur des dents. Les plus courtes (rangées de devant) assurent l’étalement de la paille et les plus longues (plutôt derrière) permettent de gratter la terre. Cette différence de longueur assure ainsi un bien meilleur flux de la paille. Et surtout, il conseille d’utiliser les dents en position droite et non fuyante. « Trop souvent, on utilise les dents avec un certain angle. Malgré cela, elles entraînent toujours de la paille et cela peut former des bouchons. Avec des dents droites, vous évitez ce problème », assure-t-il. J.Mauduit sème tôt,le plus possible début août, ce qui permet d’éviter, au maximum, les attaques de limaces. Il tient également à semer à 4-5 kg/ha, donc un peu plus fort pour compenser les risques de pertes. Il passe une seconde fois, uniquement avec la herse, afin de recouvrir très superficiellement les graines avec la paille du précédent. Celle-ci, grâce aux deux passages de herse est correctement étalée. Mais il précise : « Il faut semer ainsi au plus près d’une pluie si cela est possible, pour aider la germination des graines. » Il précise aussi qu’il peut passer une troisième fois avec la herse seule quand les colzas sont trop serrés de manière à les éclaircir. Attention néanmoins à ne pas multiplier les passages de herse au risque de trop briser la paille. J. Mauduit s’explique : « Si la paille est trop hachée en petits brins, elle forme un mulch qui, s’il est épais, peut fragiliser le développement du colza en provoquant des élongations. La paille doit rester grossière et aérée. » C’est pourquoi, il ne broie pas après la moisson et privilégie une coupe haute.L’agriculteur est entièrement satisfait de ce mode d’implantation très économique qu’il commence à bien maîtriser avec l’expérience.

Semis sous la coupe Depuis qu’il est en SD (4 ans), Francis Proust, en Eure-et-Loir, pratique le semis du colza sous la barre de la coupe de la moissonneuse-batteuse. L’année dernière, il a semé ainsi son colza début août à raison de 4 kg/ha et 1 kg/ha d’antilimaces. « Lorsqu’on sème de cette manière, on est obligé d’augmenter un peu la dose de semis mais comme j’utilise de la semence de ferme, cela ne me coûte pas grand-chose. C’est au contraire une méthode bien plus économique qu’un semis classique car en un seul passage, je récolte et je sème sans aucune autre intervention », explique-t-il. Hormis le faible amortissement de l’équipement de semis sur la coupe qui sert également pour les couverts, le semis ne coûte pratiquement rien. Cette approche lui permet également de réduire les risques et si besoin, de resemer plus tard. Cette année, il a dû, par exemple, réintervenir sur quelques ronds avec un Quad équipé d’un Delimbe chargé d’un peu de semence et d’antilimaces. Côté désherbage, F.Proust ne fait plus de traitement systématique et surtout n’a plus besoin d’antidicotylédones. Il applique généralement un antigraminées pour détruire les repousses de blé,voire un Kerb pour assurer. Très satisfait par cette méthode (il ne voit pas de différence flagrante en termes de développement et de rendement entre un semis sous la coupe et un semis classique), il compte bien augmenter sa sole de colza l’année prochaine. Même en 2003, avec la sécheresse, il avait assuré un rendement honorable de 26 q/ha avec seulement un antigraminées et un fongicide comme interventions. Le semis sous la coupe de la moissonneuse-batteuse est également un mode d’implantation opportuniste. C’est-à-dire qu’il est possible et à moindre coût de semer toutes les parcelles et de revenir en fin août/début septembre choisir les meilleures implantations qui seront conservées et d’utiliser les autres comme intercultures d’été.

