Frédéric Thomas

Après des séjours aux États-Unis et en Australie, Frédéric THOMAS débute son activité de conseil de terrain et, en 1999, il crée la revue TCS. Il s’appuie aussi sur sa ferme, en Sologne, des terres sableuses hydromorphes à faible potentiel, où il met en œuvre l’AC avec réussite. Il est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs du développement de l’AC en France.

Voici l’histoire d’un petit lac dans le Lot-et-Garonne

Ce petit lac fait 3 ha et il a été creusé en 1978 pour retenir 100 000 m3 d’eau afin d’irriguer les cultures de l’exploitation de la famille Auneau à Monteton (maïs et pruniers). Déjà envasé, 30 000 m3 de boue ont été retirés dans les années 90. Cet hiver, après avoir vidé la réserve pour consolider une digue, Stefan, le fils aîné, installé depuis 1998, constate que le lac est à nouveau rempli de boue : 40 à 50 000 m3 se sont sédimentés dans le fond sur 1,5 m et la capacité de stockage est réduite de moitié. Pire encore, le curage qui est aujourd’hui inévitable afin de conserver la capacité d’irrigation, va revenir au moins à 1€/m3, un coût d’entretien dont les agriculteurs se seraient bien passés en cette période de récession.
Constatant que la vase que l’on retrouve dans le lac est la meilleure terre du petit bassin versant (450 ha) où se trouve une partie de sa ferme, cette situation a fortement interpellé S. Auneau qui a entamé une vraie remise en cause avec une avalanche de questions. « Même si l’on peut accuser les remembrements, les arrachages de haies et l’agrandissement des parcelles, » convient-il « la gestion des sols, l’approfondissement des labours et le déploiement du maïs avec des intercultures vides sont aussi largement responsables ». A ce titre, son père remarque que les terres reprises lors de départs en retraite se sont toujours bien travaillées au début mais sont progressivement devenues massives, nécessitant plus de puissance. « Nous sommes face à un non sens économique et agronomique et il est urgent de changer notre façon de travailler » conclut le jeune agriculteur « Mon cas n’est pas isolé car le département du Lot-et-Garonne compte environ 3500 retenues comme la mienne et avec le même état d’envasement ».
Ce témoignage, où l’agriculteur est plusieurs fois victime de l’érosion (perte de la fertilité dans les parcelles en amont, réduction de la capacité de stockage de sa réserve pour l’irrigation mais aussi celui qui va en partie devoir supporter les coûts directs et induits), est un véritable cas d’école. C’est cependant, une chance que cette terre ait été retenue dans ces lacs construits sur des petits cours d’eau à l’embouchure de micro bassins versants. D’une part elle n’a pas été évacuée plus loin pour venir augmenter les montagnes de sédiments charriés par les rivières jusqu’à la Garonne qui se charge de tout rejeter dans l’océan. D’autre part, l’envasement des lacs mais surtout les coûts de curage vont sûrement motiver un grand nombre d’agriculteurs de la région aux TCS et SD, un peu las, enfin, de jouer les Shadocks !!!

Petit calcul : si l’on admet que ce lac a collecté 70 000 m3 de vase en 30 ans et que cette boue correspond à 140 000 m3 de sol en place (densité moyenne de 1,2), cela représente environ une érosion de 3,5 cm sur toutes les terres du bassin versant où la perte de 50 ha de terre sur une épaisseur de 25 cm. Difficile dans le cas présent de parler d’agriculture durable…