Samedi 30 mars 2013
Jean-Marc Sanchez

Couverts végétaux : interview d’un spécialiste

Pour un sujet comme les couverts végétaux, nous avons posé les premières questions à un producteur de semences de couverts, un des leaders de ce marché, la société Jouffray-Drillaud.

Interview de Philippe GRATADOU : Directeur Semences à Jouffray-Drillaud.

« - Pourquoi utiliser un couvert végétal en interculture ? »

« Un couvert végétal semé entre 2 cultures (le plus souvent entre une culture récoltée en été et la culture suivante semée au printemps) possède plusieurs fonctions qui dépasse la définition réductrice de CIPAN (culture intermédiaire piège à nitrates). On pourrait même les assimiler à des clés à « six pans » tellement ils sont multifonctionnels !

La capacité à absorber des éléments minéraux est la fonction la plus reconnue, en particulier les nitrates : issus de reliquats post récolte qui par les pratiques de fertilisation sont réduites au maximum, mais aussi provenant de la minéralisation naturelle de la matière organique des sols.

Cette capacité d’absorption s’étend aussi a d’autres minéraux du sol : qui sont nécessaires à sa croissance : ainsi la production moyenne de 2 t de Matière sèche à l’automne permet de « piéger » sous forme organique : environ 50 kg d’azote, 60 kg de potasse, 15 à 20 unités de phosphores, mais aussi d’autres éléments mineurs et oligoéléments. Ces éléments, en particulier les nitrates sont soustraits au lessivage lors des pluies d’automne limitant ainsi la pollution des nappes d’eau.

Ces éléments minéraux temporairement piégés seront restitués à la culture suivante, de façon plus ou moins rapide en fonction de la composition C/N du couvert. Plus le couvert sera riche en légumineuse, riche en azote, plus la restitution sera rapide au printemps. Cet apport « gratuit » d’azote pourra contribuer à des gains de rendement voire à des économies de fertilisation azotée.

La 2eme est la limitation du salissement des parcelles :

C’est bien connu, la nature a horreur du vide : si le sol est laissé nu, une végétation principalement constituée d’adventices se développe et nécessite sa destruction avant remise en culture. Un couvert végétal semé permet de couvrir le sol, limitant la levée de mauvaises herbes. Il agit par compétition ou par phénomène d’allélopathie.

D’autres bénéfices peuvent être pris en compte :

  • Le végétal détruit avant le semis de la culture suivante enrichit le sol en matières organiques, et contrairement aux idées reçues, améliore fortement le taux de MO des sols, d’autant plus si cette technique est régulièrement pratiquée dans la rotation,
  • Le couvert peut, si dès le départ on a choisi une composition d’espèces consommables, constituer une source alimentaire d’appoint pour les animaux d’élevage,
  • Le couvert interculture peut aussi être choisi pour créer des ruptures parasitaires voire même réduire le parasitisme. L’exemple le plus connu étant l’utilisation de crucifères anti nématodes précédant la betterave à sucre,
  • On peut aussi réduire certains parasites telluriques par la technique de biofumigation, par broyage et enfouissement de crucifères spécifiques,
  • Un couvert végétal en automne constitue un milieu de biodiversité favorable à la faune sauvage et peut fournir une source alimentaire pour les pollinisateurs.

Les bénéfices sont de plusieurs ordres :

  • Economie d’éléments minéraux par leur restitution ou leur organisation sous forme assimilable : 50 à 100 €/ha,
  • Amélioration de la structure : entraînant des réductions de carburant lors du travail du sol. Dans certaines pratiques sans labour, le couvert peut constituer l’économie de passages de matériel pour la préparation des terres.

Le coût :

Le coût d’un couvert végétal dépend de sa composition et peut varier de 20 à 60 €. Les légumineuses peuvent paraître plus chères à l’achat, mais le retour sur investissement est bien plus important que des espèces plus économiques comme la moutarde, ne serait ce que par rapport à leur amélioration de la fertilité du sol, pour des gains de rendement plus importants.

Pratiques Culturales :

Sachant qu’un couvert efficace est un couvert réussi, le point important est de réussir l’implantation en adoptant des principes clés.

  • Un minimum de préparation superficielle et un semis qui peut être combiné au déchaumage ; avec un épandeur anti limace. Le semoir à céréale est bien sur l’idéal pour respecter la profondeur de semis et la répartition des graines.
  • Bien choisir le couvert : la capacité d’absorption n’est pas un critère déterminant, toutes les familles de plantes ont un potentiel très proche de piégeage qui est plus corrélé à la quantité de MS (matière sèche) produite qu’à l’espèce : 25 à 30 unités d’azote par T de MS en moyenne. Le choix du couvert dépend des critères suivants :
  • Dans quelle rotation ?
  • Durée de végétation et date de destruction
  • Objectifs complémentaires : lutte anti nématode, travail de la structure…

Bien sur le couvert devra être adapté aux contraintes règlementaires locales. Par exemple l’interdiction de destruction chimique, l’usage de plantes gélives comme la phacélie, certains trèfles… En tout cas il est nécessaire de retenir des variétés adaptées au sein de chaque espèce. La gamme chlorofiltre : référence du marché est constituée de mélanges, une quinzaine de compositions répondent à la majorité des situations.

Développement :

Les couverts se développent (de 1M ha à 1,3 M ha), d’abord en lien direct avec l’obligation des couvertures des sols en automne : 100% en zones vulnérables, extension de ces zones… Mais aussi parce que de plus en plus d’agriculteurs prennent conscience des bénéfices, démontrés par des essais longue durée comme celui de THIBIE dans la marne, qui montre des accroissements continus de gain de rendement. « 

Voir en ligne : http://www.agriculture-nouvelle.fr/...