Fertilisation au semis

Le positionnement d’un peu d’azote au semis est certainement le moyen de contourner en partie le prélèvement par les pailles et d’obtenir des colzas vigoureux.B.Morisset (86) utilisant un CO3 équipé de soc Duett avance dans ce sens. En 2004, après un déchaumage superficiel, il avait positionné 30 à 40 unités sous la ligne. Les colzas ont semblé avoir bien apprécié, voire trop, car malgré une dose de semis de 1 kg/ha, il a fallu les réguler à l’automne comme au printemps suivant tant ils étaient développés. Avec le recul, ce TCSiste pense qu’il faut sûrement rester raisonnable et peut-être ne pas dépasser 20 unités pour sécuriser la levée et le développement précoce. Par contre, il apprécie l’impact que cette pratique peut avoir sur l’enracinement et la vitesse de descente du pivot. Cependant,dans les régions à risque de phoma, il convient d’être particulièrement vigilant et éviter les fortes absorptions automnales en limitant les apports d’amendements organiques à l’implantation et en choisissant une variété très peu sensible à l’élongation automnale.

Le strip-till : pourquoi pas en colza ?

Après 7 à 8 ans de TCS et maintenant en semis direct dans des terres fragiles du Gers, P. Pangrazi a souhaité ouvrir sa rotation blé/tournesol en introduisant du colza. Conscient de la difficulté d’implanter en direct cette culture dans les pailles et intéressé par la technique de strip-till qu’il souhaitait mettre en place sur tournesol, il a commencé l’été dernier à transformer une vieille bineuse en strip-tiller. L’outil étant presque prêt pourquoi ne pas se faire la main sur les semis de colza ? Cette parcelle a été implantée après 2 déchaumages croisés avec un vibroculteur équipé de dents espacées surtout pour mieux répartir la paille. P. Pangrazi a ensuite essayé une première fois son outil en juillet mais les conditions étaient trop sèches et le résultat trop motteux. Il estime avoir fait un meilleur travail en août quelques jours avant le semis réalisé sans difficulté avec un NG plus. Pour cet essai, les disques de recouvrement ont été écartés pour éviter de ramener de la paille sur le sillon, ce qui a conduit à réaliser plus une légère cavité qu’un billon. « Ceci n’est certainement pas un inconvénient en semis de colza qui se trouve légèrement à l’abri et dans une zone qui tend à capter l’eau », observe l’agriculteur. De toute manière, et malgré les difficultés de mise au point de son outil, P. Pangrazi est très satisfait du résultat qui,pour lui,évite de placer les graines et les jeunes plantules dans un environnement hostile. Cette idée, qui rejoint le semis monograine, est une autre approche à considérer de près notamment lorsque l’implantation doit être réalisée sur un sol dont la structure est encore trop ferme ou compacte.

Changer la place dans la rotation

Valéry Grégoire – (45) Moitié moins d’azote apportée

En terre argileuse non travaillée en profondeur depuis six ans,Valéry Grégoire a semé un colza à la suite d’une féverole.Sa rotation actuelle est betterave précédée d’un décompactage, blé suivi de deux déchaumages et d’un couvert d’avoine, tournesol, blé (toujours suivi de deux déchaumages), féverole et colza. La féverole a été semée en mars 2005 et récoltée le 20 août avec un potentiel de 35-40 q/ha malgré la grêle (environ 1/3 des graines étaient au sol).Deux herbicides (un Challenge et un Prowl) ont permis d’avoir une culture propre. « J’ai semé le colza le 22 août dans de très bonnes conditions avec un Unidrill. Il y avait quelques repousses de féverole alors j’ai traité au glyphosate. J’ai ensuite utilisé 0,6 l/ha de Colzor trio en prélevée. Une quinzaine de jours après, j’avais une belle levée de colza », indique-t-il. Mais par la suite,des repousses continuelles de féverole se sont développées. La grêle subie durant la végétation de la légumineuse avait fait tomber beaucoup de grains au sol. « Cela devenait inquiétant. Il y a bien eu plusieurs périodes de gel mais, à chaque fois, des individus résistaient. Fort heureusement, un gel plus fort, à – 12 °C en février, a tout détruit », se souvient-il. Aujourd’hui, le colza devrait assurer un très bon rendement et V.Grégoire n’a appliqué que 80 unités d’azote, soit la moitié seulement de ce qui est nécessaire en précédent paille. « Même dans les pointes de parcelle où il n’y a pas eu d’azote, le colza est beau ! », ajoute-t-il. Peu d’azote, pas de gêne par les pailles à l’implantation, pas de salissement difficile à gérer et pas de limaces : le bilan pour lui est très positif. Cette année,il va continuer et sur cette lancée il devrait essayer un semis de colza en précédent soja mais aussi lin. Dans le soja, normalement récolté en septembre, il sèmera le colza en août, avant la récolte, à la volée avec un épandeur d’engrais.

