Strip-till : Une technique efficace sur maïs si elle est bien positionnée

Damien Brun, Thibaut Ray, Romain Légère, Alain Authier ; ARVALIS-Institut du végétal ; PERSPECTIVES AGRICOLES - n°399 - avril 2013

Comme toute technique de travail du sol simplifié, le strip-till requiert certaines précautions d’usage. Après deux ans d’expérimentation sur trois sites, ARVALIS – Institut du végétal montre que le positionnement d’un strip-till et le réglage de la machine sont déterminants pour la réussite du maïs.

À l’image de la grande majorité des cultures de printemps, le maïs est souvent implanté après un labour. Seuls 20 % environ de la sole ne sont pas dans ce cas, selon l’enquête sur les pratiques culturales publiée par le ministère de l’Agriculture en 2006. Aux côtés de plusieurs centaines d’outils en service, le strip-till représente une nouvelle solution de simplification mais il requiert un minimum de maîtrise technique. Son efficacité à préparer une ligne de semis propre et meuble repose sur une bonne anticipation du passage et un bon réglage du matériel. Ce sont les principaux enseignements des premiers essais réalisés par ARVALIS – Institut du végétal sur le sujet.

Trois sites, trois systèmes de culture

Trois sites ont accueilli ces expérimentations  : Lyon St-Exupéry dans le Rhône dès 2010, Gollainville dans le Loiret et la Jaillière en Loire- Atlantique à partir de 2011. Au moins trois techniques d’implantation ont été comparées à chaque fois : labour, sans labour classique selon les techniques simplifiées représentatives de la région et striptill. Ce dernier s’est appuyé sur plusieurs machines selon les années (Orthman, Kuhn, Stripcat…). Seul le site de Gollainville a permis de comparer trois strip-tillers deux ans de suite (encadré).

Chaque site se distingue également par son système de culture et son type de sol. À Lyon, il s’agit d’une monoculture de maïs irrigué conduite sur un sol très léger et caillouteux (type alluvions). À Gollainville, un sol intermédiaire de limons argileux (avec 25 % d’argile) accueille une rotation céréalière intégrant des bett eraves sucrières et du maïs grain. À La Jaillière, le maïs s’insère dans une rotation traditionnelle de système polycultureélevage de l’Ouest sur un sol léger (limons sur schistes).

Intervenir sur un sol friable et ressuyé

Les essais ont d’abord montré que le strip-till ne supportait pas toutes les conditions de sol. Il doit être réalisé sur un sol friable, contrairement au labour qui peut accepter une consistance semi-plastique.

Cet impératif tient aux pièces travaillantes utilisées (chasse-débris, disques gaufrés…) qui ne peuvent plus assurer leurs missions en conditions humides. Or celles-ci sont multiples : l’unité nettoie la ligne de semis, la fissure, mélange les débris végétaux à la terre, rappuie le sol et crée de la terre fi ne pour un lit de semences satisfaisant. Il est donc recommandé d’intervenir à l’automne dès la mi-octobre, ou d’attendre que le sol soit ressuyé au printemps pour éviter que la terre soit collante.

Les fenêtres d’intervention fluctuent selon le type de sol et la date de semis du maïs. Lorsqu’elle est précoce (15 mars au 10 avril), un seul passage de strip-till au printemps peut entraîner un émiettement insuffisant. Dans ce cas, un travail anticipé dès l’automne suivi ou non d’une reprise superficielle est préférable. A contrario, un semis plus tardif offre davantage de latitude dans le choix des dates d’intervention, le sol étant dans un état de ressuyage plus satisfaisant.

En sol léger, un passage à l’automne est déconseillé sous peine de prise en masse de la bande travaillée. En revanche, en cas de semis tardif, un passage unique, dissocié ou combiné au semis, est efficace.

