Mardi 29 avril 2014
Frédéric Thomas

Après des séjours aux États-Unis et en Australie, Frédéric THOMAS débute son activité de conseil de terrain et, en 1999, il crée la revue TCS. Il s’appuie aussi sur sa ferme, en Sologne, des terres sableuses hydromorphes à faible potentiel, où il met en œuvre l’AC avec réussite. Il est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs du développement de l’AC en France.

Réflexion sur le BRF (Bois Raméal Fragmenté)

Bois raméal fragmentéAprès un certain engouement pour le BRF, le soufflé est un peu retombé. Les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous avec même quelques déceptions. Avant de croire aux solutions toutes faites et faciles, il faut se pencher sur les fondamentaux et comprendre comment le BRF impacte le fonctionnement du sol, sa fertilité, son activité biologique et aussi la manière dont l’eau et la température sont gérées.

Le BRF c’est d’abord un apport massif de composés végétaux plutôt ligneux à la surface du sol. Difficilement décomposables, ces résidus issus de tailles vont tout d’abord créer un « paillage  » qui va isoler le sol et le protéger des agressions du climat. Il va réduire l’impact de l’eau et du vent en automne et en hiver mais surtout beaucoup mieux accueillir l’eau et limiter l’évaporation et garder le sol au frais en été.

Au delà de conserver une ressource précieuse à cette période, il contribue aussi, en gardant le sol frais, au maintien et au déploiement de l’activité biologique qui va pouvoir continuer à fournir de la fertilité pour les plantes en minéralisant de la matière organique. A ce niveau l’activité biologique est davantage « boostée » par une amélioration des conditions de milieu apportée par la protection, que par le BRF en tant que tel. C’est certainement cet impact qui est le plus rapide et important, ce qui explique les résultats souvent extrêmement positifs voire bluffants en jardinage, dans des secteurs rocailleux, chauds et secs, où la protection du sol et la préservation de l’humidité est immédiatement très positive en été quels que soient les procédés. Cette protection, comme c’est le cas en AC des mulchs de couverts d’interculture, retarde par contre le réchauffement du sol et la minéralisation au printemps ralentissant ainsi le démarrage des cultures.

L’activité biologique va ensuite s’attaquer aux composés ligneux à C/N élevé du BRF et consommer de l’azote dans le sol sous-jacent pour se développer. Ainsi et dans un premier temps, le BRF risque de limiter de manière assez importante la disponibilité en azote pour les cultures, azote qui se trouve mobilisé par une activité biologique de décomposition. Ceci est d’autant plus vrai que le produit est très ligneux (c’est pour cette raison que les rameaux jeunes de moins de 7 cm de diamètre sont recommandés), broyé fin (la sciure sera pire qu’un déchiquetage) et légèrement incorporé au sol (le moins pire est sans doute de ne pas travailler du tout le sol).

Enfin, le BRF améliore la structure et la fertilité mais à plus long terme. Une fois la décomposition et l’humification amorcées par l’activité biologique, celle-ci va continuer de se développer grâce à la protection du mulch mais aussi à la présence d’une ressource alimentaire importante et un nouveau flux de minéralisation va se mettre en route apportant de l’azote mais aussi une fertilité plus globale. C’est seulement à partir de ce moment là, lorsque la période de transition ou dépressive en matière d’azote est dépassée, que l’impact global sur la fertilité minérale commence à être positif et durable.

Dans la réalité (au champ) c’est en fait souvent un équilibre entre ces deux effets immédiats et souvent antagonistes qui se cumulent. Ainsi l’impact d’un apport de BRF, bien que très lié au matières premières utilisées, à leur préparation mais aussi à la manière et aux doses apportées, sera surtout influencé par les conditions de sols et de climat. En situations plutôt sèches et chaudes et cultures d’été comme en jardinage c’est plutôt l’effet « paillage » qui sera dominant avec une influence très positive, alors qu’en condition fraîche et humide c’est plus le refroidissement du sol et la préhension d’azote qui seront limitants avec un impact immédiat plutôt négatif.

Le BRF reste donc une solution intéressante. Il exige cependant un savoir-faire spécifique et surtout doit être mise en œuvre dans des conditions de sol, de climats et de cultures ou les avantages immédiats du " paillage " dépasseront assez facilement les risques de préhension d’azote. C’est seulement en respectant cette approche et ces conditions, qu’iil sera possible sans déboire, de profiter à terme du réel impact régénérateur des sols qu’apporte de BRF. Enfin, et au vu des quantités de produits demandées pour couvrir le sol, cette technique est cependant à réserver au jardinage ou au maraîchage et éventuellement dans la reconquête de fertilité de zones très érodées en cultures ; mais elle est difficile à appliquer à grande échelle en agriculture.

L’Agriculture de Conservation avec la préservation des résidus en surface mais aussi la production de biomasse par les couverts fonctionne un peu comme le BRF au niveau de la protection du sol, avec en plus les exsudats racinaires des plantes vivantes, de la fixation symbiotique d’azote atmosphérique par des légumineuses avec des produits moins ligneux et moins restrictifs sur la fertilité lors de leurs premiers stades de décomposition.

Plus autonome, plus simple et moins couteuse à mettre en œuvre ; il ne faut pas surtout pas s’en priver plutôt que d’aller chercher encore en fois des solutions externes même si elles sont « organiques  » !!!