Marcel Fortin – (16) Des économies substantielles

Satisfait de l’implantation d’un colza derrière légumineuses en 2004, Marcel Fortin a renouvelé l’expérience en 2005, toujours derrière pois. Récolté en juillet, il a légèrement déchaumé avec son Disc-O-Pack (2-3 cm pas plus) et appliqué 2 l/ha de Tréflan mais il a attendu le 15 septembre, à cause de la sécheresse pour semer le colza en direct avec son SD 6000. « Cette année, j’avais utilisé une variété de colza hybride, le PR46 W80, à l’arrêt de végétation très court. J’ai semé tard et heureusement, car j’aurais dû le freiner avec un régulateur. Alors qu’il vaut mieux semer tôt en TCS et SD derrière paille, le développement derrière pois est tellement fort qu’il est préférable de semer après tout le monde pour éviter un régulateur », indique l’agriculteur. Cette année, les pesées de colza indiquaient 1,6 kg au 12 décembre. Les reliquats en sortie d’hiver étaient de 95 kg de N. La dose conseillée était de 90 kg. L’agriculteur n’a finalement appliqué que 76 kg de N/ha sous forme d’azote liquide 390 (en 2005, il avait apporté un peu plus, 90 unités, pour avoir une petite marge de sécurité) et 27 kg/ha de sulfate d’ammoniac. Rien à voir avec un précédent paille où il applique, en général, 200 kg de N/ha ! Le colza était moins développé que l’année dernière à cause de la sécheresse et d’une levée tardive. Néanmoins, aujourd’hui, M. Fortin estime que le potentiel est encore bien parti pour atteindre la même moyenne que l’année passée, soit environ 35 q/ha. Économiquement parlant, l’effet de la légumineuse est sans appel. Il a bien entendu les économies d’azote mais aussi d’herbicides. Contrairement à un précédent paille, M.Fortin n’a utilisé que 2 l/ha de Tréflan, ce qui porte avec le glyphosate le coût du désherbage à seulement 18 euros/ha. Intrants tout confondus (engrais à 63 euros/ha, herbicides, fongicides à 18 euros/ha, insecticides à 5 euros/ha et surfactants à 3 euros/ha), les charges opérationnelles se montent à 107 euros/ha, comme l’année passée, contre environ 190 euros/ha avec plus de passages en précédent céréale. De quoi l’inciter dans cette voie. « Cette année, je renouvelle ! », conclut-il.

C. PIOU – (41) Colza après maïs doux et lupin

Colza semé en direct derrière maïs doux. L’humidité résiduelle du sol (irrigation) et l’azote disponible permettent une implantation de colza rapide et sans difficulté particulière. Par ailleurs, le positionnement derrière maïs qui laisse au sol un salissement plutôt estival permet d’obtenir un colza extrêmement propre sans herbicide. Surpris par l’implantation d’un couvert de colza derrière la récolte de maïs en 2003, C. Piou a depuis et avec succès adopté ce nouveau précédent pour des raisons de facilité, de coûts mais également de résultats techniques. Pour la campagne 2004/2005, avec un rendement moyen sur 45 ha de 30 q/ha (compris entre 25 et 35) malgré une très forte attaque de méligèthes, l’économie (mécanisation et intrants) s’est chiffrée selon les parcelles entre 110 et 200/ha en comparaison aux charges de cultures moyennes constatées dans le même département dans des parcours déjà sobres. L’impasse de désherbage sur la moitié de la surface, la réduction des doses d’azote mais aussi la diminution des passages explique en grande partie cette différence. Au vu de ces premiers résultats encourageants, C. Piou a renouvelé cette expérience avec encore plus d’attention. Pour cette dernière campagne, il a préféré utiliser un glyphosate à l’implantation afin d’éviter tout désherbage par la suite : l’aspect des parcelles aujourd’hui, quasiment indemnes d’adventices, lui donne raison. Côté azote, notamment derrière maïs doux où le colza avait piégé 150 kg de N/ha, il n’a apporté que 85 kg de N et 60 de S en une fois alors que sur d’autres parcelles plus sableuses où le prélèvement automnal n’avait été que de 90 kg/ha, il a préféré assurer avec 140 kg de N et 2 passages. Au final,avec une pression insectes plus faible cette année, mais aussi l’impasse au niveau fongicide, la meilleure parcelle affiche un coût mécanisation/intrants record de 144 €/ha contre 198 €/ha pour les itinéraires les plus onéreux avec des colzas très prometteurs. Cette expérience de modification de la place du colza dans la rotation fait ressortir le potentiel d’économies en matière d’intrants, de mécanisation comme de temps, sans tenir compte de la limitation des risques (repousses, limaces...). Une marge qu’il n’est possible de capter, essentiellement pour la partie impasse en désherbage, qu’à partir du moment où l’on pratique les TCS et le semis direct.

