Lundi 23 juillet 2012
Frédéric Thomas

Après des séjours aux États-Unis et en Australie, Frédéric THOMAS débute son activité de conseil de terrain et, en 1999, il crée la revue TCS. Il s’appuie aussi sur sa ferme, en Sologne, des terres sableuses hydromorphes à faible potentiel, où il met en œuvre l’AC avec réussite. Il est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs du développement de l’AC en France.

Des fleurs dans les couverts pour nourrir les abeilles et sauver les apiculteurs !

Le froid et surtout l’humidité du printemps et de ce début de l’été n’ont pas été propices pour les semis, les foins, les céréales mais aussi pour les fleurs et les abeilles. A ce titre beaucoup d’apiculteurs ont un peu le bourdon en regardant leurs ruches dépérir en ce début juillet avec pas ou peu de récolte de miel en perspective.

En faite cette dure réalité montre encore une fois, pour les abeilles comme pour l’activité biologique du sol et d’une manière générale pour le vivant, que c’est avant tout la quantité, la qualité et la diversité de la ressource alimentaire qui prime. Les phytos, souvent mis en avant, et dans ce cas les insecticides, ont certes des impacts négatifs pour toute cette activité biologique périphérique mais utile. Mais c’est l’ensemble des pratiques agricoles qui conduisent à avoir des milieux plus ou moins accueillants voire complètement hostiles à l’activité biologique : un champ de blé ou un foin fauché, ne sont pas propices aux abeilles. A ce titre, passer le reste de l’été à déchaumer et laisser un champ « propre » et nu, c’est fortement perturber l’activité biologique du sol mais aussi oublier les auxiliaires et les abeilles alors qu’implanter un couvert c’est apporter de la biomasse, des fleurs et de la nourriture de choix à une époque où elle se fait rare : une forme de compensation écologique rentable agronomiquement et appréciée par beaucoup.

Si les spécialistes parlent de « jachères apicoles », nous avons pris l’habitude d’implanter entre 2 céréales ou entre une paille et une culture de printemps des « biomax » de 5 à 12 espèces qui répondent parfaitement aux besoins des abeilles en terme de qualité de fleur, de diversité mais également d’étalement de la floraison sur la durée, de la fin de l’été à l’automne. Si les moutardes, les radis fourragers sont convenables, les tournesols, la phacélie, les vesces, les trèfles, les pois et le sarrasin sont des fleurs très mellifères qu’il ne faut pas hésiter à mettre. Attention cependant pour le sarrasin qui doit seulement être utilisé avant des cultures d’hiver ou des orges de printemps car la relevée de graines peut être ennuyeuse dans les maïs, betteraves ou tournesols qui suivent.

En complément l’association de cultures comme pour le colza (semis avec des plantes compagnes : cf. article de TCS) est une opportunité supplémentaire de mettre d’autres plantes et d’autres fleurs dans les champs. La lentille, la gesse, le nyger, le fenugrec et encore le sarrasin sont ici de parfaits candidats. En plus de tenir les adventices en respect, réduisant voire supprimant le désherbage, de perturber et/ou de leurrer certains insectes ravageurs (limitant ainsi le recours aux insecticides d’automne) ou de fixer de l’azote, ces plantes compagnes vont également être très favorables aux abeilles : un double argument supplémentaire qui plaide encore plus en faveur des colzas associés.

Ainsi l’agriculture « céréalière » et l’apiculture ne sont pas en opposition, bien au contraire elles ont des besoins et des bénéfices réciproques. A ce titre, les couverts végétaux comme les cultures associées développés par les réseaux TCS et SD peuvent être de formidables liens mais aussi des exemples d’approches collaboratrices positives balayant tous les débats et les polémiques au second plan. Cet été et cet automne, en semant vos couverts végétaux et vos colzas pensez à vos vers de terre bien entendu mais pensez aussi aux abeilles. Elles en ont particulièrement besoin cette année avec les conditions météo : elles apprécieront beaucoup, tout comme les apiculteurs.

Le positionnement de plantes compagnes avec le colza, outre les multiples avantages agronomiques et les économies que cela peut fournir, est un excellent moyen d’apporter de la diversité floristique dans des plaines souvent un peu mornes (désert vert) et d’encourager une bonne population de pollinisateurs tout comme une plus grande biodiversité fonctionnelle.

Production de pollen et de nectar (en kg/ha) de quelques espèces :
- Moutarde : 50-100 kg/ha
- Navette : 100-200 kg/ha
- Phacélie : 200-500 kg/ha
- Trèfle incarnat : 50-100 kg/ha
- Vesce : 50-100 kg/ha
- Sarrasin : 50-100 kg/ha
- Luzerne : 200-500 kg/ha