Les sols ont une capacité naturelle à se restructurer

Jérôme Labreuche - Perspectives agricoles ; PERSPECTIVES AGRICOLES n°397, février 2013

Un sol peut se restructurer naturellement grâce au climat, c’est-à-dire l’alternance de gel/dégel ou la dessiccation, et l’activité biologique via l’enracinement des végétaux ou à l’activité des organismes du sol. La restructuration est d’autant plus rapide que le sol est riche en argile.

Le travail profond n’est pas toujours indispensable. Un sol non travaillé en profondeur peut présenter une structure tout à fait satisfaisante pour permettre l’enracinement de la majorité des plantes ou l’infiltration de l’eau. Divers processus naturels sont à même de compenser, au moins partiellement, certains tassements du sol ou sa reprise en masse, quelquefois appelées « tassement naturel » (encadré 2).

Les sols argileux se fissurent

La fissuration des sols se produit sous l’effet du climat. Elle est effective pour les sols comportant au moins 15 % d’argiles et forte dès que ce taux dépasse 20 %. C’est le retrait des argiles lors de leur dessèchement qui laisse apparaître les larges fissures. Lors de leur réhumectation, elles gonflent à nouveau, refermant le réseau des fissures tout en permettant de parfaire l’action de fissuration naturelle des zones compactées.

Ce phénomène est moins marqué dans les situations irriguées ou au climat humide. Quelques exceptions existent, comme certains sols contenant des argiles peu gonflantes. Quant aux sols les plus battants, ils ont un faible niveau de fissuration. Leur capacité à se restructurer naturellement est donc plus lente.

Les horizons de surface plus sensibles

Le gel peut aussi avoir un impact positif sur la fissuration des sols, avec des proportions très variables selon la région ou l’année. Cet effet est également plus prononcé en sols argileux, argilo-calcaire et en sol de craie. Ces effets climatiques liés au dessèchement ou au froid sont plus importants dans les horizons de surface, car ce sont les plus soumis aux fortes variations d’humidité et de température. Un simple « hivernage » suffi t ainsi souvent à éliminer les mottes dans le lit de semences et à favoriser la création de terre fine. Dans les horizons plus profonds, le climat joue aussi. Mais il conduit plutôt à créer un réseau plus ou moins dense de fissures colonisées au moins partiellement par les racines.

L’activité biologique favorise la porosité

Certains organismes vivants dans ou sur le sol créent de la porosité (encadré 1), un phénomène qui participe également à la restructuration naturelle des sols. La porosité biologique peut être utilisée pour l’enracinement des cultures, l’infiltration de l’eau, l’oxygénation du sol… Or, les organismes fouisseurs comme les vers de terre contribuent à créer des galeries, qui complètent celles dues à l’enracinement des végétaux.

Un essai réalisé par l’INRA à Estrées Mons (80) a mis en évidence le rôle crucial des vers de terre dans la fabrication de la porosité du sol, mais également leur activité relativement lente. Effectué en février 2005 sur un sol limoneux contenant 19 % argile et 1,7 % de matière organique, il a consisté à tasser fortement certaines zones puis à suivre leur évolution pendant deux ans, en l’absence de tout travail du sol profond. Après le tassement, la densité apparente du sol (encadré 1) était de 1,46 entre les roues contre 1,57 dessous. Peu de temps après la compaction partielle du sol, l’abondance et la biomasse des vers de terre ont été réduites respectivement de 40 % et 70 % dans les zones tassées par rapport à celles non tassées. Au-delà de 3 mois après le tassement, les vers de terre ont à nouveau créé des galeries dans les zones compactées (figure 1).

Les vers de terre agissent lentement

C’est grâce à eux que la macroporosité du sol s’est reconstituée. Il a cependant fallu entre 12 et 24 mois pour retrouver des densités de réseau de galeries ou des vitesses d’infiltration de l’eau comparables entre zones tassées ou non. Et au bout de 24 mois, la densité apparente du sol différait encore, avec 1,48 entre les roues et 1,53 dessous. La régénération de la structure était donc encore incomplète même si une bonne partie des propriétés du sol était déjà récupérée. Comparativement à l’activité biologique du sol, la fissuration des sols argileux est plus rapide.

Les racines fasciculées plus efficaces

Les racines de certaines cultures peuvent également s’avérer très efficaces pour améliorer la structure du sol. La luzerne agit par exemple assez profondément grâce à son pivot. Les graminées porte-graine opèrent quant à elles de façon plus superficielle grâce à leur système racinaire fasciculé. Même si cela n’a pas encore été étudié de manière fine, les cultures intermédiaires ne semblent toutefois pas une solution sûre pour restructurer un sol du fait de leur durée de vie courte. Des observations de terrain montrent que la colonisation de zones tassées par les racines de couverts est souvent limitée, en particulier avec les plantes pivotantes dont la racine principale « fourche » très facilement. Des couverts à racines fasciculées, comme des graminées bien développées, restructurent mieux les compactions dans les premiers 10-15 cm. Dans des sols sensibles à la reprise en masse en hiver, une masse racinaire importante dans les premiers centimètres limite la dégradation de la structure du sol et améliore la stabilité structurale en surface. Pour des tassements plus profonds, l’impact des cultures intermédiaires est peu significatif.


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