Réussir la levée

Par ailleurs, les essais ont montré que le strip-till donnait de meilleurs résultats dès lors que son passage laissait un sol bien rappuyé et émietté. Deux paramètres ont été surveillés : la qualité de la levée et le rendement final. En maïs, une levée synchrone et un peuplement suffisant sont des incontournables pour la réussite de la culture. Sa capacité de compensation est limitée par rapport aux céréales à paille et des compétitions importantes entre pieds existent en cas de levées échelonnées. De fait, le nombre de plantes par hectare est une des composantes primordiales du rendement du maïs.

Trouver le bon créneau en sols intermédiaires

À Gollainville, le maïs est implanté après un couvert végétal totalement détruit lors du semis. La gestion des résidus pose donc peu de problèmes. Les différents modes de travail du sol se sont plutôt distingués par le niveau d’émiettement de la ligne de semis. Un net écart, de l’ordre de 10 000 pieds/ha, est apparu entre le labour et le semis direct en 2011 comme en 2012. Les trois modalités de strip-till mises en place sur ce site se sont positionnées entre ces deux extrêmes (encadré). En 2011, les levées plutôt rapides, du fait d’un mois d’avril chaud, ont rapproché le strip-till des bons taux obtenus avec le labour, alors qu’en 2012, les levées très lentes l’ont pénalisé.

Au sein des trois modalités en striptill, la préparation au Rotasemis, qui produit un lit de semence plus fin, s’est démarquée légèrement de celles obtenues avec les strip-tillers Striger et Jammet. Difficile pour autant de préconiser cet outil tant son débit de chantier (3-4 km/h) est aujourd’hui rédhibitoire. Ces résultats plaident toutefois pour une combinaison de passages incluant du travail d’automne « relativement grossier » susceptible d’évoluer au cours de l’hiver, et une reprise très superficielle lors du printemps pour des cultures à semis précoces et très exigeantes vis-à-vis du lit de semences. Mais trouver le créneau optimal en sol intermédiaire reste une des difficultés.

Monoculture : travailler sur des parallèles annuelles

Dans l’essai de Lyon mené en monoculture et sur des sols très légers, les levées sont apparues systématiquement pénalisées en strip-till par rapport au labour : de -5 à -10 % selon les années (figure 1). En fait, le passage de l’outil a lieu environ un mois avant le semis et la gestion des résidus de maïs peut poser problème. La présence importante de résidus génère des défauts de contact entre le sol et la graine au moment du semis si les bandes de travail ne sont pas parallèles à la ligne de semis de l’année précédente, qu’il y ait ou non mulchage. Travailler de biais ou même à la perpendiculaire de l’année précédente constitue une erreur à ne pas commettre.

Le strip-till peu efficace sur un précédent prairie

À la Jaillière, les différentes modalités ont donné des résultats similaires quant aux levées du maïs car les sols limoneux ne posent pas de problèmes de terre fine (figure 1). En 2012, l’implantation du maïs après un strip-till n’a pas été perturbée par le couvert végétal mis en place après le blé tendre. En revanche, la situation s’est avérée plus délicate en 2011 sur un précédent prairie. Son système racinaire fasciculé a créé des touffes et un sol creux, ce qui s’est traduit par un manque de rappui de l’élément semeur. Cette difficulté peut également survenir sur maïs après une culture en dérobé. Pour surmonter ce problème, le semoir monograine a été changé au profit d’un modèle intégrant un système d’enterrage à l’américaine avec des éléments semeurs plus lourds.

Des rendements en progression

Les tendances observées avec les levées se sont vérifiées du côté des rendements (figures 2 et 3). Le striptill a conduit à des productivités statistiquement plus faibles en 2010 et 2011 sur les sites de la Jaillière et de Lyon. Ces écarts sont directement liés aux difficultés relatives à l’établissement d’un bon contact sol/graine au moment du semis. Grâce aux quelques aménagements opérés entre 2011 et 2012 (changement de semoir à La Jaillière et travail en bandes parallèles à Lyon), les résultats du strip-till se sont améliorés : la technique ne diffère plus statistiquement de la référence labourée.

