Vendredi 21 mars 2014
Matthieu Archambeaud

Après avoir rejoint F. THOMAS dès 2003 et mis en place le site agriculture-de-conservation.com, M. ARCHAMBEAUD a été l’un des initiateurs d’Icosystème, plate-forme d’apprentissage en ligne dédiée à l’agroécologie, l’agroforesterie et l’agriculture de Conservation qu’il anime aujourd’hui.

Semer du blé dans des couverts en été

Les dégâts du coup de gel de février 2012 sur un triticale semé l'été précédent dans un mélange de couverts. Je réactive un vieux sujet écrit il y a trois ans et qui me semble tout à fait d’actualité. Il concernait un essai de semis de triticale au 15 août dans un couvert, réalisé par l’INRA de Mirecourt. L’idée est de semer une céréale précocement avec le couvert de l’après moisson pour qu’elle s’installe parfaitement avant l’hiver sans avoir besoin de ressemer à l’automne dans un couvert développé (et donc sans avoir besoin d’un semoir très spécialisé). La technique serait comparable à ce qui se fait désormais couramment pour le colza associé.

Les obstacles principaux semblent être les ravageurs, le salissement mais surtout le risque de destruction de la culture par l’hiver :
- Les ravageurs : plus on camoufle une culture au milieu d’autres espèces, moins les risques de prédation sont élevés (également validé par le Jean-Pierre et Véronique Sarthou et le CETIOM sur colza associé) ;
- Le salissement : Plus le couvert est dense, semé tôt et sans travail du sol, plus il est propre. Dans tous les cas si le mélange se salit, rien n’empêche de le détruire et de repartir sur une céréale d’hiver semée classiquement, voir une culture de printemps ;
- Le problème de l’hiver : la vraie question est de savoir si une céréale semée en août (et pourquoi pas en juin ou en juillet) est capable de passer l’hiver.

Pour y répondre, une remarque et quelques observations visuelles :

- Premièrement, Marc Pottier, technicien de la CORAB, m’avait fait remarquer que beaucoup des variétés de céréales d’hiver que nous utilisons en France sont alternatives, contrairement à celles qu’utilisent nos voisins de l’Est aux hivers plus rigoureux (Allemagne, Autriche, etc.). Je le cite : « j’ai regardé ce qui pouvait se semer très tôt. Il faut que 2 caractères soient favorables : alternativité le plus hiver possible, et précocité montaison la plus tardive possible. Le meilleur des blés utilisés en bio serait Renan qui a une note de 1 pour les deux caractères. Ensuite voici ce que j’ai trouvé (alternativité - précocité montaison) : Chevalier 2 - 2, Hendrix 2 - ?, Attlass 4 - 4, Pirénéo H - 1/2 p, Saturnus ? - 1/2 p, Renan 1 - 1, Pannonikus ? - ? Midas H - 1/2 P, Lukulus H - ?, Element H - 1/2 P, Astardo ? - ?, Triso, Togano sont printemps. En triticale Tarzan est à 2 - 4, Tremplin est tardif montaison ; en orge hiver, Bastille est Hiver mais précoce, Himalaya est alternatif. Les orges 6 rangs sont toutes alternatives ; l’avoine nue Grafton est 1/2 hiver ; les seigles sont tous très hiver sauf Caroass seulement hiver. Alkor en épeautre serait hiver et tardif montaison. »
- Une première observation maintenant : la photo du début du post montre un triticale dans un couvert gelé, et date de l’année 2011-2012, soit un hiver très doux suivi d’un fort coup de gel : l’épi était déjà sorti avant Noël. Bilan, quelques dizaines de kg de semence de ferme perdus et ressemis d’une céréale de printemps (d’autant plus qu’on divise la dose de semis de la céréale par deux pour chaque mois anticipé puisqu’en théorie elle tallera davantage : 40-50 kg/ha en août et 20-25 kg/ha en juillet ? -> à tester) ;
- Un deuxième constat sur la plateforme d’essai du semencier Caussade : une même variété d’avoine semée début août 2013 en pur ou associée à de la moutarde a donné deux résultats totalement différents (voir la photo ci-dessous) : l’avoine semée en solo a bien profité de l’automne et a été détruite malgré l’absence de gel de cette année, alors que celle semée avec de la moutarde a été concurrencée par cette dernière et semble bien mieux partie.

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Cela montre que tant que la céréale reste au stade tallage, elle a toutes ses chances de passer l’hiver et de redémarrer en temps et en heure. Le plus simple est sans doute d’accompagner la culture avec des plantes compagnes favorables qui vont tout à la fois la maintenir propre, doper l’activité biologique et la fertiliser lorsqu’elles auront été détruites soit par le gel (semis précoce d’un couvert hâtif et gélif), soit mécaniquement par un outil (faucheuse, rouleau ou broyeur) ou mieux encore pâturées par un troupeau (qui détruira également les limaces) : voir à ce sujet les essais de l’INRA de Lusignan : Pâturer une céréale sans trop pénaliser le rendement grain : effet de la date d’exploitation et de l’espèce et Le pâturage de triticale en fin d’hiver permet d’avancer la mise à l’herbe en troupeau laitier.

On attend avec impatience vos essais, vos remarques...

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