Philippe Pastoureau – (72) Colza derrière haricot : « C’est magique »

C’est l’expression de P. Pastoureau au regard de l’état de salissement de sa parcelle de colza implantée après une culture de haricot/légume « la parcelle est plus propre sans désherbage que sur des céréales avec 70 à 90 € de produits », confie-t-il. Après la récolte des haricots, la parcelle a été déchaumée au Compil, plus pour reniveler le terrain que faire un faux semis. Ce passage a cependant déclenché une bonne levée de dicots avec essentiellement des chénopodes, un véritable couvert qui a été passé au glyphosate (2,4 l/ha) le 20 août suivi d’un semis direct à l’Unidrill 10 jours plus tard. Contrairement aux implantations derrière céréales et surtout l’automne dernier avec la sécheresse, le colza a levé de manière régulière et le tapis végétal s’est progressivement consommé. « Il faut avouer », ajoute P. Pastoureau « que la préparation avant haricot associée à la reprise poste-récolte a fourni un super lit de semence. » En octobre,un fongicide a été positionné afin de ne pas prendre de risque vu le précédent mais aujourd’hui il regrette de ne pas avoir fait un témoin. Côté fertilisation,le colza qui avait absorbé 100 kg de N/ha a reçu 30 m3 de lisier (3 kg/m3 dont 2/3 assimilables) en février suivis de 40 kg/ha en mars pour aboutir à une fumure globale de 200 kg/ha. Enfin côté insecticides,P.Pastoureau a réalisé un passage à l’automne (tenthrèdes) et un second au printemps (méligèthes) mais il remarque que les plantes sur précédent haricot ont mieux supporté les attaques notamment celles de charançons. Au final,il est lui aussi très satisfait de cette première expérience avec une parcelle où l’objectif de rendement est aujourd’hui,et sans accident de 35 q/ha pour moins de 100 € d’intrants,alors que cette culture, depuis leur passage au TCS et SD il y a plus d’une demi-douzaine d’années,restait un peu la bête noire avec un rendement moyen de 25 q/ha. Cette expérience très positive a permis d’engager une réflexion sur le nouveau positionnement du colza sur son exploitation d’élevage. Il pourrait être ainsi implanté en direct derrière maïs ensilage afin d’aboutir à une rotation : maïs ensilage / colza (repousse de colza) / blé (mélange de couverts à pâturer) / maïs. Une option qui n’entraîne qu’une seule implantation de couverts tous les 3 ans avec la production d’une biomasse valorisable par le troupeau et qui éloigne le maïs du blé pour éliminer tout risque de fusariose et de mycotoxine. Vous pouvez suivre sa parcelle sur le site Agricool :

