Jeudi 19 mars 2015
Vincent Pereyre

"C’est en lisant les livres de Dominique Soltner pendant mes études que j’ai pris conscience que l’agriculture me passionnait. J’ai travaillé sur des fermes, passé 15 ans dans le pub puis 5 ans en cuisine, avant de revenir à l’agriculture et découvrir les travaux d’Allan Savory."

Holistic management : un cas concret

JPEG - 445.8 koJe vais vous parler aujourd’hui d’une démarche holistique pour une esthéticienne. Alors je vous vois venir, vous allez sûrement penser "Parle nous tracteur, charges hectare, semoir, parle nous vie du sol, déjà tu commences et tu es hors sujet." Alors je réponds, "pas forcément". Ce qui me permet de définir le contexte de cet article. Je veux vous parler d’un cas concret de holistic management, dans lequel on va regarder différents aspects de la démarche. Comment on met tout cela en place, comment ça marche, et qu’est-ce que ça apporte ? Pour démarrer en holistic management on a besoin de 3 composants : le contexte holistique, l’ensemble de direction et 7 questions tests, toujours les mêmes qui nous permettront de savoir si nos décisions vont être fondées à la fois au niveau financier, social et environnemental, à court terme et à long terme.

1/ Le contexte holistique (je vais à la pêche de mes buts, mes objectifs, mes valeurs, je regarde ce que j’aime dans la vie et ce que je veux devenir) On commence à demander à la personne, quel est ton but dans la vie ? Puis pourquoi ? Et on enchaine d’autres questions du type : qu’est-ce que tu aimes faire ? C’est quoi pour toi, avoir passé une bonne journée ? En général, au début du questionnaire, ça se passe comme ça : la personne dira ouh là c’est compliqué, ou très bonne question, j’ai alors l’impression que ça ne sortira jamais, puis c’est parti, et moi je suis à la ramasse derrière essayant de tout noter, de ne rien oublier. En fait, nous avons tous des buts, des objectifs, des valeurs, des choses qui sont importantes pour nous, et l’objectif du contexte holistique, c’est de les écrire une fois pour toute sur un bout de papier, pour les garder en mémoire : moi je veux que ma vie soit comme ça. Alors voici le contexte holistique de notre j’allais dire jolie, moi personnellement je la trouve charmante, esthéticienne. Je veux rentabiliser aujourd’hui mon activité, en me fatiguant moins, rester indépendante (artisan à son compte) pour assurer mes vieux jours et laisser un patrimoine à mes enfants quand je partirai. Objectifs à court terme : rentabiliser mon entreprise, me fatiguer moins, rester indépendante. Objectifs à long terme : assurer ma retraite, transmettre un patrimoine. Ceci étant posé, on regarde maintenant comment ça se passe chez nous et autour de nous.

2/ L’ensemble de direction : Whole under management. Cet ensemble nous est propre, il est notre socle et l’on regardera comment le faire évoluer. Il comprend 3 parties : le décideur, ses ressources, son argent. Dans mon ensemble, c’est moi qui prends les décisions (sur cette parcelle, cette année je vais faire de l’avoine). Certaines personnes vont influencer mes décisions : ma femme, et oui ma femme, ma famille, mes amis, mes clients, mes fournisseurs... Dans mon ensemble, j’ai mes ressources : on essaiera d’en faire le tour sachant qu’on est toujours plus riche que ce que l’on croit : ma famille, mes amis, mes compétences, mes qualifications, mes relations, les gens vers qui je peux me tourner pour demander conseil, mes clients, mes fournisseurs, mes leviers pour faire avancer les choses, la cuma, la coopérative, un groupement professionnel... Et dans mon ensemble, il y a cette ressource très particulière et que l’on met donc à part, qui est l’argent, le flouze, la tune... Commençons par celui que je préfère, le liquide, puis ce qu’il y a en banque, l’accès au crédit, des rentes... Examinons les ressources de notre esthéticienne : 30 ans d’expérience professionnelle (Oui ! Elle a commencé très jeune), un BTS esthétique obtenu par le système de validation des compétences. Une clientèle en trois parties. Une clientèle à domicile (déplacement en scooter par tous les temps), une clientèle dans un salon de coiffure A (manucure, pédicure), une clientèle dans un salon de coiffure B avec une cabine personnelle. 2 fournisseurs de produits professionnels + la pharmacie du coin. Des copines dans le métier, indépendantes elles aussi, pour se refiler des tuyaux et conseils. Ici il n’y a pas de terres, de grands hangars et s’il y a un troupeau, c’est bien un troupeau de clientes qu’il faut soigner et soigner avec beaucoup de tact et d’attention.

