Horsch, le retour au semis direct

Frédéric Thomas ; TCS n°83 - juin/juillet/août 2015

Même si cela peut surprendre, Michaël Horsch n’est pas que concepteur et constructeur de machines agricoles, il est avant tout un agriculteur. L’ouverture de l’Est après la chute du mur en 1989 lui a permis, ainsi qu’à sa famille, de confronter et de mettre en œuvre son savoir-faire et ses équipements tout en affinant ses stratégies. Ainsi, son regard, son analyse et son action ont toujours été orientés vers la recherche d’efficacité pour les grandes exploitations. Précurseur en matière de simplification du travail du sol il y a 30 ans avec le Seme-Exact, aujourd’hui c’est la gestion du salissement et le développement d’une approche globale intégrant la localisation du trafic qui le ramènent au semis direct.

Du Seme-Exact de 84 en passant par le delta Sem et le soc Duett (PPF) jusqu’au Terrano et au Focus (forme de strip-till), c’est la recherche de solutions à la fois efficaces, sécurisées et cohérentes agronomiquement qui aiguillent M. Horsch. Même si son entreprise, toujours en pleine croissance, l’accapare beaucoup, il a su garder son œil d’agriculteur. La gestion de ses exploitations agricoles en ex-Allemagne de l’Est et République tchèque challenge ses réflexions et permet d’affiner ses stratégies agronomiques. C’est cette confrontation entre l’épreuve du terrain et l’industrie qui lui permet la conception et le développement de solutions techniques pertinentes. Il montre encore cette détermination en s’attaquant au monde de la pulvérisation où il n’hésite pas à bousculer les conventions en proposant de réduire fortement les risques de dérive en rapprochant la pulvérisation de la cible. Il suffit de rapprocher les buses et concevoir un système de gestion de hauteur de rampe proactif qui suit la végétation à moins de 25 cm. Pour ce qui est du travail du sol, Horsch s’est efforcé de proposer des solutions pour la réduction des interventions et des coûts de mécanisation.

Dans cette optique, le semis direct a toujours été à l’étude et un dispositif de parcelles de comparaison de pratiques sur l’exploitation familiale de Schwandorf en Bavière a permis d’acquérir de solides références. Il montre que dans ces conditions spécifiques et sans changements périphériques, c’est l’approche TCS à 20 cm qui est la plus performante en apportant une sécurisation, voire un léger gain de rendement tout en procurant des économies de mécanisation (25 l/ha d’économie de carburant en comparaison au labour). Cette notion est d’ailleurs un point très important dans un monde où le prix du foncier comme des intrants nécessite la proposition d’itinéraires sécurisés, notamment avec des tailles d’exploitation importantes.

Apprentissage de la culture du maïs

Avec l’acquisition d’une ferme en République tchèque en 2002, M. Horsch fait son apprentissage de la culture du maïs en terre argileuse. De cette expérience va ressortir le strip-till mais aussi l’idée qu’il est important de localiser le trafic. Avec la reprise d’une autre exploitation au nord de Prague avec également des terres très argileuses, il investit définitivement dans la localisation de la circulation de toutes les interventions avec une planification bien calée par parcelle entre pulvérisateur (36 m), travail du sol et semoir (12 m). Cette nouvelle expérience lui permettra de comprendre et ensuite démontrer que c’est avant tout les roues et le trafic, notamment en terre argileuse, qui exige de retravailler le sol pour recréer une porosité précaire et encore plus facile à refermer lors du passage suivant. Dès lors, si la circulation des outils est bien calée sur moins de 15 % de la surface (objectif de seulement 10 %), le sol conserve son organisation structurale et sa porosité. La suppression du travail profond devient alors possible et le semis direct envisageable. Il est d’autant plus intéressant qu’en CTF (Control Trafic Farming), il faut être capable de travailler et surtout semer avec des outils de largeur équivalente à la coupe de la moissonneuse-batteuse pour faciliter l’alignement des passages.

Le salissement « graminées » et les résistances se développent

Le second élément de réflexion vers le SD est la situation du salissement en Allemagne du Nord et les autres grands pays céréaliers de l’Est. Les graminées, comme chez nous en France, se sont bien installées et font de la résistance. Les coûts de désherbage deviennent trop élevés et certaines impasses apparaissent. Même si les rotations sont un peu étriquées, il est de plus en plus clair que ce n’est pas vraiment le travail intensif du sol qui est la solution. Au contraire, il apparaît qu’une stratégie de non-perturbation du sol au moment du semis, opération qui déclenche des levées, est plus adaptée pour réduire le risque graminées : un autre élément favorable au semis direct. C’est donc une forme d’approche globale s’appuyant sur la localisation du trafic et la diminution du risque salissement graminées toujours en association avec une recherche d’efficacité et réduction des coûts de production qui conduisent aujourd’hui M. Horsch à s’intéresser de nouveau au semis direct. Avec sa force de communication et de nouveaux outils adaptés, il risque certainement de faire avancer positivement ce dossier au niveau européen, voire de changer les perceptions de beaucoup d’agriculteurs et de techniciens.