S. ET B. Chauvin - (79) Colza après maïs grain, pourquoi pas dans le Sud-Ouest lors de récoltes précoces ?

S. et B. Chauvin ont été touchés par les restrictions d’irrigation mises en place l’été dernier. Résultat : une parcelle de maïs positionnée en petite Groie n’a produit que 35 q/ha : une catastrophe. Afin de ne pas tout perdre et surtout récupérer l’azote non absorbé par le maïs, il décident d’implanter dès la récolte vers les derniers jours de septembre un colza à 3 kg/ha avec leur Samavator. La levée a été échelonnée et les colzas plus faibles qu’en traditionnel. À la sortie du printemps, ils ont cependant décidé de garder cette parcelle qui, aujourd’hui, finit par rattraper son retard. « Partir de l’idée d’utiliser le colza comme engrais vert, c’était certainement la moins mauvaise porte de sortie », affirme B.Chauvin. « L’implantation nous a pour ainsi dire rien coûté comme nous étions obligés de broyer et d’incorporer légèrement les pailles. De plus, comme nous n’avons réalisé aucun désherbage, la marge risque d’être tout à fait correcte », complète-t-il. Cet exemple d’implantation très tardive, suite à un échec cultural montre le potentiel d’adaptation de la culture du colza et confirme le faible coût, voire l’absence de désherbage derrière maïs et la majorité des cultures estivales à partir du moment où l’on est en TCS et SD. Ce témoignage renforce également l’idée d’implantations opportunistes pour le colza : semis systématique derrière des récoltes précoces de maïs sans autres frais que les semences. Si au printemps la culture est satisfaisante, elle pourra être conduite comme telle ou tout simplement être détruite après avoir joué son rôle d’engrais vert comme une vulgaire navette.

G. HEINTZ – (67) Semer le colza avec le couvert

La pratique des mélanges de couverts apporte de nombreux enseignements qui dépassent largement la gestion de l’interculture. Dans certaines parcelles où des colzas et des navettes avaient été glissés en petites quantités (comme dans cet exemple de Biomax), il est surprenant de voir comment les plantes se comportent et surtout de les retrouver au printemps suivant en pleine forme après destruction par roulage ou gel. Cette observation qui interpelle quelques TCSistes est certainement une nouvelle piste intéressante à ouvrir. Cette stratégie permettrait d’implanter précocement le colza, de couvrir la culture pour limiter le salissement et éventuellement le protéger des attaques de ravageurs, tout en produisant de l’azote pour l’alimenter à l’automne mais également à la reprise de végétation au printemps. Suite à ce constat lors de la visite d’une plate-forme de couverts végétaux au printemps 2005, G.Heintz a décidé de tester cette approche sur une parcelle de 4 ha. La récolte du blé a été réalisée le 25 juillet et le mélange (3 kg de colza/10 kg de tournesol/5 kg de vesce et 5 kg de phacélie) a été implanté en direct avec le semoir Great-Plains un mois plus tard sans avoir recours au glyphosate vu l’absence de repousses à cause de la sécheresse. Le mélange s’est ensuite bien développé et l’ensemble des plantes sauf le colza a été détruit par le gel pour laisser au printemps une parcelle de colza très acceptable. Mises à part quelques repousses de blé dans des zones creuses,la culture est propre sans avoir utilisé un quelconque désherbant avec en prime 130 kg d’azote comme reliquat dans le sol au printemps. Malheureusement et pour des raisons encore inexpliquées (semences de ferme d’hybride restauré, fortes attaques de méligèthes, ou problème de rinçage du pulvé au moment de l’insecticide), le colza n’a pas vraiment fleuri et la parcelle a dû être détruite et remplacée par un maïs. Cependant, hormis cette fâcheuse expérience, G. Heintz programme de couvrir ainsi, cet été, les 31 ha de blé et de ne conserver que les meilleures parcelles au printemps suivant. Il pense qu’un grattage et léger déchaumage avant le semis peut être favorable à l’élimination d’une grande partie du risque de salissement afin de ne plus avoir recours au désherbage ensuite. Le semis doit par contre être de qualité comme la semence et le mélange de couvert. Au pays de la monoculture de maïs, ce SDiste partisan du retour à une rotation est certainement en train de développer une nouvelle approche tant sécuritaire qu’économe. Affaire à suivre mais également à tester dans vos propres conditions…