Sur le site de Gollainville où les résidus ont posé peu de problème, les rendements obtenus après un strip-till se sont avérés logiquement meilleurs qu’en absence de travail du sol. En 2012, ils ont atteint sur ce site 130,2 q/ha. Les expérimentations vont se poursuivre dans les années à venir avec l’étude de la localisation de l’azote avec le strip-till.


Strip-till Des améliorations possibles en pensant autrement l’itinéraire du maïs

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Sur maïs, le strip-till n’est pas une technique qui se substitue à une autre. C’est un autre mode de raisonnement de l’itinéraire de la culture. Le désherbage, la fertilisation organique et minérale et la gestion des cultures intermédiaires sont les trois points à repenser pour valoriser au mieux cette technique.

Travailler le sol sur une bande de 15 à 20 cm de large pour préparer la future ligne de semis n’est pas anodin. Les spécificités engendrées par le strip-till ont des répercussions plus ou moins importantes sur la totalité de l’itinéraire technique du maïs. Pour en tirer le meilleur parti, certains postes peuvent être repensés, tels que le désherbage, la fertilisation et la gestion des couverts intermédiaires.

Strip-till et binage ne font pas bon ménage

Pour le désherbage, il devient intéressant de profiter de la bande travaillée pour localiser le traitement herbicide lors du semis. Cette stratégie se justifie d’autant plus que les débris végétaux présents sur l’inter-rang non travaillé peuvent gêner l’efficacité d’un traitement en plein d’herbicides racinaires de prélevée. Désherber sur le rang est également une source d’économie de produit. Celle-ci dépend de la largeur de la bande travaillée et de l’inter-rang. Dans le cas d’un semis à 50 cm avec des bandes de 20 cm de large, il est possible d’utiliser moins d’herbicides en divisant la surface traitée par deux.

Il est toutefois nécessaire de compléter le désherbage localisé avec un passage en post-levée en plein pour nettoyer l’inter-rang. Ce traitement ne peut pas être remplacé par un passage mécanique car les bineuses européennes ne sont pas conçues pour travailler sur un sol dur et recouvert de débris végétaux. Seuls des sarcleurs lourds américains pourraient faire l’affaire.

Et encore : cette intervention mécanique risquerait de remettre en germination des graines d’adventices jusque-là incapables de lever sous le mulch de débris végétaux. Pour limiter ce risque, il faudrait donc intervenir tard, vers le stade 6-8 feuilles du maïs pour que les rangs recouvrent le plus vite possible les inter-rangs.

Anticiper le calendrier des apports organiques

Autre poste à revisiter avant de se lancer dans le strip-till : la fertilisation du maïs. Cette culture est très souvent utilisée pour valoriser les produits résiduaires organiques (Pro) au sein des exploitations de polyculture-élevage. Or l’adoption du strip-till peut bouleverser certaines habitudes et doit conduire à une réflexion de fond sur la stratégie de fertilisation organique. Si la pratique habituelle consiste à apporter des fumiers, il devient par exemple impossible de les enfouir complètement. Un enfouissement à l’aide d’un travail très superficiel peut néanmoins avoir lieu dans certains cas (sols légers), mais il risque de provoquer des levées d’adventices dans la culture, par effet de faux-semis. Si des effluents liquides tels que les lisiers et les digestats de méthanisation sont apportés, le strip-till peut au contraire devenir un atout et servir de système d’injection.

Les dates et conditions d’intervention constituent un autre point délicat : il faut trouver un compromis entre des bonnes conditions d’épandage (sol portant non tassé…) et les contraintes réglementaires liées au calendrier d’épandage de la directive nitrates. Lorsque la réglementation le permet, l’automne constituerait la période à privilégier pour l’épandage des Pro afin de préserver au maximum la structure du sol et faciliter l’émiettement des bandes de terre lors du passage du strip-tiller.

