Alternative au blé d’hiver derrière maïs. Et pourquoi pas une orge d’hiver ?

Cécile Waligora, TCS n°34 - septembre / octobre 2005

Si elle est plus délicate à conduire qu’un blé, l’orge d’hiver a néanmoins certaines qualités qui peuvent faire pencher la balance en sa faveur. Il apparaît que derrière un maïs, elle produit plus et surtout, elle permet de s’affranchir des risques de fusariose à l’épiaison. Lorsque le débouché est là, pourquoi s’en priver ? C’est le choix qu’a fait un polyculteur éleveur breton, Bernard de la Morinière.

Bernard de la Morinière est éleveur de vaches laitières (560 000 l de lait) et de volailles en Bretagne (Saint Brieuc des Iffs en Ille-et-Vilaine) sur 110 ha dont 83 ha de SCOP. Cela fait plusieurs années qu’il est en système non-labour avec une rotation sur trois ans : orge, blé et maïs. Sur les conseils du technicien de la coopérative La CAM, Yann Berthelot, B. de la Morinière a fait le choix de faire suivre le maïs, non pas par un blé mais par une orge d’hiver. Pour le technicien, les objectifs sont multiples. Premièrement, obtenir un rendement plus élevé et, deuxièmement, s’affranchir du risque fusariose sur le blé après maïs. Ces objectifs semblent atteints. « En terme de rendement, nous avons remarqué u’une orge derrière un maïs ensilage produit facilement 5 à 6 q/ha de mieux que derrière un blé » déclare le technicien. L’orge d’hiver exige plus d’azote qu’un blé pour son implantation et son développement précoce. Après un maïs, elle profite de l’azote résiduel du maïs et du peu de minéralisation du début de l’automne, ce que le blé réalise moins bien. Y. Berthelot considère aussi qu’après un maïs ensilage, l’agriculteur peut économiser entre 20 et 30 unités d’azote sur l’orge. « L’orge produit mieux à condition qu’elle ne verse pas. Cela m’est arrivé la première année car j’avais apporté les mêmes quantités de fumure (lisier). En réduisant cet apport, on a une meilleure maîtrise » ajoute B. de la Morinière. L’orge n’est pas une espèce sensible à la fusariose, contrairement au blé. D’une part, l’agriculteur peut livrer sans crainte sa céréale à l’organisme collecteur et, d’autre part, il évite un traitement anti-fusariose à l’épiaison. L’orge fournit également une paille qui semble plus appréciée pour les élevages (meilleure qualité). Enfin, côté marché, le débouché principal de l’orge d’hiver est celui de l’alimentation animale. Le prix payé au producteur est similaire à celui du blé. À présent, B. de la Morinière sème systématiquement de l’orge d’hiver derrière son maïs. Il précise néanmoins que celle-ci est plus difficile à conduire qu’un blé. « Elle est notamment plus sensible aux aléas climatiques » indique-t-il.

Sept récoltes en cinq ans

Depuis qu’il a investi dans un semoir spécifique de semis direct (SD) et avec la recherche d’une plus grande autonomie en protéines et en azote, B. de la Morinière a décidé de modifier complètement sa rotation avec pour objectif sept récoltes en cinq ans. En premier lieu, il va faire suivre le maïs ensilage par un pois ou une féverole d’hiver après un ameublissement de la structure. Le semis se fera avec un semoir de SD (Unidrill). « Il est important, après la récolte du maïs ensilage, de créer une porosité artificielle afin d’assurer l’implantationdu protéagineux » indique l’agriculteur. Le pois ou la féverole seront ensuite ensilés fin mai – début juin pour les vaches. Cet ensilage sera suivi du semis en direct d’un maïs grain très précoce, ce secteur ayant l’avantage d’avoir des précipitations régulières en été. Une orge d’hiver sera ensuite semée en direct après le maïs grain. Dans la rotation, on retrouvera ensuite un colza puis un blé. Dans le blé, B. de la Morinière compte implanter un couvert d’un mélange de sarrasin et de vesce avant le semis en direct d’une avoine au mois d’octobre. Le sarrasin a été choisi pour son efficacité à étouffer les éventuelles levées d’adventices. Un tel mélange lui permet donc de conserver sa parcelle propre durant l’été. La vesce est intéressante pour enrichir le sol en azote ce qui profitera à l’avoine semée tardivement en direct. Le sarrasin gelant durant l’hiver, l’agriculteur ensilera l’ensemble vesce et avoine fin avril – début mai pour l’alimentation des génisses. Suivra alors, de nouveau, en direct, un maïs ensilage. Cette rotation de cinq ans permet à l’agriculteur de récolter sept fois. Cette expérience montre combien il y a de multiples possibilités de diversifier sa rotation. Ici, on ne pense plus tête de rotation globale mais bien tête de rotation pour la culture suivante. B. de la Morinière a introduit pas moins de neuf espèces dans sa rotation avec des céréales, des oléagineux, des protéagineux, des légumineuses. En tout, l’agriculteur a trois cultures fourragères et quatre cultures productrices de grains. Cette association est un véritable enchaînement de synergies positives entre les cultures avec, surtout, la plus grande diversité d’espèces possibles.


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