Mardi 20 août 2013
Frédéric Thomas

Après des séjours aux États-Unis et en Australie, Frédéric THOMAS débute son activité de conseil de terrain et, en 1999, il crée la revue TCS. Il s’appuie aussi sur sa ferme, en Sologne, des terres sableuses hydromorphes à faible potentiel, où il met en œuvre l’AC avec réussite. Il est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs du développement de l’AC en France.

Réflexion sur la fertilité au travers de l’exemple du maïs sous plastique

Maïs sous plastique en Bretagne

Au vue de cette photo, prise dans une parcelle en Bretagne au printemps dernier, la technique du recouvrement du sol par un film plastique semble intéressante bien qu’onéreuse et peu défendable au niveau écologique. Cependant, cet exemple ou quelques rangs n’ont pas eu la chance d’être protégés est intéressant à plusieurs points de vue. Il permet entre autres de réfléchir à ce qu’apporte vraiment cette technique et comment nous pouvons contourner voire améliorer beaucoup de ces paramètres par l’AC.

En couvrant et établissant un « effet de serre » localisé, le sol va se réchauffer plus rapidement sous le plastique, ce qui va faciliter une germination plus précoce et plus rapide. C’est l’impact indéniable mis en avant de ce système et c’est certainement le seul point positif (qui reste cependant à moduler avec la météo de l’année). S’il est compliqué de « réchauffer » le sol autrement, un travail localisé comme le strip-till contourne en partie ce manque de température précoce en AC et surtout en semis direct.

Le réchauffement du sol va aussi induire une accélération de la minéralisation de la matière organique et des relations biochimiques, et donc une forte augmentation de la fertilité disponible pour les jeunes plantules. Au stade où la photo a été prise (mi- juin), ce n’est plus seulement le retard de végétation qui explique le décalage entre les rangs ou la couleur des plantules, ce n’est pas non plus la température atmosphérique (même si elle était encore particulièrement fraîche à cette époque), puisque la partie aérienne des deux maïs sont soumis aux mêmes aléas : c’est seulement la température du sol et donc la disponibilité et les flux d’éléments minéraux. S’il est compliqué de réchauffer le sol, il est, par contre, possible de doper la fertilité au démarrage de la culture dans la zone de prospection racinaire. Un engrais starter, la localisation d’une partie de la fertilisation et l’anticipation des apports d’azote (sur des sols qui fonctionnent bien) seront autant de moyens pour couvrir les besoins précoces du maïs en attendant le réchauffement et la mise en place des processus biologiques qui prendront le relais en cours de végétation.

Le film plastique limite ensuite l’évaporation et c’est ce qui procure souvent, notamment lors d’un printemps et début d’été plutôt sec, un bénéfice de rendement. A ce titre l’écran d’un couvert végétal et d’un mulch de résidus peut être tout aussi efficace pour conserver l’eau dans le profil tout en favorisant l’accueil et l’infiltration des pluies à l’inverse de la couverture plastique. En concentrant cette eau dans les entre-rangs elle peut même accentuer les phénomènes de ruissellement et d’érosion.

Enfin, et si le mulch organique réduit la montée en température du printemps, il permet de garder un sol beaucoup plus frais en été avec des températures qui sont plus favorables au développement racinaire du maïs et à l’activité biologique : l’exploration racinaire d’un maïs et l’absorption des nutriments diminuent lorsque le sol atteint 22°C et se trouve fortement ralenties lorsque la température du sol dépasse les 35 °C. Ainsi et après les bénéfices du démarrage, le mulch plastique ne joue plus à son avantage. Cette remarque permet aussi de signaler que l’irrigation impacte positivement le système non seulement en apportant de l’eau pour facilité les transferts sol-plante, mais dope aussi la minéralisation et donc la fertilité disponible tout en refroidissant des sols qui peuvent avoir trop monté en température.

Alors faut-il, comme avec le travail intensif du sol, doper le démarrage des cultures et se rassurer quitte à traîner quelque défauts (hors mis les coûts de mise en œuvre) qui peuvent ruiner en partie ces avantages ; ou plutôt comprendre les mécanismes en jeu et adapter nos pratiques pour contourner des démarrages moins fulgurants tout en capitalisant sur une bien meilleure valorisation des ressources et des potentiels pédoclimatiques.