Engrais localisés : des risques de pertes

En ce qui concerne les apports d’engrais minéraux, la localisation de la fertilisation est souvent citée comme l’un des intérêts majeurs de la technique strip-till. Si elle a l’avantage évident d’économiser un passage d’outil, rien ne prouve qu’elle améliore l’efficacité des éléments minéraux apportés sur la bande travaillée. Sur le papier, cette technique peut diminuer les pertes d’azote ammoniacal et mettre à disposition au plus près des racines l’azote, le potassium et le phosphore… Mais en pratique, le temps séparant le passage du strip-tiller et la phase d’absorption des éléments par les racines nuance ces intérêts (figure 1). Par exemple, les besoins en azote du maïs deviennent significatifs 40 jours après la levée, lorsque le maïs est en moyenne à 6-7 feuilles.

À ce stade, le système racinaire de la culture avoisine les 15-20 cm environ, soit la profondeur classique du dépôt de l’engrais avec le strip-till. Les racines sont donc potentiellement capables de valoriser l’azote apporté au moment du strip-till. Mais pour peu que cette opération ait été combinée au semis du maïs, il s’écoule en moyenne 50 jours (et plus dans le cas de strip-till en décomposé) entre l’apport d’azote et son absorption par les racines. Durant un tel laps de temps, les évolutions et transformations de l’engrais (organisation dans la matière organique, lixiviation) peuvent engendrer des pertes significatives, préjudiciables à l’efficacité de l’apport.

Ne pas concentrer les apports sur le strip-till

Il semble donc inopportun de concentrer la totalité des apports d’azote sur l’opération de strip-till. Il en est de même pour les apports localisés de phosphore (P) et de potassium (K) combinés au striptill. Même si l’enjeu est moindre que celui lié à l’azote, apporter l’engrais PK trop longtemps avant le semis du maïs ne va pas non plus dans le sens d’une plus grande efficience agronomique. Par exemple, dans les sols à forts pouvoir fixateur du P2O5 ou à fort potentiel de lessivage du K2O, une baisse rapide de la biodisponibilité des éléments PK peut avoir lieu si l’apport est trop éloigné de la phase précoce de besoins de la culture. Cela peut se produire dans le cas où le strip-till est passé deux à trois mois avant le semis du maïs.

Fractionner les apports en végétation

Compte tenu de leur coût sans cesse croissant, les fertilisants doivent être les plus efficients possible. Pour les éléments PK, les apports en début de cycle (starter complété ou non par des apports en végétation) sont à privilégier. Concernant l’azote, des apports localisés de doses limitées peuvent se justifier au moment du strip-till. Mais ils doivent être complétés par des apports en végétation, du stade 6-8 feuilles jusqu’à la limite de passage du tracteur.

Pour compléter spécifiquement la technique strip-till, des localisateurs d’engrais en végétation commencent à arriver sur le marché. Ils permettent de positionner l’engrais à proximité des racines avec un bouleversement limité de terre sur un sol dur et encombré de débris végétaux. Conçus simplement autour d’éléments à disques montés sur une poutre, ces outils font référence à la technique pratiquée outre-manche dite de « side-dressing  ». Dans ce cas, tous les apports d’engrais peuvent être localisés au plus près des racines.

Pas de travail profond pour détruire les couverts

Comme le strip-till est essentiellement utilisé avant l’implantation d’une culture de printemps, celle-ci est souvent précédée d’un couvert végétal hivernal. La gestion de ce couvert doit donc également être prise en compte pour la réussite du strip-till. En sols lourds à intermédiaires, le passage du strip-tiller doit avoir lieu à l’automne avant la destruction complète du couvert végétal. Cela favorise une évolution correcte de la structure de la bande travaillée. Pour détruire le couvert, tout travail profond est à proscrire. Il faut plutôt privilégier sa destruction par le gel s’il survient, ou par un roulage ou bien une intervention chimique. Sous l’impulsion du strip-till, un nouveau mode de raisonnement des couverts émerge en France : le travail en bandes serait appliqué au niveau des espèces implantées en cultures intermédiaires (encadré 1).


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