Vendredi 4 avril 2014
Cécile Waligora

Biologiste, écologue et agronome de formation, Cécile WALIGORA anime et rédige aussi pour la revue TCS. Elle s’intéresse tout particulièrement à la biodiversité des agroécosystèmes.

La tolérance au lait n’est pas seulement génétique

JPEG - 20.2 koEncore une petite histoire… Cette fois-ci, nous allons parler de lait et de lactose… Quel que soit votre âge et depuis votre plus tendre enfance, vous consommez du lait, directement ou indirectement. Mais, parmi nous, certains tolèrent très bien le lait et d’autres non.

Boire du lait adulte n’est pas naturel

Tolérer le lait lorsqu’on est tout jeune (chez les mammifères, on parle de période d’avant sevrage) est tout à fait normal et naturel. Par contre, cela ne l’est plus lorsqu’on devient adulte. Quitte à en choquer quelque uns, en réalité, boire du lait lorsqu’on est adulte revêt plus d’une anomalie que d’un comportement naturel ! C’est ne plus le tolérer qui est naturel !

Un peu de biologie s’impose… Chez les mammifères, naturellement, l’adulte, qui n’a donc plus besoin de lait maternel, perd sa capacité à métaboliser le lactose. On parle ici de lait et pas de produits laitiers (yaourts, fromages etc.). Ces produits-là contiennent si peu de lactose qu’ils sont digestes pour quasiment tout le monde. Le lactose est un sucre et pour pouvoir l’assimiler, l’organisme a besoin d’une enzyme, la lactase. Les jeunes produisent cette enzyme, ce qui leur permet de métaboliser le lactose. Par contre, en grandissant, ils arrêtent de fabriquer la lactase.

Alors pourquoi donc un tiers de la population adulte est encore capable de digérer le lait ? Autre questionnement : cette tolérance est aussi géographique puisqu’elle est quasiment totale en Europe du Nord et quasi nulle par exemple en Asie du Sud-Est.

Un accès plus facile au lait

L’explication vient d’une mutation car nous aussi, l’espèce humaine subissons, au cours de notre évolution, toutes sortes de mutations. Celle-ci est vraiment infime : une seule base (une seule lettre si vous voulez) qui change sur notre ADN ! D’après les scientifiques, cette mutation serait assez récente et c’est là que l’agriculture pointe aussi son nez… Je m’explique : ce tout petit changement dans l’ADN de certains individus serait survenu il y a environ 7500 ans en Europe centrale d’où le niveau de tolérance au lactose beaucoup plus grand dans cette partie du monde aujourd’hui. Mais la mutation serait également apparue, de manière sporadique ailleurs, expliquant ainsi pourquoi on a aussi de la tolérance dans certaines régions d’Afrique ou du Moyen-Orient. Alors pourquoi cette expansion plutôt rapide de cette mutation ? Il faut, pour cela, que les individus porteurs soient favorisés. Les généticiens ne sont pas encore très catégoriques mais il se pourrait bien que l’explication vienne de l’élevage. En effet, pour que cette mutation se développe rapidement dans une population, il faut que les individus aient un accès plus facile au lait : il faut qu’il y ait un élevage laitier. L’évolution serait donc à la fois génétique (la mutation sur l’ADN) et culturelle ! Pour rappel, l’élevage est apparu chez les premiers hommes au Néolithique.

Je vous l’accorde, dans ce carnet, je me suis un peu éloignée du sol et de l’agriculture de conservation. Mais cette histoire n’est-elle pas fascinante ?