Mélgèthes - Plantes pièges plus précoces

Le principe est simple : implanter, dans la même parcelle, deux variétés de colza de précocités différentes. L’idée étant, au printemps, lorsque les méligèthes commencent à arriver, de les attirer au maximum sur la variété la plus précoce dont les fleurs vont, normalement, s’ouvrir en premier. On a donc plus de chances d’épargner la variété d’intérêt, plus tardive, encore en boutons. Le pollen dont se nourrissent les méligèthes,est en effet plus accessible lorsque les fleurs sont ouvertes. Deux objectifs sont attendus : soulager la culture de la pression des insectes et diminuer l’usage des traitements insecticides. Deux types de dispositifs ont donc été testés par le Service de la Protection des végétaux, le Cetiom ou d’autres structures, voire par certains agriculteurs :
- le mélange variétal : la variété de colza choisie est mélangée à environ 4-5 % (voire 10 % en conduite biologique) avec une autre variété à floraison plus précoce en maximisant l’écart de floraison. À l’heure actuelle,on peut citer deux variétés qui montrent un vrai décalage de précocité : Cando et Caribou. Ce décalage devient, par contre, quasiment inexistant au moment de la récolte ;
- la bande en bordure de parcelle. Comme les méligèthes ont tendance à pénétrer dans les parcelles par les bordures, on sème sur les bords de la parcelle, une bande de la largeur du semoir avec une variété plus précoce, voire avec de la navette (à 5 kg/ha), crucifère à floraison plus précoce, plus attractive que le colza, à récolter séparément. S’il y a présence d’une zone boisée ou d’une haie, la bande est à positionner, en priorité, face à cette zone ou en bordure d’une autre parcelle de colza d’où viendront préférentiellement les insectes. Les résultats montrent que la piste est tout à fait prometteuse. Elle l’est d’ailleurs aussi vis-à-vis d’autres insectes comme le charançon du bourgeon terminal et le charançon des siliques (dispositif en bande). Par rapport aux méligèthes, les objectifs (réduction de la pression des ravageurs et moindre utilisation d’insecticide) sont atteints. Même si l’efficacité n’est évidemment pas à 100 %, l’attirance des méligèthes pour des variétés plus précoces est nettement observée. D’un point de vue pratique, pour l’agriculteur, le dispositif du mélange est plus facile mais il semble moins efficace que celui en bande (à confirmer). Pierre Delorme, agriculteur en Seine-et-Marne et TCSiste, pratique le mélange, bien qu’il ne traitait pas vraiment spécifiquement contre les méligèthes. Toutefois, dans le secteur, on commençait à sentir une certaine pression. Il a donc tenté le mélange variétal, en préventif, en 2004. Il a semé 5 % de Caracas, variété de colza très précoce, dans du pollen. Cette année-là, il y a eu effectivement plus de méligèthes qu’à l’accoutumée mais P. Delorme n’a pas traité et sur ses 110 ha de colza, 5 ha ont vraiment, passage compris, coûté environ 20 €/ha, la perte sur les 5 ha est largement compensée. Comme il le souligne : « J’ai mis en place une méthode préventive qui, même si elle n’est pas efficace à 100 %, a le mérite de limiter la pression des ravageurs sans rien coûter ! »

Le travail entrepris par les TCSistes depuis quelques années apporte aujourd’hui de multiples solutions pour contourner les limites de l’implantation du colza dans un mulch de paille. Si la gestion positive de la paille avec le semis monograine était déjà une avancée importante, la modification de la place du colza dans la rotation est une étape décisive. Cette approche permet non seulement de réduire les coûts d’implantation en favorisant le vrai semis direct, mais également les charges opérationnelles et plus particulièrement le poste désherbage et engrais azoté tout en améliorant les performances techniques. Cette ouverture démontre encore une fois la force et le dynamisme de l’agriculture de conservation, qui en développant une stratégie « système », permet, avec un peu d’expérience et de réflexion, d’esquiver la majorité des difficultés, voire d’en faire au final un atout.


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