Baisser les charges au maximum

Aude Richard - LA FRANCE AGRICOLE n°3544 ; 20 juin 2014

Dans le Loiret, Jean-Baptiste Drouin a changé radicalement sa manière de travailler. Il souhaite devenir complètement autonome.

« Longtemps, j’ai vu mon père sortir les enrouleurs, réparer la moissonneuse, aller traiter… Il travaillait du matin au soir, mais il ne lui restait pas grand-chose à la fin de l’année », se souvient Jean-Baptiste Drouin, qui exploite 177 ha à Girolles, près de Montargis, dans le Loiret. Lorsqu’il a repris la ferme familiale en 2005, un DUT génie bio- logique option agronomie en poche, ce fils de céréalier a complètement changé de modèle économique. Il convertit l’exploitation en agriculture biologique, sur deux ans. « Je ne connaissais rien aux traitements chimiques. Pour moi, c’était logique ! », avance-t-il.

En 2007, sa femme, Stéphanie, introduit un élevage de chèvres et transforme le lait à la ferme. Puis, un captage d’eau potable est déclaré prioritaire dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Dans le secteur, 2 000 ha sont concernés et l’on propose aux quarante agriculteurs une mesure agroenvironnementale territoriale (MAET) pour implanter de l’herbe. C’est le déclic. Jean-Baptiste saute sur l’occasion pour convertir 30 ha en herbe. Il touche 540 € /ha/an pendant cinq ans. A l’heure où de nombreux éleveurs préfèrent cultiver des céréales, lui décide d’acheter des aberdeens angus, des vaches écossaises qui vivent dehors toute l’année. La viande est vendue en direct.

UN COUVERT PERMANENT

Du côté des cultures, 70 ha de luzerne sont valorisés auprès d’une entreprise de déshydratation, la Sidesup ; 70 ha d’herbe servent pour les vaches, 5 ha de sapins de Noël sont plantés et vendus aux jardineries indépendantes, aux collectivités ou en vente directe. Pour les 32 ha restants, il applique à la lettre sa stratégie : ne rien acheter. « J’ai rangé mon chéquier ! Si je veux sortir un chiffre d’affaires correct, il faut absolument baisser les charges. Donc, je sème et je récolte. C’est tout. Ce n’est pas grave si les rendements sont bas, car je n’ai pas à faire face à des charges importantes », explique Jean-Baptiste. Autrement dit, pas d’irrigation, pas de fertilisation minérale, pas de traitement. Rien. Pour faire vivre et nourrir son sol, l’agriculteur le couvre de végétation de façon permanente. Il associe différentes céréales et légumineuses.

Cette année, il cultive 10 ha de féverole, triticale et trèfle en mélange, 3 ha de lin, 10 ha d’avoine, féverole, sarrasin et 9 ha de blé population. Il arrive qu’une précédente culture fasse surface. Comme le sarrasin, qui n’a pas pu être récolté à l’automne dernier, à cause d’un sol trop humide. « A la sortie de l’hiver, les champs étaient sales. J’ai donc scalpé la terre, puis semé de l’avoine et de la féverole. indique Jean-Baptiste. Le sarrasin a repoussé. Ça fait une culture supplémentaire. »

Pour le blé, il mélange une trentaine de variétés anciennes (Rouge de Bordeaux, Florence-Aurore, Blanc de la Réole, Zona de Remosa…). A l’automne 2013, il a apporté 12 t de fumier par hectare, puis semé sur de la luzerne. Le tout en un seul passage. A l’avant du tracteur, un broyeur effectuait la quatrième coupe de luzerne et, à l’arrière, le blé était semé. En moyenne, il atteint entre 20 et 30 q/ha, qu’il valorise directement auprès d’un meunier local, Matignon, à 465 € /t. « Grâce aux variétés anciennes et à la fertilisation organique, le taux de protéines atteint facilement 13,5 %. La farine est bien jaune, le meunier apprécie », ajoute Jean-Baptiste. Fidèle à sa philosophie, le jeune homme de 32 ans s’intéresse peu aux rendements : « J’ai soit du grain, soit de l’aliment pour les animaux. On arrive toujours à valoriser une culture. » Son but est de mettre en place un pâturage tournant où cultures et pâture se mélangent. En septembre 2013, il a semé de la féverole et du triticale dans un couvert de trèfle. Après la récolte des céréales cet été, le trèfle sera pâturé par les vaches. Mais un détail reste à régler : clôturer tous les champs.

UN SEMOIR MULTIPOSITION

En ce qui concerne le matériel, l’agriculteur applique aussi sa stratégie : « Du matériel en moins, ce sont des économies en assurances et en réparations. » Il a vendu les quatre enrouleurs et le pulvérisateur, troqué la moissonneuse-batteuse de 300 ch pour une plus petite, n’a gardé qu’un tracteur sur les quatre et un télescopique. Il utilise également quelques équipements de fenaison pour les chèvres et les vaches.

Mais son outil fétiche, c’est le semoir Eco-Dyn. Il lui permet de pratiquer un semis direct sous couvert. Car c’est avant tout un outil de travail du sol. Avec dix dents réglables en hauteur et en angle de travail, quatre roues de terrage, une herse-paille et deux rangées de dents vibro en biais, une multitude de positions de travail s’offre à lui. « On peut scalper, déchaumer, travailler en profondeur… Il faut aimer les clés de 19 et de 22, car une matinée est nécessaire pour tout régler ! » s’exclame-t-il. Un semoir avec trois trémies a été ajouté. Il permet de semer de la féverole à 5 cm de profondeur et du blé à 3 cm en un seul passage. Jean-Baptiste envisage de se lancer dans l’agroforesterie, en plantant mille arbres par an, pendant cinq ans. « Pour mettre en place un système durable, il faut du temps ! », lance-t-il.


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