MAÏS SEMENCE : DU TCS AU SEMIS DIRECT

Jean-Marc ALBOURIE (LIMAGRAIN AGRO-PRODUCTION) - TCS n°72 ; mars-avril-mai 2013

Le groupe Limagrain, 4e semencier mondial, est un acteur majeur dans la production de semences de maïs. Cette activité est réalisée en partie dans la plaine de la Limagne autour de Clermont-Ferrand sur environ 6 000 ha.

La production de maïs semence est une culture très technique. La synchronisation des floraisons des parents mâles et femelles est un impératif qui s’obtient avec un décalage dans les dates de semis. La multiplication des passages dans les parcelles occasionne des trafics qui favorisent la compaction des sols. Les lignées sont moins vigoureuses que les hybrides ce qui les rend plus vulnérables aux attaques parasitaires et à l’état de la structure du sol. Pour atteindre un développement optimal, et obtenir une levée rapide et homogène, la protection phytosanitaire obligatoire de base comprend un traitement de semences et une fertilisation starter.

Les techniques simplifiées sont aujourd’hui bien maîtrisées

En Limagne, tout de même 10 % des surfaces en maïs semence ne sont pas labourées. Les rotations culturales sont souvent courtes (maïs/ blé) et les matériels de plus en plus lourds. Les problèmes de compaction des sols très argileux ont conduit la coopérative à constituer un groupe de travail avec une dizaine de producteurs pour acquérir des références en matière d’implantation du maïs semence en non-labour. Les essais menés depuis 2010 montrent qu’il n’y a pas de différence entre le labour et les techniques TCSL (bêche, décompacteur ou travail très simplifié). Les peuplements sont préservés, la végétation n’est pas impactée, la floraison est identique, voire plus précoce et les niveaux de rendement sont équivalents. Ce qui veut dire que la production de maïs semence en TCSL est tout à fait réalisable, même si ces pratiques nécessitent plus de technicité.

Le semis direct sous couvert est encore en phase d’expérimentation

Bien qu’elles apportent un plus en matière de fertilité de sols (augmentation de la matière organique, de l’activité biologique…), les TCSL ne répondent que partiellement à la protection des sols face à l’érosion, qu’elle soit hydrique ou éolienne. La technique la plus efficace est le semis direct sous couvert végétal. L’objectif est de laisser les sols couverts en permanence, en alternant cultures et couverts végétaux. Les sols sont ainsi protégés par la végétation et les racines des plantes.

Depuis quelques années, des rencontres et formations sur le semis direct sont menées dans le cadre du groupe de travail sur le non-labour en maïs semence. Forts de connaissances plus amples sur cette technique, nous avons mis en place, en juillet 2011, différents couverts à base d’avoine diploïde et de légumineuses (trèfle incarnat, trèfle d’Alexandrie, fèverole, vesce velue).

Ces couverts ont été semés au DP21 dans une parcelle de blé environ quinze jours avant la moisson. L’objectif est de semer les couverts tôt afin qu’ils couvrent suffisamment le sol pendant l’hiver. Le mélange vesce velue + avoine diploïde a apporté à la fois la meilleure couverture et la meilleure structure au sol. Ces conditions de semis ont été défavorables à la féverole qui, de part la grosseur de sa semence, nécessite un bon recouvrement, ce qui n’a pas été le cas dans notre essai. Le trèfle incarnat, quant à lui, n’a pas apprécié le coup de chaleur de la semaine du 15 août 2011.

Les attaques de limaces ont été nombreuses malgré une double protection au semis (en raie de semis et en plein) mais sans pertes de pieds significatives. Ce sont sur les couverts à base de trèfles que les attaques ont été les plus importantes.

L’enherbement est important à l’emplacement des couverts peu développés à savoir avoine + fèverole et avoine + trèfle incarnat. On retrouve majoritairement des sétaires qui sont particulièrement difficiles à éliminer en production de semence compte tenu de la forte sensibilité des lignées à l’herbicide Milagro.

Les résultats montrent une perte de rendement en moyenne de 15 % par rapport à la modalité TCSL sans couvert. Cela s’explique surtout par une perte de peuplement de 10 % mais aussi par des épis plus courts.

L’enracinement est moins bon en semis direct car il n’existe plus dans le sol de porosité mécanique. La seule porosité est d’ordre biologique et les spécialistes soulignent qu’il faut 5 ans de semis direct pour obtenir une porosité satisfaisante. Ces résultats sont encourageants car il faut les replacer dans le contexte climatique de 2012 : printemps très humide (160 mm en mai sur l’essai  !) et été chaud et sec. Il n’est bien entendu pas question de développer le semis direct sur l’ensemble de la Limagne, mais cette technique peut apporter de réelles solutions dans les parcelles où le risque érosion est élevé. Nous devons poursuivre les essais pour adapter la technique aux spécificités du maïs semences : augmentation de la densité de semis de 10 %, adaptation de roues plombeuses crantées pour fermer la ligne de semis, antilimaces indispensable, adaptation de la fertilisation NPK, positionnement des herbicides de prélevée. Les couverts végétaux retenus sont à base de légumineuses : la vesce est intéressante par son développement végétatif mais refroidit le sol.

Les trèfles sont sensibles aux étés chauds et secs que nous avons régulièrement en Limagne. La fèverole peut être une piste intéressante à condition de la semer avec un semoir adapté aux grosses graines. Nous devons également travailler la destruction des couverts en limitant l’usage du glyphosate.

La production de semences de maïs est une culture à très forte valeur ajoutée. Il est indispensable de sécuriser l’itinéraire cultural afin de garantir une productivité satisfaisante pour préserver le revenu des producteurs et garantir l’activité économique de la coopérative Limagrain. Nous savons aujourd’hui répondre à ce double enjeu avec les techniques simplifiées. Concernant le semis direct, des travaux restent à conduire pour bâtir un itinéraire technique de base, sachant qu’il sera toujours nécessaire de l’adapter en permanence aux conditions du moment, ce qui constitue la vraie difficulté de cette technique.


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