3/ Sept questions test (testing guidelines) qui permettent de contrôler que nos décisions nous ramènent à notre contexte holistique (nos but, valeurs...) Normalement, on utilise ces test chaque fois qu’on prend une décision, le but étant de les avoir dans la tête en permanence pour orienter notre réflexion. Ici je vais les utiliser à titre d’exemple puisque elles s’appliquent bien avec le contexte défini ci-dessus.

1er test : "Je veux une entreprise plus rentable" On cherche ici quelle est l’activité la plus rentable dans une entreprise donnée, globalement celle qui rapporte le plus, qui permet de dégager la marge la plus importante, et ce en vue de couvrir les frais généraux. Ici on peut tronçonner en 4 activités : Manucure 30€/heure Pédicure 40€/heure Soins 50€/heure Epilation 60€/heure. Bon j’ai modifié ces chiffres pour faire plus simple et le principe du calcul c’est, je facture une manucure 20€, j’ai 5€ de charges variables dessus (produit, vernis, crème...) et au taquet je peux faire deux manucures à l’heure, donc au bout d’une heure il me reste 30€ pour couvrir mes frais généraux (RSI et ses amis). Donc l’épilation devrait remporter la victoire au niveau de la rentabilité, mais il se trouve que c’est une activité fatigante et que notre décideuse n’apprécie pas trop, donc l’épilation est coiffée au poteau, le soin passe en tête, aidé par le contexte holistique (plus rentable et moins fatigant).

2ème test : Le maillon faible. On considère qu’une entreprise est une chaine constituée de trois maillons, le jeu consiste à déterminer le maillon faible, pour pouvoir le renforcer le plus tôt possible. Conversion de ressources : travail + argent + compétences Conversion en produit ; ici une prestation de services : manucure, pédicure, soin, épilation Commercialisation : ici vente de ces services.

1er maillon compétences, qualification : 30 ans d’expérience 2ème maillon : le produit ou le service. Le soin a été optimisé, charges variables réduites au minimum : utilisation de produits maison dû à une forte expérience (il y avait eu l’hypothèse d’acheter des produits clé en main, très pratiques et chers avec un droit d’entrée de 2500€, histoire de se coller bien la pression !) 3ème maillon : la commercialisation, c’est notre maillon faible, le produit est bon, les clientes sont contentes de la prestation soin, mais la vente de la prestation est rare.

3ème test : quand on est confronté à un problème. A t-on trouvé la cause ou bien va t-on agir uniquement sur les symptômes ? Le problème ici, c’est que les ventes de soins sont faibles. Et la question qu’on se pose, c’est pourquoi, et on reposera la question pourquoi autant de fois que nécessaire. Voilà comment dans ce cas cela a fonctionné dans la pratique. Pourquoi la vente de soins est rare ? Parce que je n’en parle pas suffisamment. Pourquoi je n’en parle pas suffisamment ? Parce que je fais un blocage dans le salon A (dans l’ensemble de direction, on avait défini dans les ressources, un salon A sans espace soin, proposer des soins dans ce salon A, revient à dire proposer des soins aux clientes du salon A pour les faire venir dans le salon B, d’où crainte de faire du détournement de clientèle). Dans le salon A, je suis connue pour faire de la manucure exclusivement, et la manucure, c’est relativement simple à proposer, puisque le prix n’est pas élevé, et que les clientes optimisent leur temps de coiffeur en repartant avec les mains faites. Pourquoi je vends peu de soins dans le salon B ? Parce que ce n’est pas proposé de façon judicieuse et commerciale. Pourquoi ce n’est pas proposé de façon judicieuse et commerciale ? Parce que je n’y crois pas, parce que je ne suis pas assez préparée. Nous avons identifié la cause du problème : je n’y crois pas, je n’y suis pas assez préparée.

4ème test : quelle est l’action, la démarche à mettre en place la plus rentable pour nous ramener à notre contexte holistique (but, valeurs...) Nous avons utilisé un rapide brainstorming (c’est préconisé en holistic management pour pouvoir avoir un bon paquet d’idées et les passer ensuite à la moulinette des questions test, pour voir une fois de plus si ces idées nous ramènent vers notre contexte holistique). Je pense à proposer Parler du soin à chaque fois Je prépare un argumentaire de vente... Je fais une formation dans le cadre du FAFCEA (Fond d’assurance formation des chefs d’entreprise exerçant une activité artisanale) de deux jours sur le marketing et la commercialisation "Apprendre à servir pour mieux vendre". Cette idée est retenue et sera faite en priorité. Je regarde sur les forums professionnels sur Internet Je pense peut être diagnostic : votre peau parait un peu sèche, je peux vous proposer un soin hydratant, on prend rendez-vous ?

Il nous restera 3 questions test à aborder prochainement. Pour l’instant, si vous m’avez lu jusqu’au bout, je me permets de vous présenter Brigitte notre esthéticienne à domicile sur son scooter.

Et le gros veinard à côté, c’est moi !