Développement et premiers essais d’un semoir de SD

Après la conception d’un premier élément de semis pour le SD en 2013, Horsch a construit un prototype de semoir en 2014 qui a travaillé à l’automne dernier en Haute-Marne afin de tester et valider les options envisagées. Après ce premier tour de disques, deux nouvelles machines, avec les derniers aménagements, vont tourner cet été et cet automne dans le même secteur, mais aussi chez certains clients ailleurs en France. L’idée est de confronter les choix techniques à des conditions différentes. En parallèle, d’autres semoirs du même type seront testés au Danemark et en Allemagne.

Le monodisque s’impose

Afin de limiter la perturbation du sol tout en gardant un bon contrôle de la profondeur de semis, la solution du monodisque s’est imposée de fait. Tout en reprenant les grandes lignes du JD 750, largement éprouvé, M. Horsch et son équipe l’ont adapté afin qu’il réponde à leur cahier des charges et injecté leur savoir-faire en matière de construction d’équipements. Le bras de support sera en acier moulé afin de lui donner plus de rigidité. À l’avant il est fixé sur un carré par un système de brides et plots en caoutchouc. Ce choix maintenant bien éprouvé apporte beaucoup de fiabilité mais aussi joue bien le rôle de ressort/amortisseur afin de stabiliser simplement et individuellement chaque élément au travail. La pression de pénétration, réglable hydrauliquement en cabine, est possible en faisant pivoter le carré de support sur lui-même. Elle devrait pouvoir atteindre 200 kg/élément. Pour ce qui est du disque ouvreur, le constructeur allemand a choisi un grand diamètre (480 mm) afin de mieux progresser dans les résidus mais l’angle de travail a été réduit d’un petit degré (6 au lieu de 7 sur le JD 750), toujours pour limiter au maximum la perturbation au semis. La roue de jauge qui lui est accolée est d’un diamètre inférieur (400 mm) et assez large (115 mm) afin d’être aussi efficace dans la maîtrise de la profondeur en sol préalablement travaillé (déchaumage post-récolte) comme en semis direct strict. Enfin et toujours pour des raisons de fiabilité, le palier du disque est aussi d’un grand diamètre (65 mm), à bain d’huile et avec 2 roulements à rouleaux coniques afin de mieux encaisser les efforts latéraux. La rasette de semis, accolée au disque a été également légèrement affinée pour les mêmes raisons. Elle est protégée par deux plaques de tungstène et est réglable en hauteur par rapport au disque (3 positions). Enfin et comme sur l’original, la graine est arrêtée et imprimée dans le sol par une roulette qui suit dans le sillon. Celle-ci est cependant munie d’un décrotteur et elle est escamotable si les conditions de semis ne permettent pas son utilisation. Ensuite le sillon est refermé par une roue latérale dont il est possible de régler la pression (3 positions).

Au-delà de ces éléments, l’originalité de la ligne de semis direct Horsch est l’intégration d’un chasse-résidus à l’avant. Cette option n’est pas encore vraiment finalisée dans sa forme mais elle est certainement utile pour dégager les pailles des lignes de semis notamment devant colza ou pour semer les couverts dans les chaumes juste après la récolte. La localisation de la fertilisation est également intégrée afin de compenser la non-minéralisation par le travail au semis. Le semoir sera équipé de deux trémies avec un positionnement de l’engrais dans le même sillon. Pour l’instant seule la version engrais solide a été envisagée. Enfin le châssis, qui n’est pas encore complètement finalisé, sera fixe et supportera les trémies et les éléments semeurs rétractables hydrauliquement. Par contre Horsch a déjà intégré dans le design l’intégration de masses de lestage sur la flèche et à l’arrière des trémies. Même si ce prototype n’est pas encore complètement finalisé, il est déjà très fonctionnel et va parfaitement s’insérer dans la stratégie globale définie par le constructeur/agriculteur allemand. Il affirme enfin la volonté de M. Horsch d’investir le marché frémissant des semoirs de semis direct.


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