Mercredi 4 mars 2009

Le non labour fonctionne aussi en zone humide

Les agriculteurs sont souvent accusés de se plaindre du temps qu’il fait et, dans le Sud-ouest de l’Angleterre, je pense qu’ils ont bien raison de se plaindre. Nous avons eu une sécheresse en mars et avril 2007 qui a provoqué de graves dommages à toutes les cultures. Il a recommencé à pleuvoir au début de mai 2007 sans que cela s’arrête vraiment depuis. Le résultat est que cela fait bientôt deux ans que notre terre est saturée en eau de façon permanente. Les deux dernières récoltes ont été les plus humides jamais réalisées, avec comme résultat des sols qui ont gravement souffert du poids des engins.

Beaucoup associe TCS réussis, climats secs et bonnes conditions de sol, mais pour nous c’est surtout le système qui nous a permis de nous en sortir malgré ces conditions humides. Il faut dire que la plus grande partie de notre terre n’est plus retournée depuis plus de dix ans et que par conséquent la structure naturel des sols et l’activité biologique sont plutôt bonnes. Dans les endroits où nous avons utilisé la charrue après la récolte 2007, la récolte de 2008 fut impossible en raison de l’effondrement total de la structure, et dans certaines situations l’impossibilité de moissonner les cultures. A l’inverse dans les parcelles avec du recul en TCS et sans perturbation de la structure, tout a pu être récolté avec des déprédations minimales.

Aujourd’hui, en ce début de mars 2009, nos meilleures cultures d’hiver (blé, colza et féveroles) sont celles qui ont été semées en non labour. Non seulement nous avons une bonne densité mais nous avons également très peu d’adventices et de problèmes de limaces.
Il m’a quand même fallu presque dix ans pour apprendre que aussitôt que tu travailles ton sol, aussitôt tu " actives l’interrupteur " adventices et repousses, tandis que les bactéries du sol commence à te digérer les résidus de culture. Ce processus n’est d’ailleurs pas gênant tant que tu as le temps, mais après deux années de récoltes retardées nous avons eu peu de jours entre la récolte et le semis suivant : rien n’a eu le temps de pousser entretemps et la décomposition des résidus a consommé l’azote disponible.
Au contraire, là où dans l’urgence nous n’avons pas eu le temps de préparer la surface, les cultures ont bien poussé, sans faim d’azote et sans salissement intempestif.

Beaucoup d’agriculteurs anglais se sont battus et ont perdu la bataille contre les limaces en 2007 et 2008. Là où nous avons travaillé le sol, non seulement nous avons enfoui leur nourriture sous la surface, mais en leur fabriquant en plus un abri. Laissés en surface, les œufs de limaces et les juvéniles sont exposés aux éléments, sans compter plusieurs passages de herse lourde. une couverture permanente du sol, si elle peut être un problèmes dans les premières années de non labour, devient un atout quand elle permet le développement, la protection et la nutrition des carabes, ennemis naturels des limaces.

enfin, la volatilité des marchés des céréales et du colza et un problème pour nous tous et, comme producteurs, nous avons a nous affranchir le plus possible de cela en réduisant au maximum notre niveau de risque financier. Nous savons ainsi qu’en adoptant le non labour nous pouvons réduire drastiquement nos coûts de main d’œuvre et de mécanisation. mais ce qui est peut-être moins largement compris c’est que lorsque le système en agriculture de conservation / TCS et semis direct est poussé jusqu’au bout, il permet aussi une réduction importante de la fertilisation et de l’usage des pesticides.
Sur les parties de notre ferme sur lesquelles nous sommes en non labour complet, nous avons constaté une réduction de 30% des coûts de production sans affecter les rendements. Notre problème est uniquement " d’avoir les nerfs " pour abandonner le travail du sol et de tout passer en semis simplifié.